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Droit de la consommation
Contrat conclu hors établissement : le renversement de la charge de la preuve
Dans un arrêt rendu le 1er février 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que le Code de la consommation fait peser sur le professionnel la charge de prouver l’exécution des obligations légales d’information qui lui incombent. Ainsi un démarcheur à domicile doit-il rapporter la preuve de la régularité du contrat conclu hors établissement avec le consommateur.
Civ. 1re, 1er févr. 2023, n° 20-22.176 B
Supposant un surcroît de protection du consommateur, la notion de contrat conclu hors établissement (v. C. consom., art. L. 221-1, I, 2°) est régie par diverses dispositions du Code de la consommation destinées, notamment, à renforcer la protection du consentement du consommateur. Les plus connues ont trait aux obligations précontractuelles d’information que la loi multiplie au profit de ce dernier lorsqu’il contracte hors du lieu où le professionnel exerce son activité habituelle (v. sur ce point, J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, p. 179, n° 136). Dans un même but de protection du consommateur, la loi prévoit un renversement de la charge de la preuve des obligations légales d’information incombant au professionnel, qui doit prouver leur bonne exécution, comme en témoigne l’arrêt rapporté.
À la suite d’un démarchage à domicile, un couple avait acquis une pompe à chaleur et un chauffe-eau thermodynamique, cet achat ayant été financé par un emprunt. Après avoir constaté l’irrégularité du bon de commande, ainsi que l’absence des économies d’énergie promises par leur vendeur, les acquéreurs avaient assigné ce dernier et le banquier dispensateur du crédit en nullité des contrats souscrits, motif pris d’un défaut précontractuel d’information imputable au vendeur. La cour d’appel les débouta de leur demande au motif qu’en leur qualité de demandeurs à l’action en nullité, il leur appartenait de produire la copie complète du contrat de vente litigieux, en l’absence de laquelle les juges du fond ne pouvaient vérifier la régularité de la vente conclue. Estimant ne pas être tenus de rapporter cette preuve, les acquéreurs se pourvoient en cassation, reprochant aux juges du fond d’avoir méconnu l’ancien article L. 121-17 ancien du Code de la consommation (art. L. 221-7 nouv. du même Code) qui impose de faire peser la charge de la preuve sur le professionnel. Souscrivant à la thèse du pourvoi, la première chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel pour violation de la loi.
Particulièrement étendu, le droit du consommateur à l’information, notamment sur le contenu du contrat qu’il souscrit (C. consom., art. L. 121-5) est encore renforcé par le renversement de la charge de la preuve de l’exécution, par le professionnel, de son devoir précontractuel d’information (C. consom., art. L. 221-7 : « La charge de la preuve du respect des obligations d'information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel »). Le professionnel est ainsi conduit par le législateur à se préconstituer la preuve de l’exécution de ses obligations en cas de contestation de celles-ci. D’essence protectrice de la partie faible au contrat, la loi consumériste prévoit donc, en marge du droit commun de la preuve, cette règle probatoire en faveur du consommateur, dispensé de prouver, même s’il est demandeur à l’instance, l’inexécution des obligations légales d’information incombant, en sa qualité de professionnel, à son cocontractant. Cette règle de droit spécial l’emporte sur la règle générale de l’article 1353 du Code civil, selon lequel le demandeur à l’instance est également demandeur à la preuve. Cependant, en matière de devoir d’information, l’exception ici consacrée à ce principe général a été étendue au point de convertir cette exception en principe.
En effet, de manière générale et donc au-delà du seul droit de la consommation, c’est au professionnel qu’il revient par principe de rapporter la preuve de l’exécution de son obligation d’information (médecin, avocat, notaire, etc.), en considération de la difficulté, pour le créancier d’une telle obligation, de rapporter la preuve d’un fait négatif (prouver qu’il n’a pas été informé) et par symétrie, de la commodité pour le professionnel de conserver la trace dans le cadre de son activité des informations qu’il aura délivrées. On ne peut alors que difficilement comprendre le raisonnement des juges du fond ayant considéré, en vertu du principe traditionnel mais délaissé en cette matière actor incumbit probatio, qu’incombait aux demandeurs de prouver la cause de la nullité alléguée, ie l’absence d’information préalable à la conclusion du contrat. En effet, tant en vertu du droit spécial de la consommation que du principe prétorien général relatif au devoir d’information du professionnel, la charge de cette preuve incombait de toute évidence au défendeur à l’action, donc au démarcheur, en sa qualité de professionnel.
Le rappel auquel procède la Cour de cassation s’est en l’espèce révélé particulièrement utile aux acquéreurs, qui ne détenaient aucun acte écrit susceptible de prouver la vente. Incomplète, la seule copie du contrat qu’ils étaient à même de produire s’apparentait à une carence probatoire qui aurait justifié, en l’absence de ce renversement de la charge de la preuve opéré en leur faveur, le rejet pur et simple de leurs prétentions. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation rappelle explicitement que c’est au professionnel de rapporter « la preuve de la régularité » du contrat. Dont acte : assigné en nullité du contrat conclu hors établissement, le vendeur professionnel doit pouvoir produire l’intégralité de la convention conclue pour démontrer le respect des nombreuses règles, essentiellement informatives, qui lui sont imposées par le Code de la consommation.
Ce rappel est d’autant plus utile qu’en pratique, l’essentiel des procès en nullité intentés contre les professionnels le sont sur un double fondement : d’une part, le défaut de performance du dispositif installé (panneaux photovoltaïques, pompes à chaleur, chauffe-eau thermodynamique, etc.) ; d’autre part, le défaut d’information. Palliant la difficulté de rapporter la preuve de l’erreur commise sur l’efficacité du dispositif, le renversement de la charge de la preuve opéré sur le terrain de l’obligation d’information augmente ainsi, en faveur du consommateur, les chances de succès de son action en nullité intentée sur ce fondement, quand bien même il serait insusceptible de produire le contrat de vente litigieux.
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