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[ 16 mars 2011 ] Imprimer

Procédure pénale

Contrôle d’identité Schengen : application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne

Mots-clefs : Contrôle d’identité, Espace Schengen, Frontières, Zones aéroportuaires, Zones transfrontalières, Titre de séjour, Cour de justice de l’Union européenne, LOPPSI 2

La Cour de cassation applique d’office la jurisprudence de la CJUE concernant la non-conformité au droit européen de la loi française permettant des contrôles d’identités facilités aux abords des frontières françaises.

Un citoyen colombien en situation irrégulière en France avait été interpellé par la police, alors qu’il était à bord d’un train en direction de Barcelone, tout près de la frontière franco-espagnole.

Depuis la signature des accords de Schengen, le 19 juin 1990, la libre circulation des personnes est le principe pour les ressortissants des 22 États signataires. Toutefois, les gouvernements n’ont pas aboli totalement les contrôles d’identité aux frontières et dans les lieux de transports de personnes (aéroports, gares internationales, autoroutes transfrontalières).

Ainsi, le législateur français a prévu à l’article 78-2 alinéa 4 C. pr. pén. la réalisation de contrôles d’identité « dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention […] et une ligne tracée à 20 kilomètres en-deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté », en vue de vérifier le respect des obligations de port de titre de séjour prévues par la loi.

Ce texte permet donc aux policiers de ne pas avoir à démontrer l’existence d’indices faisant présumer qu’une infraction est ou était en train de se commettre, et justifiant le contrôle d’identité, contrairement à ce qui est exigé pour les contrôles d’identité de droit commun régis par l’article 78-2 alinéa 1 du Code de procédure pénale.

Or, la Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt de grande chambre rendu le 22 juin 2010, a considéré que le droit de l’Union empêchait ce type de réglementation dès lors qu’elle avait « un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières », en l’absence de contrôle effectif par un juge ou une autorité indépendante. La CJUE avait alors répondu à une question préjudicielle posée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans une affaire similaire à l’espèce, solution que la Cour avait appliquée avec diligence (Ass. plén. 29 juin 2010).

D’office, la première chambre civile relève donc le moyen de l’irrégularité des dispositions de procédure pénale au regard du droit de l’Union, et invalide le contrôle d’identité ayant donné lieu à l’interpellation du prévenu.

Notons que le législateur est intervenu pour remédier à cette anomalie qui risquait de priver les policiers d’un outil précieux dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. Ainsi, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPPSI 2) promulguée le 15 mars 2011, le législateur a ajouté une phrase à l’article 78- 2 alinéa 4, libellé comme suit : « Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones. » Il n’est pas certain que le juge européen se satisfasse de ces précautions, lui qui réclamait principalement le contrôle des prérogatives policières par un juge.

Civ. 1e, 23 févr. 2011, n° 09-70.462

Références

Accords de Schengen

« Accords qui suppriment les contrôles de personnes à l’intérieur des États membres. Un premier accord signé le 14 juin 1985 à Schengen (Luxembourg) liait le Benelux, l’Allemagne et la France. Il a été complété par une convention d’application signée le 19 juin 1990. Sont aujourd’hui concernés tous les États appartenant à l’Union européenne (sauf Chypre à cause du problème de partition de l’Île, la Bulgarie et la Roumanie entrés dans l’Union seulement le 1er janv. 2007, l’Irlande comme le Royaume-Uni qui n’ont pas voulu adhérer) plus l’Islande, la Norvège et la Suisse. Le transfert des contrôles aux frontières extérieures a entraîné l’adoption de règles communes sur les visas, l’asile et les modalités mêmes du contrôle aux frontières. »

Contrôle d’identité

« Examen, effectué par un OPJ ou un APJ, sur la voie ou dans un lieu public, d’un document de nature à prouver l’identité d’une personne. Il constitue la première étape de l’opération tendant à établir l’identité. »

Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article 78-2 du Code de procédure pénale (en gras, les modifications apportées par la loi LOPPSI 2)

« Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ;

ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.

Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi. Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces arrêts sont désignés par arrêté ministériel. Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa.

Dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral du département de la Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, et sur une ligne tracée à cinq kilomètres de part et d'autre, ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Régina, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi.

Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi :

1° En Guadeloupe, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone d'un kilomètre de part et d'autre, d'une part, de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre, Gourbeyre et Trois-Rivières et, d'autre part, de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-François ;

2° À Mayotte, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà ;

3° À Saint-Martin, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà ;

4° À Saint-Barthélemy, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà. »

CJUE, Gr. Ch., 22 juin 2010, aff. C-188-10 et C-189-10, D. 2010. 1254, Levade ; ibid. 1336. Sargos ; Dr. Pénal 2010, n° 77, note Maron et Hass.

Ass. plén. 29 juin 2010, n° 10-40.001 ; D. 2010. 636 ; Constitutions 2010. 393, obs. Levade.

 

Auteur :B. H.

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