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[ 28 mai 2020 ] Imprimer

Procédure pénale

Constitution de partie civile des associations de défense des victimes de terrorisme : rappel sur les conditions nécessaires et suffisantes

Dans le cadre d’une information judiciaire ouverte à l’encontre de plusieurs individus des chefs d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme, d’infraction à la législation sur les armes et détention et transport de substance ou produit incendiaire ou explosif, infractions en relation avec une entreprise terroriste, l'association française des victimes du terrorisme (AFVT) s’est constituée partie civile. Une ordonnance d’irrecevabilité a été rendue par les juges d’instruction co-saisis confirmée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.

Sur pourvoi formé par l’association, la décision est censurée au visa des articles 2-9 et 706-16 du Code de procédure pénale, et 421-2-1 du Code pénal. La chambre criminelle rappelle que « l’article 2-9 du code de procédure pénale ne subordonne pas la recevabilité de la constitution de partie civile d’une association à la nécessité d’assister une victime dans l’affaire dans laquelle l’action civile est exercée, mais seulement à l’objet statutaire de l’association, qui doit tendre à l’assistance des victimes d’infractions, et à la date de sa déclaration ». 

Par cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation veille au strict respect des exigences légales pour admettre la recevabilité de l'action civile par les associations en matière de terrorisme. Au titre de l’article 2-9 alinéa 1er « Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se propose, par ses statuts, d'assister les victimes d'infractions peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 (…)». Il s’agit d’une constitution de partie civile incidente, qui leur permet seulement d’intervenir lorsque l’action publique a été engagée par le ministère public ou par une victime à titre individuel. Les associations visées sont donc autorisées à faire état en justice de leurs intérêts statutaires sous conditions de la recevabilité de leurs actions définies par les textes. L’application de l’article 2-9 intrinsèquement liée à la notion de terrorisme, pose des conditions relatives à la fois aux infractions (entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 C. pr. pén.) et aux associations susceptibles de pouvoir agir (ancienneté de 5 ans d’existence). En l’espèce, le texte subordonne leur action aux seules infractions visées par ce texte, ie aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même Code, qui vise expressément le délit de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, prévu par l'article 421-2-1 du Code pénal.

Dès lors qu’elle répond aux conditions énoncées, l’association bénéficie de la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile. Or, les juges du fond constatant que « si l'AFVT remplit les conditions de déclaration, d'ancienneté et d'objet statutaire prévues par l'article 2-9 du code de procédure pénale, il n'est pas démontré l'existence possible d'un préjudice distinct de celui résultant d'une atteinte à l'intérêt général dont la protection ne relève que du ministère public, et prenant directement sa source dans les actes caractérisant les infractions susvisées ». Les magistrats relèvent ainsi que « les infractions de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes et de direction ou organisation d'une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes visées au 1° de l'article 421-1 du code pénal et de financement d'une entreprise terroriste, constituent des infractions dites d'intérêt général ».

Ce faisant Les juges du fond ont tenté de restreindre l’accès des associations habilitées au procès pénal par le biais de la théorie dite des « infractions d'intérêt général ». 

Rappelons que cette construction prétorienne conjecture que certaines infractions ont un résultat auquel aucun préjudice individuel ne peut correspondre et ne lèsent que l'ordre public (Larguier, Action individuelle et intérêt général, in Mélanges Hugueney, 1964, Sirey, p. 87 s. – Detraz, La théorie des infractions d'intérêt général : moribonde ou assainie ?, Procédures 2009. Étude 10). En conséquence, le déclenchement de l'action publique est réservé aux magistrats du parquet et aucune constitution de partie civile n'est recevable. Mais outre que la Cour de cassation a progressivement abandonné le principe d’irrecevabilité des constitutions de partie civile dans le cas des infractions d’intérêt général (pour un ex. dans le cadre de poursuites pour effacement de traces ou d’indices d’un crime ou d’un délit. Crim. 23 févr. 2000, n° 99-84.448), l’application de cette théorie à la constitution de partie civile des associations habilitées par le législateur procède d’une confusion entre plaignants individuels et associations défendant un intérêt collectif. La théorie ici n’a pas lieu d’être. Même en admettant que la participation à une association de malfaiteurs porte atteinte essentiellement à la collectivité publique et à l'intérêt social entrainant pour un plaignant individuel l’irrecevabilité de la constitution de partie civile (Crim. 8 févr. 1979, n° 77-92.300), il ne peut en être de même pour les associations habilitées expressément par le législateur. En effet, ces associations « tiennent directement de la loi le pouvoir d'agir, ce qui en fait des auxiliaires appréciables, dont la mission est de défendre et de représenter les intérêts collectifs de toutes les victimes d'attentats terroristes, et de faire ainsi entendre leur voix autrement que par des actions de type individuel » (Y. Mayaud, rép. Pén.). 

La décision des juges du fond visait à nier frontalement les textes et leur logique. Elle ne pouvait prospérer. Le législateur a légitimé l’action de tels groupement au sein du procès pénal afin de défendre l'intérêt collectif qui constitue leur objet social. Est recevable à se constituer l’association qui répond aux exigences de l’article 2-9 du Code de procédure pénale. Ni plus ni moins. En l’espèce, la cassation a lieu sans renvoi. La constitution de partie civile de l’association française des victimes de terrorisme (AFVT) est recevable. 

Crim. 22 avril 2020, n° 19-81.273 

Références

■ Crim. 23 févr. 2000, n° 99-84.448 P : D. 2000. 111.

■ Crim. 8 févr. 1979, n° 77-92.300 P : D. 1979. IR 528, obs. M. Puech, RSC 1980. 151, obs. J. Robert

 

Auteur :Caroline Lacroix


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