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Procédure pénale
Conformité avec le principe non bis in idem du refus de restitution du véhicule instrument de l’infraction
La décision de refus de restitution du véhicule ayant été l’instrument de l’infraction, rendue après condamnation définitive de l’auteur des faits, est une mesure préventive qui s’insère dans une procédure n’ayant pas le même objet que celle ayant abouti à la condamnation et en constituant la suite directe. Cette procédure ne pouvant être assimilée à des poursuites et n’aboutissant pas à une sanction pénale, le principe d’autorité de chose jugée et le principe non bis in idem en découlant n’ont pas été violés.
Crim. 30 mars 2022, n° 21-82.427 B
Un homme a utilisé son véhicule afin de percuter celui de son ancienne compagne. Le véhicule est placé sous scellé pendant l’enquête. Le 4 mai 2020, l’homme est condamné notamment pour violences volontaires aggravées en état de récidive. Le tribunal ne prononce pas de peine complémentaire de confiscation du véhicule et ne se prononce pas sur sa restitution. Le condamné sollicite la restitution auprès du procureur de la République qui rejette sa demande le 11 décembre 2020. Le demandeur saisit alors la chambre de l’instruction qui refuse le 31 mars 2021 de répondre favorablement à sa requête en restitution d’objet saisi. Il se pourvoit en cassation et invoque principalement que la chambre d’instruction a violé l’autorité de chose jugée, le principe non bis in idem et le principe de nécessité et de proportionnalité des peines.
Conformément à l’article 41-4 du Code de procédure pénale, le procureur de la République est compétent pour décider de la restitution des objets placés sous main de justice lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution de ces objets. La décision de non-restitution peut être prise lorsque la restitution est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction, lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ou pour tout autre motif. Cet article (dans sa rédaction issue la L. n° 2019-222 du 23 mars 2019) a été déclaré conforme à la Constitution, les dispositions ne portant pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi (Cons. const., 3 déc. 2021, n° 2021-951 QPC).
Le condamné conteste la décision de non-restitution confirmée par la chambre de l’instruction. Il estime que la non-restitution constitue une sanction pénale, équivalente à la peine complémentaire de confiscation, qui a été prononcée pour les mêmes faits que ceux jugés par le tribunal correctionnel et alors même que celui-ci n’avait pas prononcé cette confiscation. Sur ces deux branches du moyen, la Cour de cassation répond d’une part, que la demande en restitution n’a pas le même objet que les poursuites engagées qui ont abouti au jugement de condamnation et, d’autre part, que la décision de refus de restitution ne peut être considérée comme une décision statuant sur des poursuites au sens du Protocole n° 7 à la Conv. EDH. En effet, l’autorité de chose jugée, cause d’extinction de l’action publique, suppose une identité d’objet, de parties et de cause (C. pr. pén., art. 6), ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’article 41-4 permet au procureur de refuser la restitution du bien qui a été l’instrument de l’infraction non à titre de sanction pour les faits déjà jugés mais comme mesure préventive pour éviter un renouvellement d’infraction. Les juges du droit précisent en outre, sur le fondement de la jurisprudence européenne, que « les sanctions imposées pour les mêmes faits par des autorités différentes dans le cadre de procédures distinctes sont considérées comme faisant partie de la même procédure dès lors qu'il peut être constaté entre elles un lien, matériel et temporel, suffisamment étroit, telle que la mesure prise dans le cadre de la seconde procédure qui est la suite directe de la décision de condamnation et ne comporte pas un nouvel examen de l'infraction ou du comportement en cause ». Ainsi, la Cour retient que les deux procédures n’ont pas le même objet, que la décision de non-restitution ne constitue pas une sanction pénale et qu’il ne s’agit pas de deux procédures distinctes concernant un même fait mais bien du prolongement direct de la procédure ayant abouti à la condamnation.
Le condamné considère également que la décision de non-restitution n’est pas nécessaire et proportionnée au but poursuivi car le bien n’est pas intrinsèquement dangereux. La décision de la chambre de l’instruction se fonde, conformément à la jurisprudence de la Haute cour (Crim. 20 janv. 2021, n° 20-81.118), sur le fait que le bien est l’instrument de l’infraction, sur la gravité des faits et sur la personnalité de l’auteur. La Cour de cassation estime que les juges du fond, en relevant le risque de réitération établi par l’expert psychiatre, les conduites addictives prises en charge et les antécédents judiciaires conséquents (dont deux précédents de violences par usage d’un véhicule), ont « souverainement apprécié le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits ». La chambre de l’instruction a en effet mis en avant la répétition d’un mode opératoire qui justifie le refus de restitution à titre préventif du véhicule saisi. Concernant ces antécédents, le demandeur au pourvoi invoque en dernier lieu que les juges ne pouvaient pas prendre en considération les condamnations ayant entraîné une réhabilitation de plein droit pour établir les éléments de personnalité en matière de non-restitution de bien saisi. La réhabilitation – qui est acquise de plein droit lorsque le condamné n’a pas subi de nouvelle condamnation dans les délais fixés par l’article 133-13 du Code pénal – efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation. L’article 133-16 in fine précise que « la réhabilitation n'interdit pas la prise en compte de la condamnation, par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, pour l'application des règles sur la récidive légale ». A contrario, le texte semble ne pas permettre la prise en compte des condamnations ayant donné lieu à réhabilitation dans d’autres situations. Toutefois, les juges du droit retiennent que la réhabilitation de plein droit n’interdit pas à la juridiction du fond de prendre en compte les éléments de personnalité figurant au dossier du fait de la mention au casier judiciaire pour trancher sur la restitution des objets saisis au cours de la procédure.
Malgré des similitudes évidentes entre la peine de confiscation et le refus de restitution des biens saisis au cours de l’enquête, la Haute juridiction met l’accent dans cette décision sur leurs différences pour permettre le « cumul » de la sanction découlant d’une condamnation avec une mesure portant une atteinte à la propriété proportionnée au but préventif poursuivi et prononcée dans la suite directe de la décision de condamnation.
Références :
■ Cons. const., 3 déc. 2021, n° 2021-951 QPC : D. 2021. 2181.
■ Crim. 20 janv. 2021, n° 20-81.118 P : D. 2021. 138 ; ibid. 2109, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2021. 164, obs. M. Hy.
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