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Droit des obligations
Convention d'assistance bénévole : la faute d’imprudence de l’assistant suffit à engager sa responsabilité
En présence d'une convention d'assistance bénévole, toute faute de l'assistant, fût-elle d'imprudence, ayant causé un dommage à l'assisté, est susceptible d'engager la responsabilité de l'assistant.
Civ. 1re, 5 janv. 2022, n° 20-20.331
Dans un arrêt du 5 janvier 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation juge que, dans le cadre d'une convention d'assistance bénévole, la faute d'imprudence de l'assistant bénévole suffit à engager sa responsabilité contractuelle pour le dommage causé à l’assisté.
Au cas d'espèce, un homme procédait bénévolement à effectuer des travaux sur la toiture d’un autre. À la suite d'une imprudence de l'assistant bénévole, tenant à une mauvaise utilisation d'une lampe à souder, un incendie s’était déclaré et avait détruit le bien de l’assisté. Après avoir indemnisé son assuré (l’assisté), l'assureur de ce dernier se retourna contre l'assistant bénévole. La cour d'appel écarte sa responsabilité au motif que la conclusion d'une convention d'assistance bénévole exclurait que sa responsabilité puisse être retenue en présence d'une simple faute d’imprudence. Approuvant la thèse du pourvoi, fondée sur l’indifférence au degré de gravité de la faute de l’assistant, la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel, affirmant qu’ « en présence d'une convention d'assistance bénévole, toute faute de l'assistant, fût-elle d'imprudence, ayant causé un dommage à l'assisté, est susceptible d'engager sa responsabilité » ; ayant retenu « que la responsabilité de M. [K] s'apprécie au regard de la commune intention des parties qui exclut qu'en présence d'une convention d'assistance bénévole, l'assistant réponde des conséquences d'une simple imprudence ayant causé des dommages aux biens de l'assisté qui était tenu de garantir sa propre sécurité, celle de ses biens et celle de la personne à laquelle il a fait appel », la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
L’assistance bénévole portée à autrui donne naissance à des relations souvent qualifiées de complaisance ou de courtoisie unissant les personnes qui se rendent un service ou une aide gratuitement, donc sans contrepartie pécuniaire. Elle se traduit chez son auteur (l’assistant) par l’accomplissement d’un acte personnel, spontané et charitable, tel que celui effectué en l’espèce, prenant la forme courante en pratique d’un service rendu.
Quelle qu’en soit la manifestation, l’aide apportée par l’assistant peut être à l’origine de divers préjudices. Il est notamment fréquent qu’à l’occasion de l’aide qu’il apporte à l’assisté, l’assistant subisse des dommages corporels. Or depuis un arrêt du 1er décembre 1959 (Civ. 1re, 27 mai 1959), la première chambre civile reconnaît l’existence d’une convention « d’assistance bénévole », à laquelle elle applique en conséquence les règles de la responsabilité contractuelle, comme en atteste le visa de la décision rapportée. S’affranchissant de la conception classique du contrat, la Cour de cassation considère qu’en portant assistance à autrui de manière désintéressée, l’assistant offre un service nécessairement accepté par l’assisté, même si celui-ci n’a pas expressément manifesté son consentement à contracter. Malgré son caractère factice, la solution s’appuie toutefois sur un principe acquis en droit des contrats, selon lequel le silence vaut par exception acceptation lorsque l’offre est adressée dans l’intérêt exclusif de son bénéficiaire. Les juges reconnaissent ainsi depuis longtemps l’existence d’un véritable contrat liant l’assisté et l’assistant, même en l’absence de consentement exprimé en ce sens par ceux s’étant, en fait, spontanément unis, sans intention véritable de contracter (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, 2e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 103, n° 88). D’ailleurs, en l’espèce, si le rattachement à la figure contractuelle pouvait paraître artificiel, il n’était pas discuté.
Quoique fictif, le recours au contrat est d’autant plus abouti que la convention d’assistance bénévole emporte pour l’assisté́ une obligation de sécurité de résultat, l’obligeant à réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel, ou bien même par un tiers (Civ. 1re, 17 déc. 1996, n° 94-21.838), sans qu’il soit donc nécessaire de démontrer une faute de sa part (v. not. Civ. 1re, 15 oct. 2014, n° 13-20.875 ; 11 mai 2017, n° 14-24.675). Cette sévérité accrue serait justifiée par l’équité à l’origine même de cette création prétorienne qu’est la convention d’assistance bénévole, l’assistant méritant, dans le cadre de son acte altruiste, une large protection : « La découverte d’une convention d’assistance n’a d’intérêt que si l’on met à la charge de l’assisté une obligation de résultat ; et quoique la Haute juridiction n’emploie pas ces termes, c’est bien de cela qu’il s’agit. [...] » (P. Jourdain, obs. ss. Civ. 1re, 16 juill. 1997, RTD civ. 1997. 431).
