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[ 8 janvier 2014 ] Imprimer

Procédure pénale

Constitutionnalité des règles relatives à la répartition des poursuites entre le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs en cas de connexité ou indivisibilité des faits commis avant et après l'âge de seize ans

Mots-clefs : Enfance délinquante, Tribunal pour enfants, Cour d’assises des mineurs, Indivisibilité

Le choix par le juge d'instruction de procéder ou non au renvoi du mineur devant la cour d'assises des mineurs pour les faits qui lui sont reprochés d'avoir commis avant l'âge de seize ans en même temps que pour ceux commis après cet âge est conforme à la Constitution.

La justice des mineurs se caractérise notamment par les juridictions spécialisées qui la composent. De manière générale, « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle » (Cons. const. 29 août 2002 ; Cons. const. 13 mars 2003, cons. 36).

Le Conseil constitutionnel a été saisi qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la répartition des compétences entre ces dernières et, plus particulièrement, entre le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs, lorsqu'un mineur est accusé d'avoir commis des faits constituant un crime commis après seize ans et formant un ensemble connexe ou indivisible avec d'autres faits commis avant cet âge constituant un crime ou un délit.

Dans cette hypothèse, en vertu des articles 9, avant dernier alinéa, et 20 de l’ordonnance du 2 février 1945, le juge d'instruction peut décider, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de renvoyer les crimes et délits que ce mineur est accusé d'avoir commis avant l'âge de seize ans : 

– soit devant la cour d'assises des mineurs en même temps que les crimes qu'il est accusé d'avoir commis à partir de cet âge ;

– soit, distinctement, devant le tribunal pour enfants.

Selon le requérant, en conférant au juge d'instruction un tel pouvoir discrétionnaire, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la justice, l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, le droit à un procès équitable, le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs et la présomption d'innocence.

Déclarant conformes à la Constitution les dispositions contestées, le Conseil constitutionnel écarte l’ensemble des arguments.

Il relève concernant le grief tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789, « qu'en adoptant ces dispositions le législateur a entendu éviter que dans le cas où un ensemble de faits connexes ou indivisibles reprochés à un mineur ont été commis avant et après l'âge de seize ans, ils donnent lieu à deux procès successifs d'une part, devant le tribunal pour enfants, d'autre part, devant la cour d'assises des mineurs ».

De surcroît, les Sages retiennent que le choix par le juge d'instruction «  dépend de considérations objectives propres à chaque espèce et notamment de la nature des faits, de leur nombre, de la date de leur commission, de leurs circonstances, du nombre et de la situation des victimes, de l'existence et de l'âge de co-accusés qui caractérisent un lien d'indivisibilité ou de connexité et permettent d'apprécier l'intérêt d'une bonne administration de la justice ». Une telle décision est prise par une ordonnance motivée (C. pr. pén., art. 184) et l'ordonnance de renvoi devant la cour d'assises est susceptible d'appel, permettant le respect des droits de la défense.

Cons. const. 29 nov. 2013, n° 2013-356 QPC

Références

■ Cons. const. 29 août 2002, n° 2002-461 DC, JO 10 sept.

■ Cons. const. 13 mars 2003, n° 2003-467 DC, JO 19 mars.

■ Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

Article 12

« La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »

Article 15

« La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »

Article 16

« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »

■ Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante

Article 9

« Le juge d'instruction procédera à l'égard du mineur, dans les formes du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale et ordonnera les mesures prévues aux alinéas 4,5 et 6 de l'article 8 de la présente ordonnance. 

Lorsque l'instruction sera achevée, le juge d'instruction, sur réquisition du procureur de la République, rendra l'une des ordonnances de règlement suivantes : 

1° Soit une ordonnance de non-lieu ; 

2° Soit, s'il estime que le fait constitue une contravention, une ordonnance de renvoi devant le tribunal de police, ou, s'il s'agit d'une contravention de cinquième classe, devant le juge des enfants ou devant le tribunal pour enfants ; 

3° Soit, s'il estime que les faits constituent un délit, une ordonnance de renvoi devant le juge des enfants ou devant le tribunal pour enfants ; toutefois, lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans et que le mineur est âgé de seize ans révolus, le renvoi devant le tribunal pour enfants est obligatoire. Lorsque le délit est puni d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans, qu'il a été commis en état de récidive légale et que le mineur est âgé de plus de seize ans, le renvoi devant le tribunal correctionnel pour mineurs est obligatoire ; 

4° En cas de crime, soit une ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants s'il s'agit d'un mineur de seize ans, soit, dans le cas visé à l'article 20, une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises des mineurs. 

