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Procédure pénale
Constitution de partie civile des associations habilitées: le procès pénal n’est pas ouvert aux 4 vents !
Si les associations, dès lors qu’elles sont déclarées, jouissent de la capacité juridique et peuvent donc ester en justice, elles ne peuvent pas, en principe, défendre en justice l'intérêt collectif qui constitue leur objet social (Cass., ch. réun., 15 juin 1923; Crim. 29 oct. 2013, n° 12-84.108 ; Crim. 11 oct. 2017, n° 16-86.868). Le législateur est néanmoins intervenu, à de nombreuses reprises, afin d’octroyer à certaines associations le droit de se porter partie civile devant les juridictions répressives (C. pr. pén., art. 2-1 à 2-24), marqueur pour certains d’une « privatisation rampante de l’action publique » (J. Volff, JCP 2004.I.146).
L’ouverture de la scène pénale à ces associations doit obéir aux conditions d’habilitation posées par les textes -tant pour les associations elles-mêmes que pour l’exercice de l’action en justice ou le régime juridique de recevabilité de constitution de partie civile. La diversité des régimes (B. Lapérou-Scheneider, A la recherche d’une cohérence de l’exercice par les associations des « droits reconnus à la partie civile » : Dr. pén. 2016, étude 13) tient à la nature de l’infraction – action limitée ou non à une liste d’infractions déterminées par la loi –, au caractère du préjudice – direct ou indirect –, à l’attitude de la victime directe – accord ou constitution de partie civile préalable à l’action de l’association – ou du ministère public – action publique déjà mise en mouvement–, à l’ancienneté de l’association, ou à son statut – agrément, reconnaissance d’utilité publique –. Aux juges de vérifier que ces conditions sont remplies.
Parmi les associations « autorisées », on trouve celles visées à l’article 2-3 du Code de procédure pénale, objet de la présente décision. En l’espèce, dans le cadre d’une information judiciaire du chef de tentative d’assassinat ouverte à la suite de brûlures graves infligées par une collégienne à une autre dans l'enceinte scolaire, l'Association Famille Enfance Partage Solidarité s’est constituée partie civile. Successivement, le juge d’instruction, puis la chambre de l’instruction ont déclaré irrecevable cette dernière avant que la chambre criminelle ne rejette, logiquement, à son tour son pourvoi.
Selon ses statuts, l’association « se fixe notamment pour missions de lutter contre les violences à l'encontre des femmes et des enfants, l'exclusion sociale et culturelle, le racisme et le trafic de stupéfiants lié aux mineurs, de sensibiliser, assister, représenter et défendre les victimes de multiples infractions, de favoriser la scolarisation des enfants en Afrique et de veiller au respect des droits des prisonniers en France et en Afrique ». Si les missions de l’association sont, ainsi que le relèvent – non sans ironie- les juges du fond, « manifestement diversifiées », elles ne répondent pas aux conditions du code procédure pénale et singulièrement au champ d’application du texte quant à son objet statutaire : « la défense ou l'assistance de l'enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance ».
Comme le souligne la chambre criminelle, « un fait unique de violence commis en dehors du contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir, n’entre pas dans les prévisions de l’article 2-3 du code de procédure pénale, lequel ne s’applique aux infractions qu’il énumère qu’à la condition qu’elles constituent une maltraitance ».
La solution doit être approuvée : l’intérêt à agir des associations habilitées au titre de l’article 2-3 du Code de procédure pénale doit, à l’évidence, être interprété de façon stricte, sauf à intervertir principe et exception en matière de recevabilité de l’action des associations. L’article 2-3 n’ouvre la recevabilité de la constitution de partie civile qu’aux associations qui ont pour objet statutaire la défense et l'assistance de l'enfance martyrisée. Tel n’est pas le cas, comme le relevaient les juges du fond, des faits objet de la présente information judiciaire lesquels ont pour origine une altercation privée entre deux jeunes filles que seule leur minorité rattache aux missions (de l’association). Toute violence exercée à l’encontre d’un mineur n’est pas ipso facto assimilable à la notion de maltraitance. On notera que cette notion ici adoptée par la chambre criminelle fait écho à la définition proposée par l’Organisation Mondiale pour la Santé laquelle retient que « L’abus ou la maltraitance à enfant consiste dans toutes les formes de mauvais traitement physique, émotionnel ou sexuel, la négligence ou le traitement négligent, ou les formes d’exploitation, dont commerciales, résultant en un mal effectif ou potentiel à la santé de l’enfant, à sa survie, à son développement ou sa dignité dans le contexte d’une relation de responsabilité, confiance ou pouvoir ».
Crim. 4 décembre 2018, n°18-81.364
Références
■ Cass., ch. réun., 15 juin 1923 : DP 1924. 1. 153, concl. Mérillon, note Rolland
■ Crim. 29 oct. 2013, n° 12-84.108 P : Rev. sociétés 2014. 454, note B. Bouloc ; RTD com. 2014. 206, obs. B. Bouloc
■ Crim. 11 oct. 2017, n° 16-86.868 P : D. 2017. 2101 ; AJ pénal 2018. 47, obs. L. Grégoire ; RTD com. 2017. 1018, obs. L. Saenko
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