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[ 20 janvier 2011 ] Imprimer

Droit des obligations

Convention de compte courant professionnel : inapplicabilité du Code de la consommation, application des règles du Code civil

Mots-clefs : Mots clés : Contrat, Prêt, Emprunteur averti, Devoir de mise en garde, Code de la consommation, Professionnel, Convention de compte courant

Si la convention de compte courant ne tombe pas sous le coup des dispositions du Code de la consommation, elle reste soumise aux articles du Code civil relatifs au devoir de mise en garde du banquier.

Si la convention de compte courant ne tombe pas sous le coup des dispositions du Code de la consommation, elle reste soumise aux articles du Code civil relatifs au devoir de mise en garde du banquier.

Une personne avait passé une convention de compte courant auprès d’une banque, dans le cadre de son activité professionnelle. Le solde du compte s’étant révélé chroniquement débiteur, la banque avait assigné le titulaire du compte en paiement des sommes correspondantes. Ce dernier avait répliqué en s’abritant derrière les dispositions du Code de la consommation relatives aux crédits à la consommation. Elle invoquait devant le juge l’absence de stipulations expresse dans le contrat prévoyant la destination professionnelle du compte.

En effet, l’article L. 311-3 du Code de la consommation exclut de son champ d’application les prêts destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle. Toutefois, les cocontractants doivent prévoir expressément le caractère professionnel dudit crédit. Ce problème de la destination contractuelle de l’activité de l’emprunteur a été l’objet de revirements de la part de la Cour de cassation. Elle avait dernièrement considéré que « la destination professionnelle d'un crédit ne peut résulter que d'une stipulation expresse » (Civ. 1re, 27 mai 2003).

En appel, les juges du fond avaient donné raison à la banque, en se fondant sur un faisceau d’indices qui traduisaient la volonté des deux parties de donner un caractère professionnel à la convention de compte courant litigieuse : revendication par la cliente de sa qualité de commerçante, apposition sur le contrat du nom de sa société, caractère complexe de l’opération couramment utilisée par les professionnels, etc.

Toutefois, la Cour de cassation, en ne censurant pas cette interprétation, ne procède pas pour autant à un revirement de sa jurisprudence concernant la destination professionnelle des crédits. Elle énonce que « les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle, ce dernier eût-il fonctionné à découvert ». Par cet attendu, elle se positionne donc du point de vue de la nature du contrat conclu entre la banque et sa cliente, qui en tant que compte courant, ne représente pas un crédit déguisé et n’est donc pas soumis au Code de la consommation.

Cependant, dans un second moyen rendu au visa de l’article 1147 du Code civil, la première Chambre civile casse l’arrêt d’appel, pour n’avoir pas recherché si le titulaire du compte avait la qualité d’emprunteur non averti, et, dans l’affirmative, si la banque avait satisfait à son devoir de mise en garde. Il s’agit là d’une application classique de sa jurisprudence relative aux obligations des établissements bancaires dans leurs relations avec leurs clients, professionnels ou particuliers.

En effet, la Cour de cassation a dégagé sur le fondement de l’article 1147 un devoir de mise en garde du banquier à l’égard des clients non avertis (Civ. 1re, 12 juill. 2005). Toutefois, ce devoir de mise en garde est proportionnel à la compétence du client, c'est-à-dire à sa connaissance et à sa compréhension des mécanismes bancaires souscrits. Les juges du fond ont donc l’obligation de vérifier que « le client, professionnel ou non-professionnel, pouvait être considéré ou non comme averti » (Civ. 1re, 27 juin 2006).

En l’espèce, les juges du droit reprochent aux juges du fond de n’avoir pas recherché si le client de la banque « avait la qualité d’emprunteur non averti et, dans l’affirmative, si conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard, la banque justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard de ses capacités financières et des risques de l’endettement nés du découvert litigieux ».