Si le mineur a des coauteurs ou complices majeurs ces derniers seront, en cas de poursuites correctionnelles, renvoyés devant la juridiction compétente suivant le droit commun ; la cause concernant le mineur sera disjointe pour être jugée conformément aux dispositions de la présente ordonnance. En cas de poursuites pour infraction qualifiée crime, il sera procédé à l'égard de toutes les personnes mises en examen conformément aux dispositions de l'article 181 du code de procédure pénale ; le juge d'instruction pourra, soit renvoyer tous les accusés âgés de seize ans au moins devant la Cour d'assises des mineurs, soit disjoindre les poursuites concernant les majeurs et renvoyer ceux-ci devant la cour d'assises de droit commun ; les mineurs âgés de moins de seize ans seront renvoyés devant le tribunal pour enfants, sauf s'ils sont également accusés d'un crime commis après seize ans formant avec les faits commis avant seize ans un ensemble connexe ou indivisible et que le juge d'instruction décide, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de les renvoyer devant la cour d'assises des mineurs. 

L'ordonnance sera rédigée dans les formes du droit commun. »

Article 20

« Le mineur âgé de seize ans au moins, accusé de crime sera jugé par la cour d'assises des mineurs composée d'un président, de deux assesseurs, et complétée par le jury criminel. La cour d'assises des mineurs peut également connaître des crimes et délits commis par le mineur avant d'avoir atteint l'âge de seize ans révolus lorsqu'ils forment avec le crime principalement poursuivi un ensemble connexe ou indivisible. 

La cour d'assises des mineurs se réunira au siège de la cour d'assises et au cours de la session de celle-ci. Son président sera désigné et remplacé, s'il y a lieu, dans les conditions prévues pour le président de la cour d'assises par les articles 244 à 247 du code de procédure pénale. Les deux assesseurs seront pris, sauf impossibilité, parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'appel et désignés dans les formes des articles 248 à 252 du code de procédure pénale. 

Les fonctions du ministère public auprès de la cour d'assises des mineurs seront remplies par le procureur général ou un magistrat du ministère public spécialement chargé des affaires de mineurs. 

Le greffier de la cour d'assises exercera les fonctions de greffier à la cour d'assises des mineurs. 

Dans le cas ou tous les accusés de la session auront été renvoyés devant la cour d'assises des mineurs, il sera procédé par cette juridiction, conformément aux dispositions des articles 288 à 292 du code de procédure pénale. 

Dans le cas contraire, le jury de la cour d'assises des mineurs sera formé de jurés pris sur la liste arrêtée par la cour d'assises. 

Sous réserve des dispositions de l'alinéa qui précède, le président de la cour d'assises des mineurs et la cour d'assises des mineurs exerceront respectivement les attributions dévolues par les dispositions du code de procédure pénale au président de la cour d'assises et à la cour. 

Les dispositions des alinéas 1er, 2,4 et 5 de l'article 14 s'appliqueront à la cour d'assises des mineurs. 

Après l'interrogatoire des accusés, le président de la cour d'assises des mineurs pourra, à tout moment, ordonner que l'accusé mineur se retire pendant tout ou partie de la suite des débats. 

Sous réserve des dispositions de la présente ordonnance, il sera procédé, en ce qui concerne les mineurs âgés de seize ans au moins, accusés de crime, conformément aux dispositions des articles 191 à 218 et 231 à 379-1 du code de procédure pénale. 

Si l'accusé a moins de dix-huit ans, le président posera, à peine de nullité, les deux questions suivantes : 

1° Y a-t-il lieu d'appliquer à l'accusé une condamnation pénale ? 

2° Y a-t-il lieu d'exclure l'accusé du bénéfice de la diminution de peine prévue à l'article 20-2 ? 

S'il est reproché à l'accusé une des infractions prévues aux 2° et 3° de l'article 20-2 commise une nouvelle fois en état de récidive légale, la deuxième question est ainsi rédigée : 

" 2° Y a-t-il lieu d'appliquer à l'accusé le bénéfice de la diminution de peine prévue à l'article 20-2 ? ". 

S'il est décidé que l'accusé mineur déclaré coupable ne doit pas faire l'objet d'une condamnation pénale, les mesures relatives à son placement ou à sa garde ou les sanctions éducatives sur lesquelles la cour et le jury sont appelés à statuer seront celles des articles 15-1,16 et du premier alinéa de l'article 19. »

■ Article 184 du Code de procédure civile

« Les ordonnances rendues par le collège de l'instruction en vertu de la présente section contiennent les nom, prénoms, date, lieu de naissance, domicile et profession de la personne mise en examen. Elles indiquent la qualification légale du fait imputé à celle-ci et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non contre elle des charges suffisantes. Cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été adressées au collège de l'instruction en application de l'article 175, en précisant les éléments à charge et à décharge contenant chacune des personnes mises en examen. »

 

Auteur :C. L.


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