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Procédure pénale
Contrôle d’identité « au faciès » : nullité et responsabilité
Mots-clefs : Contrôle d’identité, Droit de l’homme, Liberté, Procédure pénale, Appartenance ethnique, Discrimination
Un contrôle d’identité motivé par l’appartenance ethnique, réelle ou supposée, de la personne contrôlée, en méconnaissance de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, est nul. Un tel contrôle d’identité discriminatoire engage la responsabilité de l’État.
Le « droit à la quiétude », selon les termes de Serge Trassoudaine, conseiller référendaire à la Cour de cassation (Le droit des étrangers et la protection de l’individu, Rapport annuel de la Cour de cassation, 2000), qui impose que les individus ne soient pas abusivement inquiété par des contrôles intempestifs de « papiers » ou d’identité, a fait l’objet des attentions de la Cour de cassation au mois de novembre 2016. Tout d’abord de la chambre criminelle, puis de la première chambre civile.
Les contrôles « au faciès », qu’ils soient d’identité ou des titres de séjour ne sont pas une nouveauté et la chambre criminelle a toujours eu le souci constant de les limiter. Ainsi avait-elle précisé, dans un arrêt Vuckovik et Bogdan du 25 avril 1985 (Crim. 25 avr. 1985, n° 84-92.916), que les agents de l’autorité peuvent requérir le titre de séjour des étrangers « lorsque des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger ». De même, en matière de contrôle d’identité de type administratif, dans l’arrêt Bassilika du 10 novembre 1992 (n° 92-83.352), elle exigea que l’atteinte à l’ordre public, qui justifie le contrôle préventif, soit directement rattachable au comportement de la personne dont l’identité est contrôlée.
Dans sa décision du 3 novembre 2016, la chambre criminelle stigmatise de nouveau les contrôles discriminatoires. En l’espèce, lors de contrôles d’identité sur réquisitions écrites du procureur de la République (C. pr. pén., art. 78-2, al. 2) aux fins de recherche et de poursuite d'infractions précisées par lui, les policiers ont procédé au contrôle d’un « individu de type nord africain », qui a déclaré se nommer M. X. et être de nationalité égyptienne. Il s’est avéré que l’intéressé avait fait l’objet, d’un arrêté de reconduite à la frontière demeuré inexécuté. Poursuivi pour maintien irrégulier d’un étranger en France, M. X. a sollicité l’annulation de ce contrôle d’identité et de l’entière procédure subséquente. Les juges du fond ont fait droit à cette demande au motif que « la seule référence à l’aspect « nord africain » de la personne contrôlée ne constituait pas un motif licite de contrôle ». La Cour de cassation approuve le raisonnement et affirme que « les mentions du procès-verbal sont de nature à faire présumer que le contrôle d’identité a été motivé par l’appartenance ethnique, réelle ou supposée, de la personne contrôlée, en méconnaissance de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme ».
Outre la nullité imposée par la chambre criminelle, la première chambre civile est venue préciser la responsabilité de l’État dans le cas de contrôles d’identité discriminatoires à l’occasion de treize arrêts rendus le même jour (arrêts du 9 nov. 2016, Civ. 1re, 9 nov. 2016, n° 15-24.207, n° 15-24.208, n° 15-24.209, n° 15-24.213, n° 15-25.876, n° 15-25.877, n° 15-25.873, n° 15-24.210, n° 15-24.211, n° 15-24.212, n° 15-24.214, n° 15-25.872, n° 15-25.875). Selon la formation civile, un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire. Dans ce cas, la responsabilité de l’État se trouve engagée sur le fondement de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire pour faute lourde.
Au delà du fondement de la responsabilité en cas de contrôle discriminatoire, ces arrêts précisent le mode de preuve de la discrimination. Selon la haute juridiction, « il appartient à celui qui s’en prétend victime d’apporter des éléments de fait de nature à traduire une différence de traitement laissant présumer l’existence d’une discrimination ». Si de tels éléments existent, l’administration, devra « démontrer, soit l’absence de différence de traitement, soit que celle-ci est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Il appartient au juge enfin, d’exercer son contrôle.
A titre d’exemple, dans l’un des arrêts rendus, les services de police, informés d’un vol en réunion avec violence commis, à Saint-Germain-en-Laye, par deux personnes de type nord-africain, ont procédé, sur une voie publique de cette ville, au contrôle de l’identité de MM. X. et Y. sur le fondement de l’article 78-2, alinéa 1er, du Code de procédure pénale. Aucune suite, judiciaire ou administrative, n’ayant été donnée à ce contrôle, l’un des deux individus estimant le contrôle discriminatoire, en raison de son origine, de son apparence physique ou de son appartenance ethnique, a assigné l’Agent judiciaire de l’État en réparation de son préjudice moral. Sa demande est rejetée car la différence de traitement, est, en l’espèce justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination : la personne contrôlée répondant au signalement de l’un des suspects, la cour d’appel, a pu en déduire que le choix de la personne contrôlée ne présentait pas de caractère discriminatoire.
L’ensemble des décisions rendues par la Cour de cassation, dans ses formations criminelle et civile, participe à une meilleure régulation des contrôles d’identité souhaitée notamment par le défenseur des droits (Dalloz actualité, 25 juin 2015, obs. A. Portman) et partant assure une plus grande quiétude des individus.
Crim. 3 nov. 2016, n° 15-85.548
Civ. 1re, 9 nov. 2016, n° 15-24.210, 15-25.873, 15-24.212, 15.25.872
Références
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 14
« Interdiction de discrimination. La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
■ Crim. 25 avr. 1985, n° 84-92.916 P, D. 1985. 329, concl. Dontenwille; ibid., 181, chron. D. Thomas ; ibid. 1986. 169, chron. L. Favoreu.
■ Crim. 10 nov. 1992, n° 92-83.352, D. 1993. 36, note D. Mayer ; RSC 1993. 569, obs. A. Braunschweig.
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