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Droit de l'urbanisme
Constitutionnalité de la procédure d’inscription au titre des monuments historiques
Mots-clefs : Monument historique, Inscription, Classement, QPC, Droit de propriété, Code du patrimoine, Protection des immeubles
Les dispositions du Code du patrimoine contestées devant le Conseil constitutionnel relatives à l’inscription d’un immeuble au titre des monuments historiques sont conformes à la Constitution et ne portent pas aux conditions d’exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché.
La QPC relative à l’inscription au titre des monuments historiques a pour origine une requête de la Société Grande Brasserie Patrie Schutzenberger tendant à l'annulation d’un arrêté du préfet de la région Alsace portant inscription au titre des monuments historiques d'un certain nombre d'éléments composant l'ensemble immobilier de la brasserie Schutzenberger à Schiltighein. La cour administrative d’appel, avant de statuer sur la demande de cette société à la suite du rejet de sa requête par le tribunal administratif a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de certaines dispositions du Code du patrimoine. Les juges du Palais Royal ont décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article L. 621-25, des alinéas 1er et 2 de l'article L. 621-27 et de l'article L. 621-29 du Code du patrimoine.
Dans sa décision n° 2011-207 QPC du 16 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution. Celles-ci visent à assurer la protection des immeubles, qui « sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour rendre désirable sa préservation ». Les articles du Code du patrimoine examinés par les juges constitutionnels ne portent pas aux conditions d’exercice du droit de propriété une atteinte qui serait disproportionnée par rapport au but recherché (DDH, art. 2).
Cette décision nous permet de faire un point sur la notion de « monuments historiques ». Les lois pour la protection des monuments historiques sont intervenues en réaction « contre Haussman le démolisseur et Viollet le Duc le reconstructeur à l’identique » (v. J. Morand-Deviller) et pour empêcher la dispersion des œuvres d’art. La loi du 30 mars 1887 fixa pour la première fois les critères et la procédure de classement, alors que la loi du 21 avril 1906 posa le principe de classement des sites naturels pittoresques. La loi du 2 mai 1930 rapprocha les procédures de classement des monuments bâtis avec celle des sites et espaces naturels, en créant la catégorie de « site naturel classé », puis introduit la possibilité de classer comme un site une zone située à proximité d'un bâtiment classé ou inscrit. Ainsi il existe deux régimes de protection : le classement (C. patr., art. L. 621-1 à L. 621-22) et l’inscription (C. patr., L. 621-25 à L. 621-29) de la totalité ou d’une partie d’un bien immobilier.
▪ Les procédures d’inscription et de classement
La décision d’inscrire un immeuble au titre des monuments historiques appartient à l’autorité administrative compétente, en pratique, le préfet de région. L’arrêté préfectoral est notifié au propriétaire, son consentement n’est pas requis. En revanche, la procédure de classement nécessite le consentement du propriétaire. Mais, en cas de refus de sa part, le ministre de la Culture peut engager une procédure de classement d’office.
▪ Les régimes juridiques
L’inscription au titre des monuments historiques emporte servitude d’utilité publique et crée des obligations à la charge du propriétaire du bien lorsque des travaux sont envisagés. S’il s’agit de travaux modestes, les propriétaires doivent, quatre mois avant la réalisation de ces travaux, informer l’autorité administrative compétente. L’administration ne pourra s’opposer à ces travaux qu’en engageant une procédure de classement au titre des monuments historiques. En revanche, pour des travaux soumis à permis de construire, de démolir, d’aménager ou à déclaration préalable, la décision d’accorder le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l’accord de l’autorité administrative chargée des monuments historiques. L'immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l'autorité administrative.
Les effets du classement ou de l'inscription au titre des monuments historiques suivent l'immeuble ou la partie d'immeuble en quelques mains qu'il passe (C. patr., art. L. 621-29-5).
En 2011, le ministère de la Culture estime à 12 000 le nombre des immeubles classés et à environ 28 000 celui des immeubles inscrits.
Cons. const. 16 déc. 2011, Société Grande Brasserie Patrie Schutzenberger, n° 2011-207 QPC, JO 17 déc., p. 21370
Références
■ Monuments historiques et sites
[Droit administratif/Droit de l’environnement]
« Sont soumis à une procédure de classement qui permet leur conservation dans le patrimoine national, les maintient en la forme et l’état au moment de ce classement, et interdit, fût-ce de la part du propriétaire, toute modification non autorisée (surveillance des ministères de la Culture ou de l’Écologie et du Développement durable). »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ J. Morand-Deviller, Droit de l’urbanisme, 8e éd., Dalloz, coll. « Mémentos », 2008, p. 4.
■ Article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958
« Dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de cette loi, le Président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture.
Dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que le règlement parlementaire qui lui a été transmis contient une disposition contraire à la Constitution, cette disposition ne peut être mise en application par l'assemblée qui l'a votée. »
■ Article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »
■ Code du patrimoine
« Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité administrative.
Sont notamment compris parmi les immeubles susceptibles d'être classés au titre des monuments historiques :
a) Les monuments mégalithiques, les terrains qui renferment des stations ou gisements préhistoriques ;
b) Les immeubles dont le classement est nécessaire pour isoler, dégager, assainir ou mettre en valeur un immeuble classé au titre des monuments historiques. »
« Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques.
Peut être également inscrit dans les mêmes conditions tout immeuble nu ou bâti situé dans le champ de visibilité d'un immeuble déjà classé ou inscrit au titre des monuments historiques. »
« L'inscription au titre des monuments historiques est notifiée aux propriétaires et entraînera pour eux l'obligation de ne procéder à aucune modification de l'immeuble ou partie de l'immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l'autorité administrative de leur intention et indiqué les travaux qu'ils se proposent de réaliser.
Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d'aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques.
Les autres travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques ne peuvent être entrepris sans la déclaration prévue au premier alinéa. L'autorité administrative ne peut s'opposer à ces travaux qu'en engageant la procédure de classement au titre des monuments historiques prévue par le présent titre.
Les travaux sur les immeubles inscrits sont exécutés sous le contrôle scientifique et technique des services de l'État chargés des monuments historiques. »
« L'autorité administrative est autorisée à subventionner dans la limite de 40 % de la dépense effective les travaux d'entretien et de réparation que nécessite la conservation des immeubles ou parties d'immeubles inscrits au titre des monuments historiques. »
« Les effets du classement ou de l'inscription au titre des monuments historiques suivent l'immeuble ou la partie d'immeuble en quelques mains qu'il passe. »
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