Moins souvent posée, la question précisément soulevée par cet arrêt portait sur l’éventuelle exonération de l’assisté en cas de faute simple de l’assistant dans l’hypothèse, moins fréquente en pratique, où le dommage est subi non par l’assistant mais par l’assisté lui-même. Sur le fondement acquis de la responsabilité contractuelle, la jurisprudence refusait initialement d’imputer à l’assistant une quelconque faute d’imprudence avant d’admettre, au contraire, que « (t)oute faute de l’assistant, quelle que soit sa gravité, décharge dans la mesure où elle a concouru à la production du dommage, l’assisté de son obligation de réparer les conséquences dudit dommage » (Civ. 2e, 30 avr. 1970, n° 68-13.754). Sans revenir sur le système de garantie consacré, il ne conviendrait pas non plus d’éluder toute responsabilité de l’assistant, lequel reste responsable de ses fautes et des choses qu’il a sous sa garde (Civ. 1re, 17 déc. 1996, n° 94-21.838). Dans cette perspective, la Cour de cassation considère que si la convention d'assistance bénévole emporte pour l'assisté l'obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel, toute faute de l'assistant, quelle que soit sa nature, peut décharger l'assisté de cette obligation, dans la mesure où elle a concouru à la réalisation du dommage (Civ. 1re, 13 janv. 1998, n° 96-11.223). Ainsi la Haute cour manifeste-t-elle sa volonté de tenir compte d’une faute même légère de l’assistant dans la production du dommage, non seulement pour exonérer partiellement l’assisté de sa responsabilité (Civ. 1re, 5 mai 2021, n° 19-20.579), mais également pour l’en exonérer, comme en témoigne la décision rapportée.
En effet, en l’espèce, seule la responsabilité de l’assistant était susceptible d’être engagée pour le dommage causé, par sa faute exclusive, à l’assisté. Il va de soi qu’à la différence de l’assisté, faire peser sur l’assistant une responsabilité sans faute en mettant à sa charge une même obligation de résultat serait contraire à la logique présidant au régime de la convention d’assistance, construit dans un but de protection et d’indemnisation de l’assistant, quand bien même ce dernier aurait agi seul, sans aucune intervention ni consigne de celui pour le compte duquel il a apporté son aide. Cela étant, si aucune obligation de résultat ne pèse sur lui et si un comportement fautif doit donc être caractérisé pour engager sa responsabilité, le faible degré de gravité de sa faute est indifférent. Tel est le rappel auquel procède la décision rapportée. Le choix inverse de la cour d’appel d’instaurer un seuil de gravité de la faute de l’assistant pour engager sa responsabilité contractuelle était probablement sous-tendu par le régime de faveur applicable au contrat d’aide bénévole, créé́ pour favoriser l’indemnisation du dommage subi par l’assistant à l’occasion d’un acte gratuit et charitable. Cependant, la Cour de cassation condamne ce raisonnement.
Conformément au droit commun de la responsabilité civile, par principe indifférent au degré de gravité de la faute, elle donne gain de cause à l’assureur qui soutenait à juste titre que toute faute, même d’imprudence, justifie d’engager la responsabilité́ exclusive de l’assistant, dès lors que cette faute est la cause exclusive du dommage causé à l’assisté́. Réaffirmant ainsi sa position, la Cour de cassation confirme sa volonté d’assouplir le régime conventionnel qu’elle a créé, ce que la doctrine appelait autrement de ses vœux, notamment par le recours aux règles quasi-contractuelles (sur ce point, v. R. Bout, « La convention dite "d’assistance" », Études P. Kayser, t. I, PUAM, 1971, n° 11). Le but recherché est en tout cas escompté : l’allégement des conditions de la responsabilité de l’assisté, en l’espèce exonéré de la garantie d’assurer lui-même la sécurité des lieux endommagés, et la possibilité d’engager la responsabilité de l’assistant, sur le fondement contractuel, dès lors que le dommage a été, par sa faute exclusive, causé à l’assisté.
Références :
■ Civ. 1re, 27 mai 1959 : D. 1959, p. 524, note R. Savatier ; JCP 1959, II, 11187, obs. P. Esmein ; RTD civ. 1959, p.735, obs. Mazeaud
■ Civ. 1re, 17 déc. 1996, n° 94-21.838 P : D. 1997. 288, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1997. 431, obs. P. Jourdain
■ Civ. 1re, 15 oct. 2014, n° 13-20.875 :
■ Civ. 1re, 11 mai 2017, n° 14-24.675 :
■ Civ. 2e, 30 avr. 1970, n° 68-13.754 P :
■ Civ. 1re, 17 déc. 1996, n° 94-21.838 P : D. 1997. 288, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1997. 431, obs. P. Jourdain
■ Civ. 1re, 13 janv. 1998, n° 96-11.223 :P : D. 1998. 580, note M. Viala
■ Civ. 1re , 5 mai 2021, n° 19-20.579 : D. 2021. 1803, note D. Galbois-Lehalle ; ibid. 2022. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RTD civ. 2021. 653, obs. P. Jourdain
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