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Droit de la responsabilité civile
Conventions réglementées et fautes de gestion : les deux régimes de responsabilité du gérant de société sont cumulatifs
La possibilité de rendre le gérant responsable des conséquences préjudiciables à la société des conventions réglementées non approuvées n'est pas exclusive de l’engagement de sa responsabilité pour faute de gestion, que ces conventions aient ou non été approuvées. La cour d'appel a ainsi fait une exacte application des dispositions relatives à la responsabilité du gérant en cas de faute de gestion pour statuer sur la demande d'indemnisation du préjudice résultant d'une cession de parts sociales réalisées dans des conditions anormales.
Com. 18 déc. 2024, n° 22-21.487
La possibilité, prévue à l'article L. 223-19, alinéa 4, du Code de commerce, de mettre à la charge du gérant les conséquences préjudiciables à la société des conventions réglementées non approuvées n'est pas exclusive de la mise en jeu de sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 223-22 du même code, que ces conventions aient ou non été approuvées. Tel est l’enseignement délivré par la Cour de cassation dans l’arrêt sélectionné, l’ayant conduit à admettre le cumul de ces deux fondements distincts de responsabilité du gérant de société, et ce même en cas d’approbation des assemblées générales. Cumulative, la responsabilité du gérant s’appuie, d’une part, sur la responsabilité spéciale liée aux conventions réglementées : le gérant peut être tenu responsable des conséquences préjudiciables des conventions, même approuvées, qu'il a conclues avec la société ; il relève, d’autre part, des règles générales relatives à la responsabilité pour faute de gestion du gérant : le gérant peut, à ce titre, engager sa responsabilité en raison de toute faute de gestion commise au préjudice de la société. Au cas d’espèce était en cause la régularité de diverses conventions réglementées conclues par le gérant d'une société, principalement d’une cession de part sociales qui, tout en ayant été approuvée par les AGO, avait été conclue à des conditions financières défavorables à la société qu’il dirigeait. En raison de la faute ainsi commise dans sa gestion, le gérant fut condamné en appel à indemniser la société du préjudice résultant pour elle de cette cession de parts. Le moyen du pourvoi postulait que les juges du fond avaient ainsi violé les dispositions spéciales relatives aux conventions réglementées en ayant fait application des règles générales relatives à la responsabilité pour faute de gestion du gérant, quand le litige concernait une convention réglementée soumise à un régime spécifique d’application exclusive. Admettant au contraire le cumul de ces deux fondements de responsabilité, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle la règle selon laquelle « (l)es conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société » (C. com., art. L.223-19, al. 4), avant de préciser que cette possibilité de mettre à la charge du gérant les effets préjudiciables à la société des conventions réglementées non approuvées n'empêche pas de mettre en œuvre sa responsabilité sur le fondement distinct de l’article L. 223-22 du Code de commerce, dans le cas de l’espèce où le gérant a commis une faute de gestion. Autrement dit, la responsabilité du gérant peut être engagée indépendamment d'une violation des règles relatives aux conventions réglementées.
Il s'ensuit que la cour d'appel ayant, à bon droit, fait application des dispositions tirées de l'article L. 223-22 du Code de commerce pour statuer sur la demande d’indemnisation du préjudice subi par la société en conséquence de la cession litigieuse, il n'y avait pas lieu d'invoquer une violation des dispositions relatives aux conventions réglementées.
Dont acte : le cumul des deux régimes de responsabilité est admis. La possibilité d’engager la responsabilité du gérant au titre des conventions réglementées n'exclut pas celle de la mettre en œuvre au titre de la faute de gestion.
Infirmant la thèse du pourvoi qui soutenait que le gérant ne supporterait les effets préjudiciables de la convention réglementée qu’en l’absence d’approbation de cette convention, l’arrêt précise également que l'approbation des assemblées générales n'exonère pas le gérant de sa responsabilité. Ainsi, en l’espèce, bien que les conventions litigieuses eussent été approuvées par les assemblées générales, le gérant restait responsable de la faute commise dans sa gestion.
À noter enfin que dans le prolongement de sa décision rendue le 11 décembre 2024 relative au refus du juge d’évaluer le montant d’une indemnité d’occupation due au titre d’un contrat de location financière, sanctionné sur le fondement de l’article 4 du Code prohibant le déni de justice (Com. 11 déc. 2024, n° 23-10.028), la chambre commerciale censure une nouvelle fois les juges du fond pour avoir manqué à leur obligation de juger en refusant d’évaluer le préjudice subi par la société en relation avec la faute de gestion de son gérant, motif pris de l’insuffisance des preuves fournies par les parties. La Cour vise de nouveau l’article 4 pour sanctionner la cour d’appel d’avoir ainsi refusé d’exercer l’office qui lui incombait d’évaluer un préjudice pourtant certain dans son principe, alors qu’elle devait, nonobstant la carence probatoire des parties, procéder elle-même à son évaluation, au besoin en ordonnant un complément d’expertise.
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