Actualité > À la une
À la une
Droit pénal général
Contrainte pénale : application de la loi dans le temps
Mots-clefs : Contrainte pénale, Application de la loi dans le temps, Rétroactivité in mitius (oui)
Les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. Tel est le cas des dispositions relatives à la contrainte pénale issues de la loi du 15 août 2014.
La contrainte pénale résulte de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales (JO 17 août). Cette peine, dont le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution dans sa décision n° 2014-696 DC du 7 août 2014, peut se définir comme une peine qui s'exécute en milieu ouvert dans l'environnement habituel de la personne condamnée, sous condition de se soumettre, pendant six mois à cinq ans, à un ensemble de mesures de contrôle et d’assistance, d’obligations et d’interdictions listées par le texte (C. pén., art. 131-4-1).
Cette mesure peut être prononcée à l'égard de toute personne majeure condamnée pour un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans à compter du 1er octobre 2014 (cette peine ne pourra être prononcée pour les délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement qu'à compter du 1er janv. 2017).
Si la loi prévoit la date d’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, l’arrêt de la chambre criminelle vient apporter une réponse sur l'application de la contrainte pénale dans le temps. Interrogation d’autant plus importante qu’il a été affirmé que « À Nantes, les magistrats du siège ont décidé de ne pas prononcer de contraintes pénales pour des faits antérieurs au 1er octobre 2014 car il y a un risque en cas de recours postérieur puisque c'est une peine nouvelle qui, par certains aspects, pourrait être considérée comme plus sévère » (V. L. Griffon-Yarza).
Les faits de l’espèce étaient les suivants. Un individu a été poursuivi pour conduite d’un véhicule malgré l’annulation de son permis de conduire et sous l’empire d’un état alcoolique, en récidive. L’homme fut condamné par le tribunal correctionnel à six mois d’emprisonnement ; la peine a été portée à huit mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve par la cour d’appel, le 11 décembre 2014. Refusant de suivre les réquisitions du ministère public, les juges ont dit non applicable la condamnation du prévenu à la peine de contrainte pénale au motif que celle-ci est, non pas la modification, dans le sens de l’atténuation, d’une sanction déjà existante, mais une nouvelle peine qui ne peut sanctionner des faits commis avant la promulgation de la loi du 15 août 1014 qui l’a créée.
Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel d'Angers, la chambre criminelle censure le raisonnement. Elle retient que « c’est à tort que la cour d’appel relève que la contrainte pénale ne peut sanctionner que les infractions commises à partir de l’entrée en vigueur de l’article 131-4-1 nouveau du code pénal, alors que cette sanction, telle que définie par le texte précité, constitue une peine alternative à l’emprisonnement sans sursis, applicable, à partir du 1er octobre 2014, aux jugements d’infractions même commises avant cette date ».
Ainsi, selon la Haute juridiction, s'agissant d'une alternative à l'emprisonnement, la contrainte pénale doit être considérée comme une disposition moins sévère au regard des principes posés par l'article 112-1 du Code pénal, qui peut donc s'appliquer aux auteurs de délits commis avant le 1er octobre 2014.
Si le pourvoi est rejeté c’est parce qu’une peine d’emprisonnement sans sursis n’a pas été prononcée en l’espèce. Or, la contrainte pénale est une peine délictuelle, alternative à la peine d'emprisonnement ferme.
Crim. 14 avril 2015, n° 15-80.858
Références
■ Code pénal
« Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis.
Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.
Toutefois, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. »
« Lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l'auteur d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans et les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.
La contrainte pénale emporte pour le condamné l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société.
Dès le prononcé de la décision de condamnation, la personne condamnée est astreinte, pour toute la durée d'exécution de sa peine, aux mesures de contrôle prévues à l'article 132-44.
Les obligations et interdictions particulières auxquelles peut être astreint le condamné sont :
1° Les obligations et interdictions prévues à l'article 132-45 en matière de sursis avec mise à l'épreuve ;
2° L'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général, dans les conditions prévues à l'article 131-8 ;
3° L'injonction de soins, dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu'une expertise médicale a conclu qu'elle était susceptible de faire l'objet d'un traitement.
Le condamné peut, en outre, bénéficier des mesures d'aide prévues à l'article 132-46 du présent code.
Si elle dispose d'éléments d'information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction qui prononce la contrainte pénale peut définir les obligations et interdictions particulières auxquelles celui-ci est astreint parmi celles mentionnées aux 1° à 3° du présent article.
La juridiction fixe également la durée maximale de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est astreint. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans, ni le maximum de la peine d'emprisonnement encourue. Les conditions dans lesquelles l'exécution de l'emprisonnement peut être ordonnée, en tout ou partie, sont fixées par le code de procédure pénale.
Après le prononcé de la décision, le président de la juridiction notifie à la personne condamnée, lorsqu'elle est présente, les obligations et interdictions qui lui incombent ainsi que les conséquences qui résulteraient de leur violation.
Dans des conditions et selon des modalités précisées par le code de procédure pénale, après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le juge de l'application des peines, lorsqu'il n'a pas été fait application du neuvième alinéa du présent article, détermine les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné parmi celles mentionnées aux 1° à 3°, ainsi que les mesures d'aide dont il bénéficie. S'il a été fait application du neuvième alinéa, le juge de l'application des peines peut modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions décidées par la juridiction ; il détermine les mesures d'aide dont le condamné bénéficie. Au cours de l'exécution de la contrainte pénale, les obligations et interdictions et les mesures d'aide peuvent être modifiées, supprimées ou complétées par le juge de l'application des peines au regard de l'évolution du condamné.
La condamnation à la contrainte pénale est exécutoire par provision. »
■ Sur la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, v. Dalloz actualité, 1er sept. 2014, obs. M. Léna.
■ Cons. const. 7 août 2014, n° 2014-696 DC.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une