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Droit des obligations
Contrat de vente, permis de construire, rétroactivité, erreur ….
Mots-clefs : Vente, Nullité, Erreur, Erreur sur la substance, Immeuble, Caractère constructible, Décision de retrait du permis de construire, Rétroactivité, Effet
L’annulation rétroactive du permis de construire est sans incidence sur l'erreur, qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat de vente.
Par acte notarié, un couple avait vendu diverses parcelles de terrain. Une quinzaine de mois plus tard, les acquéreurs avaient obtenu un permis de construire qui, à la suite d'un recours gracieux devant le préfet, avait été retiré par arrêté municipal, en raison d’un risque d’inondations desdites parcelles ; l’arrêté de retrait visait une circulaire relative à la gestion des inondations, émise quatre ans avant la vente. Invoquant l'inconstructibilité du terrain, les acquéreurs avaient assigné les vendeurs ainsi que leurs notaires respectifs en annulation et résolution de la vente. La cour d'appel rejeta leurs demandes au motif qu'à l'acte de vente figurait un état des risques mentionnant que les parcelles étaient situées en zone inondable et, à ce titre, couvertes par un plan de prévention des risques et qu'au jour de la vente, le terrain litigieux devait être considéré comme constructible par les parties, sans qu’il faille tenir compte du fait que le retrait du permis de construire avait visé une circulaire antérieure à la vente. Aussi rejeta-t-elle la demande fondée sur la garantie des vices cachés au motif que l’inconstructibilité du terrain relevait de l’appréciation de l’administration et qu’il s’agissait donc d’un vice extrinsèque. La Cour de cassation confirme l’analyse des juges du fond, ayant exactement retenu que l'annulation rétroactive du permis de construire obtenu après la vente était sans incidence sur l'erreur, qui devait s'apprécier au moment de la formation du contrat, en sorte que le retrait du permis de construire ne pouvait entraîner la nullité de la vente, ni donner lieu à la garantie des vices cachés.
Représentation erronée de la réalité, l’erreur vise le fait de se tromper qui entache d’un vice la formation de l’acte accompli sous l’emprise de cette fausse représentation de la réalité (Voc. Cornu). Pour emporter la nullité du contrat, l’erreur doit porter, dans le cas d’un contrat intuitu personae, sur la personne du contractant et, de façon bien plus générale, sur la substance de la chose. Depuis que la conception objective de l’erreur substantielle, cantonnant celle-ci à l’erreur commise sur la matière qui compose la chose ou sur une qualité qui lui donne sa nature spécifique et dont l’absence la dénaturerait à tel point qu’elle en deviendrait une autre, a été dépassée au profit d’une conception subjective (JP constante depuis Civ. 28 janv. 1913), l’annulation pour erreur de la vente d’un terrain non constructible est possible. En effet, si objectivement, il va de soi que même non constructible, un terrain reste un terrain, subjectivement, il est possible d’admettre que la non-constructibilité du terrain, si la victime de l’erreur l’avait sue au moment de contracter, aurait dissuadé celle-ci de le faire, et d’annuler le contrat en conséquence. Cependant, dans la décision rapportée, l’annulation demandée par les acquéreurs ne pouvait être prononcée car les juges considérèrent que la rétroactivité de l’annulation des documents d’urbanisme obtenus après la vente est sans incidence sur l’erreur commise, laquelle doit seulement être appréciée au moment de la conclusion du contrat, même si les parties peuvent se référer à des éléments d'appréciation connus d’elles postérieurement à celle-ci pour prouver l'existence d'une erreur au moment de la signature (Civ. 1re, 13 déc. 1983, n° 82-12.237). La même chambre civile avait ainsi déclaré qu'une partie ayant conclu avec le propriétaire du fonds voisin une convention dérogeant aux règles de recul des constructions, applicables selon le plan d'occupation des sols (POS) alors en vigueur, ne pouvait se fonder sur l'annulation postérieure du POS pour invoquer la nullité de cette convention pour erreur sur la réglementation applicable à son terrain (Civ. 3e, 26 mai 2004, n° 02-19.354) puis jugé, dans des circonstances plus proches de celles de l’espèce rapportée, puisqu'il s'agissait d'un retrait de permis de construire pour débordement d'un cours d'eau, que ledit retrait était sans incidence sur la validité de la vente dès lors que « la rétroactivité est sans incidence sur l'erreur, qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat » (Civ. 3e, 23 mai 2007, n° 06-11.889). Aussi la première chambre civile avait-elle dans le même sens jugé que le retrait, pour illégalité, d'un acte administratif ayant pour effet son annulation rétroactive et un certificat d'urbanisme ainsi annulé était réputé n'avoir jamais existé, c'était à tort qu'une cour d'appel, qui avait estimé que la possibilité de construire avait été déterminante du consentement des acquéreurs, avait déclaré sans portée le moyen tiré d'un vice du consentement au seul motif, qu'au moment de l'acte authentique de vente, le terrain se présentait comme constructible (Civ. 1re, 1er juin 1983, n° 82-10.945).
La solution ici reprise se comprend pour deux raisons. D’une part, la nullité de la vente d'un terrain pour erreur sur la constructibilité est limitée au cas où, au jour de la signature, les acquéreurs ignoraient qu'il était impossible de construire sur le terrain, du fait de règles existantes à ce moment-là. Or en l’espèce, les acquéreurs avaient vu leur attention attirée par leur notaire sur l'existence d’un risque d’inondations. Autrement dit, ils n’avaient pas signé l’acte en croyant, à tort, que le terrain était constructible. Leur consentement n’avait donc pas été vicié. D’autre part, un retrait de permis de construire a un effet rétroactif puisqu’en conséquence d’un tel retrait, le permis est censé n'avoir jamais existé et pour cette raison, il est logique que la Cour estime que l'acheteur ne pouvait pas avoir été victime d'une erreur lors de la formation de la vente. Le terrain était bien constructible lors de l'acte, et ce n'est qu'au jour du retrait du permis de construire qu'il avait perdu cette qualité substantielle.
Enfin, l’action engagée sur le terrain de la garantie des vices cachés ne pouvait pas davantage prospérer, la jurisprudence exigeant, dans ce cas, le caractère intrinsèque du vice (Civ. 3e, 23 mai 2007, préc.).
Civ. 3e, 24 nov. 2016, n° 15-26.226
Références
■ Civ. 1re, 13 déc. 1983, n° 82-12.237 P
■ Civ. 3e, 26 mai 2004, n° 02-19.354 P.
■ Civ. 3e, 23 mai 2007, n° 06-11.889 P, D. 2007. 2977, note S. Maillard ; RDI 2007. 396, obs. F.-G. Trébulle ; ibid. 2008. 58, obs. P. Soler-Couteaux ; RTD civ. 2007. 565, obs. B. Fages.
■ Civ. 1re, 1er juin 1983, n° 82-10.945 P.
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