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Procédure pénale
Contrôle d’identité : des circonstances particulières sont requises
Mots-clefs : Contrôle préventif d'identité, Conditions légales, Circonstances particulières, Plan Vigipirate, Référence abstraite, Irrégularité
Le seul fait qu’une interpellation ait eu lieu dans le cadre d'une décision du ministre de l'intérieur concernant la mise en place du plan Vigipirate, sans relever aucune autre des circonstances exigées par l' article 78-2 du Code de procédure pénale pour procéder au contrôle d'identité, entache cette interpellation d’irrégularité.
A l’issue d’un contrôle d’identité dans une gare française, un ressortissant tunisien, en situation irrégulière sur le territoire national, avait été placé en retenue pour vérification de son droit au séjour puis en rétention administrative. Pour prolonger cette mesure, le premier président de la cour d’appel retint que le contrôle d’identité avait été régulièrement effectué par les fonctionnaires de police agissant dans les conditions du plan Vigipirate et de l’état d’urgence , dès lors que ce plan, élevé au niveau attentat, justifiait qu’il fût procédé à des contrôles d’identité pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens. Cette analyse est rejetée par la première chambre civile de la Cour de cassation au motif qu’en se déterminant ainsi, alors que la référence abstraite au plan Vigipirate et à l’état d’urgence ne permettait pas, à elle seule, de justifier le contrôle d’identité, en l’absence de circonstances particulières constitutives d’un risque d’atteinte à l’ordre public, le juge ayant rendu l’ordonnance a privé sa décision de base légale vu l’article 78-2, alinéa 7, du Code de procédure pénale.
Le contrôle d'identité de police administrative, aussi parfois appelé contrôle d'identité préventif, consiste en un contrôle spontanément effectué auprès de toute personne, indistinctement, sans même qu’une éventuelle anormalité de comportement justifie l’intervention de l'agent compétent. Indifférent au comportement de la personne contrôlée, le contrôle d’identité des personnes se présente-t-il comme un contrôle indéterminé : ce dernier peut, aux termes de l'article 78-2, alinéa 7, du Code de procédure pénale, être opéré à l'encontre de « toute personne », contrairement au contrôle d'identité de police judiciaire, lequel ne peut être opéré qu’à l’encontre d’une personne qui, de par son comportement, aura interpellé l'agent de la force publique. La latitude ainsi laissée aux policiers ou gendarmes chargés de procéder aux contrôles administratifs d’identité ne peut cependant pas, sans risque d’arbitraire incompatible avec notre État de droit, être sans limites. C’est la raison pour laquelle le contrôle d’identité doit être fondé sur la nécessité. Ainsi, tout en octroyant aux agents de la force publique le pouvoir de contrôler toute personne, le législateur a, par le biais de diverses dispositions, notamment pour respecter celles de la Convention européenne des droits de l’homme (art. 2, al. 1er du protocole 4 fondant la liberté d’aller et de venir), constamment rappelé cette exigence de nécessité, exigeant la motivation de ces contrôles, préalable à leur exercice, qui ne peut être systématique (V. D. Colin : JOAN CR, 11 juin 1993, p. 1356 et min. just. : JOAN CR, 11 juin 1993, p. 1347). Dans le même sens, le Conseil constitutionnel prohibe depuis longtemps « la pratique des contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires... incompatibles avec le respect de la liberté individuelle », expliquant que « s'il est loisible au législateur de prévoir que le contrôle d'identité d'une personne peut ne pas être lié à son comportement, il demeure que l'autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public qui a motivé le contrôle » (n° 93-323 DC, 5 août 1993).
Ainsi, une première loi du 10 juin 1983 (L. n° 83-466) avait requis la réunion de deux conditions, de temps (la « menace immédiate pour la sûreté des personnes et des biens ») et d'espace (le « lieu déterminé »). Certes encadré, ce contrôle préventif s'était révélé « d'interprétation difficile pour les juristes et surtout d'application peu aisée pour les policiers et les gendarmes » (min. just. : JO Sénat CR, 30 juill. 1986, p. 3450). Concrètement, un tel dispositif n'autorisait le contrôle que dans l'hypothèse de l'imminence d'une infraction, rendant « particulièrement exceptionnelle la pratique des contrôles d'identité préventifs » (D. Thomas, Les contrôles d'identité préventifs depuis les arrêts de la chambre criminelle des 4 oct. 1984 et 25 avr.1985 : la nécessité d'une réforme, D. 1985. 181).
Désormais, le droit positif, issu sur ce point d’une loi du 3 septembre 1986 (L. n° 86-1004), n’autorise le contrôle d'identité préventif que « pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment une atteinte à la sécurité des personnes ou des biens » (C. pr. pén., art. 78-2, al. 7), le contrôle d'identité administratif n’étant ainsi envisagé que comme un instrument de la politique de prévention de l’ordre public (V. min. just. : JOAN CR, 4 juill. 1986, p. 2837). Quoique large et assez peu précise dans son contenu, la notion a pour but d’encadrer les recherches policières d'identité. C’est la raison pour laquelle en dépit de leur abrogation par la loi de 1986, les conditions de lieu et de temps, antérieurement posées par celle de 1983, demeurent implicitement nécessaires pour opérer un contrôle d'identité administratif. La logique de la motivation a imposé le maintien implicite de ces conditions qui assurent la mesure de la nécessité. Toute restriction a certes été levée dans la détermination spatio-temporelle du contrôle préventif ; ainsi les contrôles d'identité préventifs peuvent-ils s'étendre à un, voire à plusieurs quartiers d'une ville ; mais cette détermination suppose toujours qu'y soit concrètement caractérisée l'indispensable atteinte à l'ordre public. Sous cet angle, la seule invocation d'un plan « Vigipirate », lequel consiste dans un ensemble de mesures de protection d'ordre administratif, ne peut suffire à établir, à lui seul, une telle atteinte dès lors qu’il ne saurait constituer un motif répondant aux exigences légales posées par l'article 78-2 du Code de procédure pénale relatif au contrôle judiciaire (les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1 peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner/ qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction/ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit/ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines/ ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
En l’espèce, la cassation s’explique par le fait que le premier président de la cour n’avait relevé, pour justifier la régularité du contrôle litigieux, aucune circonstance particulière à l’espèce constitutive d’un risque d’atteinte à l’ordre public, en s’étant simplement appuyé sur des références générales et abstraites constituées par l’organisation administrative d’un plan de sécurité de la population. Ainsi, je juge civil rejette-t-il, à l’instar du juge répressif (V. par ex., Crim. 12 mai 1999, n° 99-81.153, l'idée d'un « contrôle d'identité qui ne serait fondé sur aucune raison précise » (JOAN CR, 4 juill. 1986, p. 2849), exigeant une motivation concrète, qui doit être formellement exprimée dans le procès-verbal de vérification d'identité afin de permettre au juge d'exercer son contrôle (C. pr. pén., art. 78-3, al. 6). L’agent doit donc, sous peine de voir annuler son contrôle et, en cas de contestation, accueillie l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’intéressé, caractériser concrètement, autrement que par une considération générale et abstraite, la situation qui a motivé le contrôle d'identité litigieux.
Références
■ Cons. const. 5 août 1993, n° 93-323 DC : AJDA 1993. 815, note P. Wachsmann.
■ Crim. 12 mai 1999, n° 99-81.153 P : D. 1999. 217.
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