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Convention de trésorerie : un fondement juridique insuffisant à la transmission d’une obligation de paiement
Une convention de trésorerie qui laisse les sociétés signataires indépendantes et autonomes dans la direction et la gestion de leurs responsabilités et de leurs obligations ne peut constituer le fondement juridique de la transmission d'une obligation de paiement entre ces sociétés.
Com. 12 mars 2025, n° 23-23.961
Une société débitrice d'une créance détenue par l'un de ses associés au titre d'un compte courant d'associé avait autorisé sa filiale à payer la somme due à cet associé, sur le fondement d'une convention centralisée de trésorerie. À cette fin, la filiale avait émis plusieurs chèques. Or trois d’entre eux étaient revenus impayés. Les deux sociétés avaient ensuite été placées en liquidation judiciaire. La créance avait alors été déclarée par son créancier à l'encontre des deux sociétés - la société mère, débitrice originelle, et sa filiale - aux organes de la liquidation judiciaire, sur le fondement de la convention de trésorerie conclue entre ces sociétés. La cour d’appel rejeta la demande d’admission de sa créance au motif que l'existence d'une convention de trésorerie ne pouvait constituer le fondement juridique d'une transmission d'une obligation de paiement entre les deux sociétés, en raison de l’indépendance et de l’autonomie dans la direction et la gestion respectives de leurs responsabilités et obligations, qui résultaient des termes mêmes de la convention. Devant la Cour de cassation, l’associé rappelait le principe de validité de la convention de trésorerie, la loi autorisant toute société, par exception au monopole bancaire, à procéder des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres (CMF, art. L. 511-7) ; il invoquait à son profit l’efficacité de ce moyen de financement intra-groupe, excipant de l’unité économique en l’espèce constituée par la convention litigieuse, inférée notamment de l’identité de président des deux sociétés, pour remettre en cause l’indépendance et l’autonomie de leurs relations à tort retenues par les juges du fond. Selon le demandeur au pourvoi, la filiale ayant reçu mandat de la débitrice initiale de gérer la trésorerie du groupe avait ainsi été autorisée à rembourser les comptes courants de divers associés, dont le sien, en sorte que la créance qu’il détenait auprès de la société mère avait valablement pu être transmise à sa filiale : il pouvait donc en obtenir le paiement. La chambre commerciale devait alors répondre à la question de savoir si la convention de trésorerie pouvait valablement fonder la transmission d’une obligation de paiement entre les deux sociétés à l’égard de l’associé. Elle y répond par la négative : la seule existence d'une convention de trésorerie ne suffit pas à transférer la dette de la société mère à sa filiale. Après avoir rappelé l’objet de cette convention bien connue du droit des sociétés, par laquelle une société met des fonds à la disposition d’une autre société du même groupe pour gérer ses besoins de trésorerie, elle en restreint immédiatement les effets : cette convention n’a pour effet de modifier les obligations préexistantes des parties qui consentent simplement, par la conclusion de ce contrat « organisationnel », à mutualiser les ressources et à optimiser les flux financiers internes au groupe. Il en résulte que si la convention de trésorerie constitue un outil économique permettant d’organiser la circulation des liquidités entre plusieurs sociétés, elle ne constitue pas, en revanche, un fondement juridique suffisant à la transmission d’une obligation de paiement. C’est dire que cette convention de droit spécial ne peut être assimilée, dans ses effets, aux techniques issues du régime général de l’obligation que sont la cession de dette, opérant le transfert d’une dette à un tiers cessionnaire à la condition d’obtenir l’accord du créancier (C. civ., art. 1327), et la novation (C. civ., art. 1329), qui substitue une obligation nouvelle à une obligation préexistante par le biais d’un changement de débiteur. Cette absence d’assimilation explique qu’au cas d’espèce, il ne puisse s’évincer de la seule conclusion de la convention de trésorerie la transmission d’un rapport d’obligation entre les deux sociétés signataires. La Cour réserve toutefois l’hypothèse d’une clause contraire expressément stipulée dans la convention (pt 9) ou dans un acte séparé (pt 10). En l'occurrence, la convention stipulait au contraire que les parties resteraient indépendantes et continueraient d'assumer de façon autonome la direction et la gestion de leurs responsabilités et obligations respectives ; par ailleurs, aucun autre élément de preuve ne permettait de caractériser la transmission de l'obligation de paiement entre la débitrice originelle et la filiale (par ex, un avenant à la convention stipulant une cession de dette). Partant, la dette litigieuse n’avait pu, en tout état de cause, être valablement transférée de la société débitrice à sa filiale.
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