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[ 10 décembre 2009 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Contamination post-transfusionnelle par le virus de l'hépatite C

Mots-clefs : Contamination (hépatite C), Transfusion, Indemnisation, Préjudice distinct, Déficit fonctionnel (temporaire, permanent, éléments constitutifs), Incapacité fonctionnelle

Par trois arrêts du 19 novembre 2009, la deuxième chambre civile apporte des précisions sur la reconnaissance du préjudice spécifique de contamination post-transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, sa distinction d'avec le déficit fonctionnel, et la répartition de la charge finale de la réparation, en cas de condamnations prononcées in solidum.

La première précision apportée par la Cour de cassation concerne la reconnaissance du préjudice spécifique de contamination. Dans l'affaire n° 08-15.853, l'Établissement français du sang (EFS) reprochait aux juges du fond d'avoir alloué à la victime une somme destinée à réparer son préjudice spécifique de contamination alors que la guérison de la personne contaminée fait obstacle à la reconnaissance de ce préjudice, « qui ne peut exister qu'en l'état d'une pathologie évolutive ». Le pourvoi est rejeté au motif qu'un préjudice spécifique de contamination avait été subi par la victime « durant une période déterminée ayant pris fin à la date de sa guérison ». La reconnaissance de ce préjudice n'est donc pas conditionnée à l'absence de guérison. Pour la Cour, il a vocation à réparer « les souffrances dues au traitement de la maladie, l'inquiétude sur l'avenir et les perturbations causées à la vie familiale et sociale » (v. déjà Civ. 1re, 1er avr. 2003).

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La deuxième précision concerne la distinction du préjudice spécifique de contamination et du déficit fonctionnel. Ainsi l'EFS faisait-il valoir, dans les trois affaires, qu'en allouant deux sommes distinctes au titre de ces deux préjudices, les juges du fond avaient enfreint le principe de réparation intégrale, en indemnisant deux fois le même dommage. L'argument est, par trois fois, rejeté. Dans l'affaire n° 08-15.853, la Cour indique que la réparation du déficit fonctionnel temporaire couvre « les préjudices relevant de l'atteinte à l'intégrité physique ». Ces derniers peuvent avoir été éprouvés avant la déclaration de la maladie (affaire n° 08-16. 172). La Cour distingue pareillement le préjudice de contamination du déficit fonctionnel permanent. Dans l'affaire n° 08-11.622, elle considère que l'« asthénie épisodique entravant l'activité » du malade ne se confondait pas « avec le préjudice spécifique de contamination fondé notamment sur l'incertitude et l'inquiétude devant l'avenir ». Le déficit fonctionnel, qui prend en considération l'incapacité fonctionnelle (les atteintes aux fonctions de l'organisme) ainsi que ses répercussions sur les activités de la victime, présente des éléments constitutifs distincts du préjudice de contamination et justifie l'allocation de deux indemnisations différentes (v. déjà, Civ. 2e, 28 mai 2009 ; 24 sept. 2009).

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Enfin, la Cour précise les modalités de la contribution à la dette. Ainsi, dans l'affaire n° 08-11.622, l'EFS avait été condamné in solidum avec l'auteur de l'accident ayant nécessité les transfusions sanguines. Les juges du fond avaient retenu que la charge finale des condamnations prononcées serait supportée par l'EFS à hauteur de 80 %. Le pourvoi formé contre cette décision est rejeté : la cour d'appel a pu valablement déduire de l'existence d'un lien causal entre la contamination et les vices affectant les produits sanguins dont la transfusion avait été rendue nécessaire par les blessures occasionnées, que l'EFS devait supporter 80 % de l'indemnisation. Par application du principe de l'équivalence des conditions, il est effectivement possible de considérer que les auteurs de l'acte transfusionnel ne sont pas seuls responsables de la contamination (v. Civ. 1re, 17 févr. 1993). Les juges du fond peuvent donc estimer, eu égard à leur pouvoir souverain d'appréciation, qu'entre la transfusion et l'accident l'ayant nécessité, c'est la transfusion qui doit être considérée comme cause prépondérante du dommage.

Civ. 2e, 19 nov. 2009, n° 08-15.853, n° 08-15.853, n°08-11.622

Références

Civ. 1re, 1er avr. 2003, Bull. civ. I n° 95 ; RTD civ. 2003. 506, obs. Jourdain ; JCP 2004. I. 101, n° 6, obs. Viney.

Civ. 2e, 28 mai 2009, RTD civ. 2009. 534, obs. Jourdain.

Civ. 2e, 24 sept. 2009, Dalloz actualité 16 oct. 2009, obs. Gallmeister.

Civ. 1re, 17 févr. 1993, RTD civ. 1993. 589 obs. Jourdain ; JCP 1994. II. 22226, note Dorsner-Dolivet.

 


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