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Droit de la famille
Contestation de paternité et expertise biologique
Mots-clefs : Filiation paternelle, Action en contestation, Expertise biologique, Refus, Appréciation
Le juge peut déduire la fausseté de la filiation contestée du refus des parties de se prêter à l’expertise biologique.
Dans une action en contestation de paternité, la preuve de la non-paternité doit être rapportée (C. civ., art. 332, al. 2) et c'est précisément sur cette question que la Cour de cassation a consacré la preuve biologique, ce que rappelle la décision rapportée.
En l’espèce, une veuve apprend, lors de la succession de son défunt mari, que ce dernier avait de son vivant reconnu deux enfants dont elle ignorait l’existence. Agissant au nom de ses enfants mineurs, la veuve demande l’annulation de ces actes de reconnaissance de paternité comme étant contraires à la vérité biologique. Est alors ordonné un examen comparé des sangs entre d’une part, la veuve et les trois enfants nés de son mariage avec le défunt, d’autre part, la mère des enfants reconnus et ses deux enfants, afin de déterminer si le défunt est susceptible d’être leur père. Les juges du fond annulent en conséquence les actes de reconnaissance. Les enfants forment un pourvoi en cassation, au moyen duquel ils reprochent à la cour d’appel d’avoir inversé la charge de la preuve du caractère mensonger des reconnaissances établies. Sur la base des constatations des juges du fond, la Cour de cassation rejette leur pourvoi, déduisant la fausseté des actes de reconnaissance de leur refus de procéder à l’examen comparé des sangs, ajouté au fait que durant la période légale de conception, l’auteur de leur reconnaissance n’avait pas encore rencontré leur mère.
Par un arrêt de principe du 28 mars 2000 rendu dans une action en contestation de reconnaissance au visa des anciens articles 339 et 311-12 du Code civil et de l'article 146 du Code de procédure civile, la Cour de cassation a décidé que « l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder » (Civ. 1re, 28 mars 2000). Elle a, par la suite, réaffirmé cette solution, sous le même visa, dans d'autres actions du même type (Civ. 1re, 17 sept. 2003 ; Civ. 1re, 14 juin 2005). Ainsi, dans le cadre d’une action en contestation de filiation paternelle, une expertise biologique peut être sollicitée et elle est, en principe, de droit.
La solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 28 mars 2000, et constante depuis lors, vaut autant pour les examens comparés des sangs que pour les analyses d'ADN. La réserve tient seulement à la légitimité du motif de ne pas y procéder, ce que la Cour de cassation refuse néanmoins de considérer en cas de décès du parent contesté. En effet, la Haute cour a décidé que le décès du père n'élève pas un obstacle absolu à la réalisation d'un examen comparé des sangs si le défunt laisse, comme en l’espèce, des proches dont le lien de parenté est suffisamment étroit pour qu'une telle mesure d'instruction puisse fournir des résultats concluants (V. en ce sens, Civ. 1re, 16 nov. 1983 ; v. pour un exemple où tel n'aurait pas été le cas, Civ. 1re, 14 mars 1995).
En règle générale, comme l'article 11 du Code de procédure civile les y autorise, les juges du fond peuvent tirer toutes conséquences du refus opposé par une partie sans motif légitime de se prêter à la mesure d'instruction et, notamment, un aveu implicite de sa part (v. par ex., Civ. 1re, 31 janv. 2006, où des époux refusent sans motif légitime de se soumettre à une expertise sanguine ordonnée dans une action en contestation de la reconnaissance et de la légitimation de l'enfant exercée par le prétendu père véritable). La décision rapportée offre une nouvelle illustration de ce que les juges du fond tirent volontiers une présomption contre la partie — en l’espèce les deux enfants dont la filiation est contestée — qui refuse sans motif légitime de se soumettre à la mesure d'instruction.
Une telle conclusion ne saurait toutefois être généralisée, les juges appréciant la valeur probante du refus par confrontation à l'ensemble des circonstances de l'affaire. En l’espèce, le fait que la période légale de conception des enfants en cause ne concorde pas avec la date estimée de rencontre de leurs parents fut également pris en compte.
En somme, si un refus peut toujours être justifié, encore faut-il qu’il ne soit pas contredit, comme dans l’espèce, par d’autres indices de la fausseté de la filiation contestée. Ainsi avait déjà été jugé injustifié le refus opposé par la mère mariée à l'auteur d'une première reconnaissance suivie d'une légitimation par mariage, de se soumettre, ainsi que l'enfant, à une expertise biologique ordonnée dans l'action en contestation de la reconnaissance paternelle engagée par le prétendu père véritable, auteur d'une reconnaissance ultérieure, ce dernier s'étant toujours comporté comme le père et était réputé tel dans son entourage (Civ. 1re, 31 janv. 2006). En cette matière, la Cour de cassation procède néanmoins à un contrôle de droit, notamment de la motivation des décisions des juges du fond, en exigeant la réunion d'un minimum d'éléments objectifs et une motivation spéciale, sans toutefois remettre en question le pouvoir souverain d'appréciation des faits reconnu aux juges du fond (v. Civ. 1re, 30 juin 2004).
Civ. 1re, 15 mai 2013, n°11-12.569
Références
■ Civ. 1re, 28 mars 2000, n°98-12.806, D. 2000. Jur. 731, note T. Garé.
■ Civ. 1re, 17 sept. 2003, 01-03.408.
■ Civ. 1re, 14 juin 2005, 03-19.582.
■ Civ. 1re, 16 nov. 1983, n°82-13.183, Gaz. Pal. 1984, 1, 247, note J. Massip ; JCP G 1984. II. 20235, note G. Durry ; JCP G 1984. I. 3165, note C. Atias.
■ Civ. 1re, 14 mars 1995, n°91-11.762, D. 1995. Somm. 222, obs. F. Granet-Lambrechts.
■ Civ.1re, 31 janv. 2006, n°05-12.876 ; RJPF avr. 2006, p. 23, note T. Garé.
■ Civ. 1re, 30 juin 2004, n°02-10.665, RJPF oct. 2004, p. 25.
■ Code civil
« La maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n'a pas accouché de l'enfant.
La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. »
« Les tribunaux règlent les conflits de filiation pour lesquels la loi n'a pas fixé d'autre principe, en déterminant par tous les moyens de preuve la filiation la plus vraisemblable.
À défaut d'éléments suffisants de conviction, ils ont égard à la possession d'état. »
« La reconnaissance peut être contestée par toutes personnes qui y ont intérêt, même par son auteur.
L'action est aussi ouverte au ministère public, si des indices tirés des actes eux-mêmes rendent invraisemblable la filiation déclarée. Elle lui est également ouverte lorsque la reconnaissance est effectuée en fraude des règles régissant l'adoption.
Quand il existe une possession d'état conforme à la reconnaissance et qui a duré dix ans au moins depuis celle-ci, aucune contestation n'est plus recevable, si ce n'est de la part de l'autre parent, de l'enfant lui-même ou de ceux qui se prétendent les parents véritables. »
■ Code de procédure civile
« Les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.
Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime. »
« Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve. »
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