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Contrats spéciaux
Contrat mixte : choix et enjeux d’une qualification unitaire
Le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.
Civ. 1re, 17 mai 2023, n° 21-25.670 B
Le 21 septembre 2017, un consommateur conclut avec une société, hors établissement, un contrat de fourniture et d'installation de douze panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau thermodynamique, moyennant un certain prix. Le 2 octobre de la même année, l’acheteur et son épouse concluent un contrat de crédit affecté au financement du contrat initial. Le 2 novembre suivant, l’époux établit une attestation de fin de travaux et de conformité, conduisant la banque prêteuse à procéder au déblocage des fonds directement entre les mains de la société de services. Le 25 janvier 2018, les époux informent celle-ci de l’exercice de leur droit de rétractation, arguant de ce qu'ils peuvent encore s'en prévaloir en raison d'une erreur dans le bon de commande quant au point de départ de leur délai de rétraction. Enfin, les 30 et 31 mai de cette même année, ils assignent la société et la banque en constat de la caducité des contrats.
La cour d’appel fait droit à leur demande. Après avoir constaté l’exercice de leur droit de rétractation, dans le délai légal prorogé de 12 mois sur le fondement de l'article L. 221-20 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, la juridiction du second degré prononce l’anéantissement du contrat liant les époux à la société de services.
N.B. : les contrats principal et de financement ayant été conclus en 2017, les articles du Code de la consommation visés ci-après s'entendent dans leur rédaction applicable à cette date.
Devant la Cour de cassation, la société fait valoir que le contrat litigieux, dont l’objet consiste en la fourniture et la pose d’un dispositif destiné à produire de l’énergie, est constitutif d'un contrat de louage ou de prestation de services, de telle sorte que le délai de rétractation court à compter du jour de la conclusion du contrat, et non de la livraison des marchandises comme l’aurait, à tort, retenu la cour d’appel. En effet, celle-ci a considéré que le contrat avait principalement pour objet la livraison de biens et la fourniture d’une prestation de services destinée à leur installation et mise en service, accessoire de la fourniture du matériel, ce qui devait conduire à l’assimiler à un contrat de vente. Pour les juges d’appel, ce contrat mixte de prestation de services et de vente de biens devait être qualifié de vente en application de l'article 2, 5) de la directive 2011/83/UE, de telle sorte que le délai de rétractation applicable à ce contrat était de 14 jours à compter de la livraison des biens (C. consom., art. L. 221-18). Aussi avaient-ils constaté que le bon de commande mentionnait à tort que le délai de rétractation courait à compter de la signature du bon de commande. Ils ont alors jugé qu’en l'absence d'information correcte dans le bon de commande sur les modalités de leur droit de rétractation, le délai de rétractation avait été prolongé de 12 mois à compter de la date d'expiration du délai initial (C. consom., art. L. 221-20), en sorte que le délai n’était pas expiré lorsque les acheteurs se sont rétractés de leur engagement, et que les contrats de vente et de crédit affectés étaient anéantis.
La Cour de cassation approuve l’analyse des juges du fond. Contrairement à ce que la société soutenait, le contrat litigieux était bien une vente. Certes, il prévoyait l'intégration en toiture des panneaux photovoltaïques, de telle sorte qu'il prévoyait la réalisation de travaux portant sur la maison d'habitation des époux. Néanmoins, il avait également pour objet la vente des panneaux considérés à des fins de production thermique et électrique. Aussi le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est-il assimilé à un contrat de vente, en application de l'article L. 221-1, II du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée du 22 décembre 2021, et non à un contrat de prestation de services. Or, le bon de commande mentionnait que le délai de rétractation courait à compter de sa signature alors que celui-ci ne courait qu'à compter de la livraison du matériel commandé. Le couple n’ayant pas été informé correctement des modalités de rétractation du contrat de vente conformément à l'article L. 221-5, 2° du Code de la consommation, il disposait en application de l'article L. 221-20 du même code d'un délai supplémentaire de 12 mois à compter de l’expiration du premier pour exercer leur droit de rétractation. La première chambre civile confirme donc que les époux ont valablement exercé leur droit de rétractation et que les contrats ont pris fin.
Ainsi le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est-il assimilé à un contrat de vente et non à un contrat de prestation de services. Le choix de rattacher un contrat, malgré son caractère hybride, à une catégorie unique s’explique par les difficultés liées à une qualification mixte, ou distributive, impliquant de soumettre chaque aspect de l’opération au régime correspondant. Au cas d’espèce, telle partie du contrat serait alors qualifiée de vente, telle autre, d’entreprise. Outre la complexité des solutions auxquelles cette entreprise de qualification conduirait, certaines antinomies seraient susceptibles d’apparaître. Pour reprendre l’exemple tiré du cas d’espèce, comment marier la vente et le louage d’ouvrage quand on sait que la détermination du prix est une condition de formation de la première, mais non du second ? La qualification unitaire est, comme en atteste cet arrêt, généralement préférée, et opérée par renvoi à la distinction classique entre les éléments principaux et accessoires du contrat. Ainsi, concernant le contrat litigieux, la fourniture de prestation de services est considérée comme l’accessoire de la vente principale des panneaux. Invariable, l’enjeu de la qualification tient dans la détermination du régime applicable soit, en l’espèce, des conditions de délai propres à l’exercice, par des acheteurs, du droit de se rétracter et de faire constater l’anéantissement de la vente qu’ils avaient conclue.
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