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[ 29 octobre 2020 ] Imprimer

Droit des obligations

Contrat et absence de signature électronique : la confirmation, moyen efficace de chasser la nullité du contrat

Si le contrat en vertu duquel l’agent sportif exerce son activité peut être établi sous la forme électronique, il doit alors être revêtu d’une signature électronique, cependant l’absence de signature peut être couverte par une exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité, valant confirmation.

Civ. 1re, 7 oct. 2020, n° 19-18.135

Un gérant de société, titulaire d’une licence d’agent sportif, avait assigné un club de football national en paiement d’une certaine somme représentant le montant d’une commission qu’elle estimait lui être due en vertu d’un mandat reçu de sa société par échange de courriels, aux fins de négocier avec un club de football étranger le transfert d’un joueur, ainsi qu’en allocation de dommages-intérêts. 

La cour d’appel rejeta ses demandes au seul motif que les courriels échangés entre les parties, non dotés d’une signature électronique, ne répondaient pas aux conditions d’exigence de validité de l’écrit électronique, de sorte que le mandat en exécution duquel sa demande en paiement et en indemnisation avait été formée était nul. 

Par un moyen relevé d’office, la Cour de cassation censure, du moins partiellement, cette décision au visa des articles L. 222-17 du Code du sport, 1108-1 et 1316-1 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1316-4, devenu 1367 du même code, et 1338 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. 

Selon le premier de ces textes, le contrat en exécution duquel l’agent sportif exerce l’activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un des contrats mentionnés à l’article L. 222-7 du Code du sport est écrit.

Aux termes du deuxième, lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 susvisés. 

Selon le troisième, l’écrit sous forme électronique vaut preuve à la condition que son auteur puisse être dûment identifié et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. 

Selon le quatrième, la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose et manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte et lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.

Il en résulte que, si le contrat en vertu duquel l’agent sportif exerce son activité peut être établi sous la forme électronique, il doit alors être revêtu d’une signature électronique.

Cependant, si celle-ci constitue l’une des conditions de validité du contrat, son absence, alors que ne sont contestées ni l’identité de l’auteur du courriel ni l’intégrité de son contenu, peut être couverte par une exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité, valant confirmation, au sens du dernier des textes susvisés.

Or en l’espèce, le mandant, en sa qualité de directeur général et membre du directoire de la société attaquée, avait le pouvoir d’engager sa société et de prévoir l’objet du mandat donné, ainsi que sa durée et sa rémunération, tel qu’il le fit le 27 juin 2013, en ayant à cette date confié au demandeur, jusqu’au 29 juin 2013 à minuit, le mandat de mener les négociations avec ledit club étranger pour procéder à la mutation définitive d’un joueur, prévu une commission de 5 % de l’indemnité de mutation, majorée de 15 % de la survaleur supérieure à 15 000 000 euros. Après avoir été transmis à la Fédération française de football, ce mandat avait, par échange de courriels du même jour, été prorogé au dimanche 30 juin 2013 à 18 heures, ce dont il résultait que les parties avaient mis à exécution le contrat, en dépit de l’absence d’une signature électronique, ce qui valait confirmation, en sorte que la cour d’appel avait, en statuant comme elle l’a fait, violé les textes susvisés.

Comme le rappelle la décision rapportée, la confirmation d’un acte nul est une technique qui concerne traditionnellement, pour l’essentiel, les conditions de forme ad probationem de l’acte encourant l’annulation (C. civ., anc. art. 1338 s. ; comp. art. 1182 nouv., envisageant la confirmation de manière plus large et plus complète). 

Sa mise en œuvre s’effectue en principe de manière expresse. Elle s’exprime alors dans un acte confirmatif, qui s’analyse comme un acte unilatéral de volonté par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce pour confirmer le contrat qu’il entend bien exécuter (V. S. Porchy-Simon, Les obligations, Dalloz 2020, coll. HyperCours, p. 184), malgré la cause de nullité qui l’atteint et qu’il entend réparer (sur le contrôle de cette double condition par la Cour de cassation, v. notam. Civ. 1re, 11 févr. 1981, n° 79-15.857). C’est la raison pour laquelle seul le titulaire de l’action en nullité est autorisé à confirmer l’acte ainsi vicié (C. civ., art. 1182).

La confirmation peut également être, telle qu’en l’espèce, tacite (v. S. Porchy-Simon, Les obligations, op.cit., n° 335, p. 185). Dès avant la réforme du 10 février 2016, cette possibilité était envisagée à l’article 1138, alinéa 2, du Code civil, qui disposait qu’« à défaut d’acte de confirmation ou ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à laquelle l’obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée ». La règle est désormais reprise à l’article 1182, alinéa 3, du même code, aux termes duquel « (l)’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation ». Ainsi, l’exécution volontaire d’un contrat en dépit de l’annulation qu’il encourt doit être considérée, sous réserve d’équivocité, comme une confirmation de cet acte nul ; dans le doute, il appartient aux tribunaux d’interpréter la volonté réelle des parties, principalement pour vérifier l’absence d’autres causes susceptibles de justifier l’exécution du contrat. 

La volonté tacite des contractants doit être, en effet, univoque. Elle l’était sans aucun doute en l’espèce. La nullité encourue du mandat conclu étant acquise, aucun des mails échangés entre les parties n’ayant été doté de la signature électronique nécessaire à la satisfaction des conditions de validité de l’écrit électronique, le contenu du premier mail litigieux, précisant tout à la fois l’objet, la durée et le prix du contrat, révélait qu’en dépit de son irrégularité, non contestée par les parties, cet écrit manifestait la volonté non équivoque de son auteur de donner mandat au destinataire de ce courriel, ainsi que son consentement aux obligations qui découlent d’un contrat de cette nature. En outre, ce courriel avait été transmis à un organisme officiel pour l’informer du mandat ainsi conclu. Enfin, ce premier écrit avait ensuite donné lieu à d’autres courriels, dont les échanges successifs au cours d’une même journée avaient pour but de proroger au plus vite le terme du mandat. Il résultait de ces constatations que les parties à ce contrat l’ayant ainsi mis volontairement à exécution, la confirmation de ce fait intervenue conduit la Cour de cassation à « dire (…) que le contrat de mandat conclu le 27 juin 2013 (…) n’encourt pas la nullité ». 

Il convient ici de préciser que la confirmation entraîne la validation rétroactive du contrat, ainsi purgé du vice originel qui l’entachait de nullité. Cet effet rétroactif confère à la confirmation son intérêt majeur, en comparaison d’autres techniques voisines, telles que la réfaction, puisque la convention est réputée valable dès l’origine (sous la réserve, cependant, des droits des tiers, V. C. civ., art. 1182, al. 4, in fine). La validité du contrat de mandat conclu justifie l’absence de renvoi, de ce chef, de la décision ici rendue, à compter de laquelle le demandeur peut se prévaloir du contrat de mandat pour obtenir le paiement de sa commission due en exécution de ce mandat dont la cause de nullité a, par la voie de la confirmation, été évincée et sa régularité, partant, judiciairement constatée.

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz : Confirmation

■ Civ. 1re, 11 févr. 1981, n° 79-15.857 P

 

Auteur :Merryl Hervieu

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