Actualité > À la une
À la une
Droit européen et de l'Union européenne
Confirmation du droit à la transmission d’un bail à un homosexuel après le décès de son compagnon
Mots-clefs : Clause de concubinage, Transmission du droit au bail, Homosexuels
Le 2 mars 2010, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à l’unanimité de ses membres que refuser de manière générale la transmission d’un bail aux personnes vivant une relation homosexuelle violait l’article 8 combiné avec l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En l’espèce, M. K, ressortissant polonais, vivait avec son compagnon dans un appartement dont ce dernier était locataire. Au décès de son compagnon, M. K demanda à la commune le droit de reprendre le bail ; demande qui fut rejetée. M. K saisit donc le tribunal de district puis le tribunal régional, lesquels refusèrent successivement de faire droit à sa demande de transmission de bail, en tant que concubin, les deux juridictions ne reconnaissant pas le concubinage entre deux personnes de même sexe.
La Cour européenne des droits de l’homme, saisie par M. K, observe le 2 mars 2010 qu’en recherchant si ce dernier remplissait les conditions posées par la loi sur le logement, les juridictions internes ont essentiellement tenu compte de la relation homosexuelle de l’intéressé avec son compagnon.
Les juridictions polonaises ont ainsi rejeté la demande de l’intéressé au motif qu’en droit polonais seule une relation entre une femme et un homme remplit les conditions requises aux fins de la clause de concubinage.
La Cour européenne relève alors que si « la protection de la famille, fondée sur l’union entre un homme et une femme, telle que prévue par la Constitution polonaise, constitue en principe un motif légitime permettant de justifier une différence de traitement », l’État doit toutefois « tenir compte de l’évolution de la société ».
L’État polonais cherchait, en l’espèce, à ménager l’équilibre entre la protection de la famille et les droits que la Convention reconnaît aux minorités sexuelles, or, il devait, selon la Cour, tenir compte du fait qu’il « n’existe pas seulement une façon pour un individu de mener sa vie privée ».
La Cour ne peut admettre qu’il soit nécessaire, aux fins de la protection de la famille, de refuser de manière générale la transmission d’un bail aux personnes vivant une relation homosexuelle.
Elle confirme ainsi la solution générale dégagée par l’arrêt Karner du 24 juillet 2003 : l’exclusion des couples homosexuels du champ d’application de la législation relative au transfert du bail est une mesure disproportionnée pour atteindre le but solide et légitime de protection de la famille, qui viole les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En France, la situation du conjoint homosexuel a évolué ces dernières années. La loi énumère les personnes auxquelles le bénéfice du contrat peut être attribué en cas de décès ou d’abandon du domicile par le locataire (art. 14 de la loi du 6 juill. 1989). Il s’agit notamment du concubin notoire. Jusqu’à la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, relative au pacte civil de solidarité, le concubinage s’entendait en jurisprudence d’une relation stable et continue ayant l’apparence du mariage, ce qui excluait le couple homosexuel, Désormais, le concubinage peut exister entre personnes du même sexe (art. 515-8 du C. civ.).
CEDH, 2 mars 2010, n° 13102/02, K. c/Pologne
Références
« Union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple, alors que l’union conjugale n’a pas été célébrée. L’union de fait peut ou non être accompagnée d’un pacte civil de solidarité (PACS). »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ CEDH, 24 juill. 2003, Karner c/Autriche.
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale
« 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 14 – Interdiction de discrimination
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
■ Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs
Article 14
« En cas d'abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue :
- au profit du conjoint sans préjudice de l'article 1751 du code civil ;
- au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile ;
- au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
- au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile.
Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :
- au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751 du code civil ;
- aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
- au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
- aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.
À défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l'abandon du domicile par ce dernier. »
« Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »
Autres À la une
-
Droit des biens
[ 22 novembre 2024 ]
Acte de notoriété acquisitive : office du juge quant à l’appréciation de la preuve de l’usucapion
-
Droit des obligations
[ 21 novembre 2024 ]
Appréciation de la date de connaissance d’un vice caché dans une chaîne de contrats
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 20 novembre 2024 ]
Chuuuuuut ! Droit de se taire pour les fonctionnaires poursuivis disciplinairement
-
Droit de la responsabilité civile
[ 19 novembre 2024 ]
Recours en contribution à la dette : recherche d’une faute de conduite de l’élève conducteur
-
Droit de la responsabilité civile
[ 18 novembre 2024 ]
L’autonomie du préjudice extrapatrimonial exceptionnel d’un proche d’une victime handicapée
- >> Toutes les actualités À la une