Cet arrêt illustre bien « la course-poursuite qui se déroule entre le droit des obligations et le droit de la consommation : chacun prétendant remédier aux insuffisances de l'autre, notre droit devient toujours plus complexe et plus inintelligible à ceux qu'il est censé protéger » (v. Lequette Y., Terré F. et Simler P.).

Civ. 1re, 6 janv. 2011, n° 09-70.651

Références

■ Crédit à la consommation

« Crédit destiné à financer les besoins personnels ou familiaux du consommateur, à l’exclusion des prêts passés en la forme authentique, de ceux d’une durée inférieure ou égale à trois mois et de ceux qui portent sur des immeubles. Un régime très protecteur lui est applicable, notamment par la nécessité d’une information préalable du consommateur qui doit recevoir une offre de crédit détaillée et par l’octroi d’une faculté de rétractation pendant sept jours à compter de l’acceptation de l’offre. »

■ Obligation de renseignement

« Obligation, découverte par la jurisprudence dans certains contrats sur le fondement de l'exigence de bonne foi ou de l'interprétation en faveur du débiteur, en vertu de laquelle la partie dominante, supposée la plus compétente, est tenue de fournir à son partenaire non initié toutes indications utiles relatives à l'objet du contrat. »

■ Obligation de conseil

« Obligation pesant sur le contractant professionnel d'éclairer le client non initié sur l'opportunité de passer la convention, de s'abstenir ou de faire tel autre choix. Le garagiste, par exemple, doit suggérer un échange standard et non effectuer d'autorité des réparations coûteuses excédant la valeur du véhicule. En jurisprudence, l'obligation de conseil est très rarement distinguée de l'obligation d'information (ou devoir de renseignement), laquelle, exclusive de tout avis, consiste à instruire le partenaire, objectivement et complètement, sur l'objet du contrat, afin qu'il puisse décider en connaissance de cause. »

■ Obligation de mise en garde

« Devoir pesant sur le banquier d’indiquer à l’emprunteur non averti (ou à la caution non avertie) le caractère excessif du crédit consenti (ou de la garantie sollicitée) par rapport aux capacités financières de celui-ci (ou de celle-ci). Le préjudice né du manquement à l’obligation de mise en garde s’analyse en la perte d’une chance de ne pas contracter. »

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article L. 311-3 du Code de la consommation

« Sont exclus du champ d'application du présent chapitre :

1° Les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique sauf s'il s'agit de crédits hypothécaires ;

2° Ceux qui sont consentis pour une durée totale inférieure ou égale à trois mois, ainsi que ceux dont le montant est supérieur à une somme qui sera fixée par décret ;

3° Ceux qui sont destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle, ainsi que les prêts aux personnes morales de droit public ;

[…]

Les dispositions du présent article n'ont pas pour effet d'exclure les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique et les prêts, contrats et opérations de crédit d'un montant excédant le seuil fixé en application du présent article du champ d'application de l'article L. 311-5. »

■ Article 1147 du Code civil

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Civ. 1re, 27 mai 2003, JCP 2004. II. 10050, note Bonnet ; CCC 2003, no 170, obs. Raymond ; Banque et Droit sept.-oct. 2003. 74, obs. Bonneau ; RJDA 2003, no 1232 ; Procédures 2003, no 259, obs. Croze.

Civ. 1re, 12 juill. 2005, Bull. civ. I, n° 327 ; R., p. 335 ; D. 2005. Jur. 3094, note Parance ; ibid. AJ 2276, obs. Delpech (2e esp.) ; JCP 2005. II. 10140, note Gourio ; JCP E 2005. 1359, note D. Legeais.

Civ. 1re, 27 juin 2006, Bull. civ. I, no 331 ; D. 2006. AJ 1887, obs. Delpech ; RDC 2007. 300, obs. Viney ; RTD com. 2006. 890, obs. D. Legeais.

Lequette Y., Terré F. et Simler P., Droit civil. Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, p. 262.

 

Auteur :B. H.

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