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[ 10 janvier 2011 ] Imprimer

Droit administratif des biens

Conflit de compétences entre les juridictions judiciaire et administrative relatif à la réalisation de travaux publics

Mots-clefs : Tribunal des conflits, Conflit positif, Ouvrage public, Travaux publics, Emprise irrégulière, Voie de fait

Dès lors qu’il n’y a pas de voie de fait, le juge administratif est compétent pour statuer sur une demande de démolition d’ouvrages publics a rappelé le Tribunal des conflits dans une décision du 13 décembre 2010.

Lors de la réalisation de travaux d’aménagement, la commune de Verrières-le-Buisson choisit d’acquérir à l’amiable divers terrains appartenant à des personnes privées. Après enquête de l’administration des domaines, les propriétaires d’un terrain n’ayant pu être identifiés, une procédure de biens vacants a été mise en œuvre selon les dispositions de l’article L. 27 bis de Code du domaine de l’État dans sa rédaction alors en vigueur (2003). Mais à la suite de la réalisation des travaux, la commune a découvert les propriétaires de ce terrain et leur a proposé une cession amiable. Ceux-ci ont refusé et ont saisi le tribunal de grande instance afin d’obtenir la démolition des ouvrages réalisés sur leur parcelle (mur et aire de stationnement) et demandé l’indemnisation des préjudices liés à ces travaux. Le préfet a alors élevé le conflit (conflit positif).

Le Tribunal des conflits statue sur deux demandes :

1. La demande de démolition des ouvrages et la restitution de la parcelle :

Pour répondre à cette question de compétence, le Tribunal rappelle sa jurisprudence dégagée par un arrêt du 6 mai 2002 (T. confl. 6 mai 2002, M. et Mme B c. Électricité de France). Ainsi, le juge administratif est compétent par nature pour ordonner la suppression ou le déplacement d’un ouvrage public. Le juge judiciaire ne saurait « prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public ». La seule exception à ce principe est « l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée ». Le Tribunal des conflits considère, en l’espèce, que c’est à bon droit que le préfet a élevé le conflit. En effet, le juge administratif est compétent pour statuer sur la demande de démolition de l’ouvrage public. L’exécution de l’ouvrage sur la parcelle ensuite revendiquée est intervenue au moment où le terrain n’avait pas de maître.

2. La demande d’indemnisation des préjudices liés aux travaux :

La réalisation de travaux par la commune et à son profit, sur un terrain de particulier est constitutive d’une emprise irrégulière. Le juge judiciaire est dès lors compétent pour connaître de la demande indemnitaire formée par les propriétaires du terrain à l’encontre de la commune.

T. confl. 13 décembre 2010, M. et Mme Valladon c. Ville de Verrières-le-Buisson, n° 3798.

Références

Tribunal des conflits

« Juridiction la plus haute après le Conseil constitutionnel, placée au-dessus des deux ordres pour juger les conflits de compétence entre les deux ordres de juridictions et, aussi, pour régler les contrariétés de jugements rendus à propos de la même affaire par un juge judiciaire et un juge administratif (loi du 24 mai 1872, art. 25).Le tribunal des conflits est composé paritairement de membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation et présidée par le ministre de la Justice. En pratique celui-ci siège seulement dans les cas où il faut départager des opinions qui s'opposent en nombre égal ("vider le conflit "). »

Ouvrage public

« Qualification extensive permettant d'appliquer des règles de droit public protectrices des particuliers et du bien en cause, appliquée à des immeubles affectés à la satisfaction de besoins d'intérêt général et qui, dans la majorité des cas, constituent des dépendances du domaine public des personnes publiques, généralement tirant leur origine de la réalisation d'un travail public. »

Emprise

« Fait pour l'Administration de déposséder un particulier d'un bien immobilier, légalement ou illégalement, à titre temporaire ou définitif, à son profit ou au profit d'un tiers.L'indemnisation des actes constitutifs d'emprise irrégulière relève des seuls tribunaux judiciaires. »

Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article L. 27 bis du Code du domaine de l’État

« Lorsqu'un immeuble n'a pas de propriétaire connu, et que les contributions foncières y afférentes n'ont pas été acquittées depuis plus de cinq années, cette situation est constatée par arrêté préfectoral, après avis de la commission communale des impôts directs. Il est procédé par les soins du préfet à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence connus du propriétaire. En outre, si l'immeuble est habité ou exploité, une notification est également adressée à l'habitant ou exploitant.

Dans le cas où le propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à dater de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité prévues ci-dessus, l'immeuble est présumé sans maître au titre de l'article 539 du code civil, et l'attribution de sa propriété à l'État fait l'objet d'un arrêté préfectoral transmis au maire de la commune.

Lorsqu'un bien vacant est nécessaire à la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ou qu'il présente un intérêt pour la commune, le maire peut demander au préfet de mettre en œuvre la procédure prévue par le présent article, en vue de la cession de ce bien par l'État à la commune. Le transfert de propriété au profit de la commune est effectué par acte administratif dans le délai de quatre mois à compter de la signature de l'arrêté préfectoral prévu à l'alinéa précédent et donne lieu au versement à l'État d'une indemnité égale à la valeur du bien estimée par le service du domaine. »

T. confl. 6 mai 2002, M. et Mme B c. Électricité de France, AJDA 2002. 1229.

 

 

Auteur :C. G.


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