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[ 3 avril 2013 ] Imprimer

Droit des successions et des libéralités

Contestation d’un testament pour insanité d’esprit : recevabilité et bien-fondé de l’action

Mots-clefs : Testament, Insanité d’esprit, Annulation, Action, Recevabilité, Bien-fondé

Le délai d’action en contestation d’un testament pour insanité d’esprit dure cinq ans à compter du décès du disposant et son bénéficiaire, soutenant sa validité, doit prouver que le testateur, non sain d’esprit, avait rédigé l’acte dans un instant de lucidité.

Deux arrêts récents rendus par la Cour de cassation viennent de préciser les contours de l’action en contestation d’un testament pour insanité d’esprit, le premier concernant la recevabilité de l’action, le second, son bien-fondé. Dans la première espèce (n°11-28.318), l’action en annulation du testament, formée par la fille de la défunte, fut déclarée irrecevable par les juges du fond en raison de la date de son engagement, postérieure au délai de cinq ans prévu par l'article 1304 du Code civil qui avait, selon les juges, commencé à courir au jour de l'acte contesté. Mais la Haute cour a censuré leur décision au motif que « l'action en nullité d'un acte à titre gratuit pour insanité d'esprit ne pouvant être introduite par les héritiers qu'à compter du décès du disposant, la prescription n'avait pu commencer à courir avant le décès du testateur ». Dans la seconde espèce (n°12-17.360), deux héritiers avaient formé une demande en annulation de plusieurs actes testamentaires, accueillie par les juges du fond en raison du manque de lucidité de la testatrice au moment de leur rédaction. Leur bénéficiaire forma un pourvoi en cassation, rappelant que les demandeurs à la nullité devaient établir qu’au moment de la rédaction des actes testamentaires, la disposante était atteinte d’un trouble mental alors, qu’en l’espèce, les juges ne se seraient fondés que sur des énonciations générales et non circonstanciées. Mais la Cour juge, au contraire, que les juges du fond ont souverainement estimé que le rapport d’expertise, corroboré par des témoignages, établissait la dégradation de l’état mental de la disposante et qu’il n’était pas démontré que celle-ci ait pu se trouver dans un instant de lucidité lors de la rédaction des testaments litigieux.

L'article 414-1 du Code civil dispose que « [p]our faire un acte valable, il faut être sain d'esprit et [que c] 'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte » et l'article 901 du Code civil prévoit plus spécialement que « [p]our faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ».

Dès lors que le rédacteur de l’acte ne fait pas l’objet d’une mesure de protection, ledit acte, notamment testamentaire, ne peut être attaqué que sur le fondement des dispositions précitées. Le succès de l’action suppose cependant la preuve d’un trouble mental au moment de la rédaction de l’acte : l’insanité d’esprit n’étant pas présumée, elle doit être prouvée par celui qui conteste la validité de l’acte (Civ. 1re, 6 juill. 2000). En cas de contestation, il revient alors au juge d’apprécier, au vu des éléments versés au débat, l’état mental du testateur lors de la rédaction de l’acte. La preuve peut toutefois être librement rapportée, notamment, comme dans la seconde espèce rapportée, par des expertises ou des témoignages de médecins. En application de l’article 1315 alinéa 2 du Code civil, il incombera alors au bénéficiaire de la libéralité, dans cette hypothèse, d’établir l’inverse, à savoir la validité de l’acte, en rapportant la preuve que le testament a été rédigé dans un intervalle de lucidité. S’il n’y parvient pas, l’annulation sera prononcée. C’est le bien nommé « risque de la preuve » (H. Motulsky), à nouveau illustré par le second arrêt commenté.

Ce que rappellent, en revanche, les deux décisions est que l’action en contestation n’est possible qu’au décès du testateur, laquelle lui est, de son vivant, réservée (C. civ., art. 414-2). Or, comme le révèle la première décision rapportée, cette règle a une incidence directe sur la détermination du point de départ du délai de la prescription quinquennale en annulation d'un testament pour insanité d'esprit. La Cour de cassation juge, en effet, que ce délai ne peut courir qu’à compter du jour du décès du disposant, à l’identique de ce que la loi prévoit pour l’action des héritiers en annulation des actes faits par un majeur protégé (C. civ., 1304). L’affirmation est, en l’espèce, favorable aux héritiers, qui s’étaient vus opposer l’irrecevabilité de leur action par les juges du fond ayant fixé à tort le point de départ du délai au jour de la rédaction de l’acte contesté.

Civ. 1re, 20 mars 2013, n°11-28.318

Civ. 1re, 6 mars 2013, n°12-17.360

Références

Code civil

Article 414-1

Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. 

Article 414-2

« De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé. 

Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants : 

1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ; 

2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ; 

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future. 

L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304. »

Article 901

« Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence. »

Article 1304

« Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. 

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts. 

Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès, s'il n'a commencé à courir auparavant. »

Article 1315

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. 

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

 Civ 1re, 6 juill. 2000, n° 98-22.654, D. 2001. 1506.

 

Auteur :M. H.


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