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Droit de la consommation
Consommation : faculté de rétractation de l’acheteur versus droits fondamentaux du vendeur
Mots-clefs : Droit de la consommation, Vente à distance, Véhicule automobile, Caractérisation, Contrat d'entreprise (non), Rétractation, Exercice, Remboursement de l'acompte, Intérêt au taux légal majoré par paliers, Droit du professionnel à un recours effectif devant le juge (oui), Atteinte au droit de propriété du vendeur (non)
Le droit au remboursement des sommes versées à titre d’acompte par l’acheteur consommateur en conséquence de sa faculté de rétractation ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux du vendeur professionnel à un procès équitable ni à son droit de propriété.
Dans la décision rapportée, la règle de faveur que constitue la faculté de rétractation offerte, de plus en plus ouvertement et fréquemment, à l’acquéreur consommateur était, de manière tout à fait originale, mise en balance avec les droits fondamentaux du vendeur, ou du moins avec deux d’entre eux, mais non des moindres : son droit à un procès équitable et son droit de propriété.
Par un devis établi le 28 octobre 2015 et qu’il avait accepté dès le lendemain, un acheteur avait commandé sur Internet, auprès d'une société, un véhicule, avec deux options, pour un certain prix, et a versé un acompte de 10 %. Par lettre recommandée, il avait, le 2 novembre 2015, annulé sa commande et demandé le remboursement de l'acompte versé. Face au refus de la société d’accéder à sa demande, il avait assigné celle-ci en remboursement de cette somme, assortie des intérêts majorés, comme le prévoit l'article L. 242-4 du Code de la consommation, et selon les paliers prévus par cet article.
Une juridiction de proximité accueillit la demande du consommateur. Au soutien du pourvoi qu’il forma contre sa décision, le vendeur soutenait d’une part avoir conclu un contrat d’entreprise, et non de vente, en prétendant avoir effectué un travail spécifique au point de convertir le véhicule simplement vendu en bien « nettement personnalisé », en sorte que rentrant dans le champ de l’article L. 221-25, alinéa 2 du Code de la consommation, il était en droit de conserver l’acompte. Il arguait, d’autre part, sous un angle tout à fait distinct, relatif aux libertés fondamentales, que les dispositions de l’article L. 242-4 du Code de la consommation dont la juridiction de proximité avait fait application portaient une double atteinte à son droit d’accès à un tribunal et à un procès équitable, ainsi qu’à son droit de propriété.
Son pourvoi est rejeté par la première chambre civile, qui juge d'abord, en retenant que les options relatives à la couleur de la carrosserie et à l'installation d'une alerte de distance de sécurité n'avaient fait l'objet d'aucun travail spécifique de la part du vendeur, en sorte que le contrat n'avait donc porté que sur la vente d'une automobile. Ainsi le moyen de la société demanderesse, considéré comme simplement destiné à contourner les règles protectrices du consommateur prévues par le droit de la vente à distance, ne pouvait prospérer.
Ensuite, la Cour relève que l’article L. 242-4 du Code de la consommation, qui confère au consommateur ayant exercé son droit de rétractation un droit au remboursement des sommes qu’il aura versées à titre d’acompte, ne prive néanmoins pas le professionnel du droit à un procès équitable, dès lors que celui-ci peut engager une action devant une juridiction pour obtenir la restitution des sommes qu'il aurait indûment remboursées au consommateur ou contester, en défense, la demande en paiement de ce dernier.
Enfin, la Cour relève que la sanction de la majoration des sommes, à défaut d’avoir été remboursées par le professionnel dans les délais légaux prévus, constitue une mesure propre à assurer la protection des consommateurs et à garantir l'effectivité de cette protection, en ce qu'elle est dissuasive, en même temps que progressive, la majoration des sommes dues s’appliquant par paliers, outre le fait qu’elle ne peut être appliquée qu'à l'issue d'un délai de dix jours, lui-même consécutif à l'expiration du délai de quatorze jours courant à compter de la date à laquelle le professionnel est informé de la décision du consommateur de se rétracter. Dès lors, elle ne porte pas atteinte au droit de propriété et est proportionnée à l'objectif poursuivi.
