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Procédure pénale
Contrôle de la légalité de la garde à vue par la chambre de l’instruction
Mots-clefs : Garde à vue, Chambre de l’instruction, Procédure pénale, Enquête préliminaire, Maire
Il incombe à la chambre de l’instruction de contrôler que la mesure de garde à vue remplit les exigences de l’article 62-2 du Code de procédure pénale, en relevant au besoin un autre critère que celui ou ceux mentionnés par l’officier de police judiciaire.
La garde à vue, réformée en ampleur par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, est définie par l’article 62-2 du Code de procédure pénale comme « une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit punie d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs ». Le même texte précise, en son alinéa 2, qu’elle doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des six objectifs qu’il énumère et qui sont, synthétiquement, les suivants : permettre l’exécution des investigations impliquant la présence du suspect (1°) ; garantir sa présentation devant le procureur de la République (2°); empêcher de modifier les preuves ou les indices matériels (3°) ; empêcher des pressions sur les témoins et les victimes (4°) ; empêcher une concertation frauduleuse (5°) ; et enfin, faire cesser le crime ou le délit (6°).
En l’espèce, dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte en février 2014 et portant sur des faits de soustraction, détournement ou destruction d’un dépôt public par le dépositaire ou l’un de ces subordonnés datant de 2012 et 2013, Mme Y…, maire de Montauban a été placée en garde à vue le 16 juin 2015 pour, selon le procès-verbal de notification dressé par l’OPJ, permettre l’exécution des investigations impliquant sa participation ou sa présence et garantir sa présentation au procureur de la République. Elle a été entendue dans ce cadre puis la mesure a été levée puis reprise le lendemain matin. Dans la journée du 17 juin, elle a été confrontée à un autre suspect puis présentée, avec ce dernier, au procureur de la République qui a requis l’ouverture d’une information judiciaire. Mise en examen et placée sous contrôle judiciaire, elle a déposé une requête en nullité de la procédure, notamment de celles relatives à sa garde à vue. La chambre de l’instruction a dit la procédure régulière en retenant que la garde à vue était logique et nécessaire au regard des 1°, 2° et 5° de l’article 62-2 du Code de procédure pénale.
Par son arrêt du 28 mars 2017, la chambre criminelle rejette le pourvoi formé par la mise en examen. Dès lors que « la mesure de garde à vue était l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs prévus par l’article 62-2 », la chambre de l’instruction a justifié sa décision. La Haute Cour ajoute qu’« il […] incombe (à cette dernière) de contrôler que la mesure de garde à vue remplit les exigences de l’article 62-2 précité » et que « dans l’exercice de ce contrôle, elle a la faculté de relever un autre critère que celui ou ceux mentionnés par l’officier de police judiciaire » (ici, empêcher une concertation du suspect avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices).
La loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue « a[yant] marqué le passage d’un système traditionnel d’opportunité de la mesure à un système fondé sur sa légalité » (Ch. Mauro, Rép. pén. Dalloz, vo Garde à vue, no 71), se posait nécessairement la question du contrôle de la légalité de la garde à vue, sur laquelle la réforme était restée muette. Et dès lors que la mesure était désormais soumise à des conditions restrictives, « on d[evai]t admettre l’existence d’un contrôle juridictionnel […] dev[ant] pouvoir être effectué lorsque les éléments de preuve tirés de la garde à vue sont présentés à la juridiction de jugement ou dans le cadre d’un recours en nullité devant la chambre de l’instruction, le juge dev[ant] alors pouvoir s’interroger sur le respect non seulement des conditions formelles mais également des conditions substantielles du placement en garde à vue » (ibid.).
C’est précisément ce qu’affirme la chambre criminelle dans cet arrêt au prestigieux lettrage (PBRI), qui rompt avec la jurisprudence rendue sous l’empire des anciennes dispositions (V. Crim. 4 janv. 2005, n° 04-84.876 jugeant que l’appréciation de la nécessité de la mesure et des raisons plausibles de soupçonner la personne relève d’une faculté que l’OPJ tient de la loi et qu’il exerce, dans les conditions qu’elle définit, sous le seul contrôle du procureur de la République ou, le cas échéant, le juge d’instruction). Il appartient donc désormais à la chambre de l’instruction de contrôler le respect des exigences posées à l’article 62-2 du Code de procédure pénale en appréciant elle-même et au besoin les critères justifiant le recours à la mesure de garde à vue.
Crim. 28 mars 2017, n° 16-85.018
Référence
■ Crim. 4 janv. 2005, n° 04-84.876 P, D. 2005. 761, note J.-L. Lennon ; ibid. 2006. 617, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2005. 160, obs. J. Leblois-Happe.
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