La fondamentalité et la proportionnalité des droits du vendeur professionnel sont à l’honneur dans cette décision, pourtant rendue dans une matière connue pour être centrée sur ceux, très largement protégés, du consommateur. C’est ainsi que, notamment, de nombreuses facultés de rétractation ou de repentir sont offertes à l’acheteur-consommateur, dont on craint que le consentement puisse être donné sans réflexion préalable suffisante ; quoique la validité du contrat conclu ne soit pas discutée, la loi accorde à l’acheteur le droit de revenir sur son engagement dans un certain délai. Si le premier texte à avoir mis en place une telle faculté de rétractation date de 1972 (L. du 22 déc. 1972 relative au démarchage à domicile, accordant au démarché un délai de rétractation de 7 jours à compter de la commande pour renoncer à son engagement), la plus récente « loi Hamon » relative à la consommation, en l’espèce appliquée, a accordé, en transposition de la directive européenne du 25 octobre 2011 sur les droits des consommateurs, une faculté de rétractation de quatorze jours dans les contrats conclus à distance, ces derniers étant définis par l’article L. 221-1, 1° du Code de la consommation comme ceux conclus entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur mais par le recours à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat (correspondance, téléphone, Internet…).
Cette loi prévoit en outre, comme en atteste la décision rapportée, que le professionnel sera tenu de rembourser le consommateur dans les quatorze jours suivant la date à laquelle il aura été informé de la décision du consommateur de se rétracter (C. consom., art. L. 221-24). A défaut de remboursement dans les délais, les sommes dues seront majorées de 5% si le retard est compris entre dix et vingt jours, de 10% si le retard est compris entre vingt et trente jours, de 20% le deuxième mois, de 50% le troisième mois et de cinq points supplémentaires par nouveau mois de retard jusqu’à concurrence du prix du produit, puis du taux d’intérêt légal (C. consom., art. L. 242-4); et toute majoration, indépendamment de celle découlant du calcul par paliers, n’est due qu’à l’issue d’un délai de dix jours, lequel ne court lui-même qu’à l’expiration du premier délai de deux semaines applicable au remboursement.
Bien que la faculté de rétractation comme le droit au remboursement des sommes versées, éventuellement majorées, soient évidemment des règles de faveur édictées au profit du consommateur, les moyens avancés au soutien de la thèse du pourvoi, le demandeur prétendant que celles-ci portaient abusivement atteinte à ses droits fondamentaux, ne pouvaient qu’être écartés.
Tout d’abord, celui relatif à la remise en cause, par le texte précité, à son droit à un procès équitable. Comme le souligne la Cour, son droit à un recours effectif au juge n’est en rien remis en cause par le dispositif précité, d’autant plus que le double délai légalement prévu laisse un temps global suffisant au professionnel pour contester devant un juge le remboursement demandé, dans l’hypothèse où il ne serait pas justifié, ainsi que la majoration des sommes réclamées. Dans cette perspective, rappelons, puisque la Cour le précise, que le droit fondamental d’accès à la justice, ou le droit au juge, se décline principalement en un droit d’agir devant lui. Le droit d’action est, techniquement, la première forme du droit d’accès à la justice. Cependant, le droit d’accès à la justice ne se traduit pas seulement par un droit de formuler une demande mais aussi par celui de s’y opposer. Ainsi les droits de la défense sont-ils, également quoique différemment, une forme d’accès à la justice, d’une part en ce que le droit de contredire est lui-même un droit d’action, d’autre part parce qu’il est légitime de considérer qu’il n’y a d’accès effectif à la justice que si l’action rencontre la défense (Sur ce point, V. R. Cabrillac, M.-A. Frison-Roche, T. Revet, Libertés et droits fondamentaux, Dalloz). Or pour ce qui concerne le vendeur à distance, ce droit fondamental d’accès à la justice était, sous ses deux aspects, effectivement garanti. Ceci explique en partie le rejet de son pourvoi.
Ce dernier se justifie également, et enfin, par la progressivité de la sanction de la majoration, établie par paliers et dans un double délai que l’absence de brièveté rend mesurée, en sorte que l’atteinte au droit fondamental de propriété du vendeur, équitablement proportionnée à l’objectif poursuivi, ne pouvait davantage être retenue.
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