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Procédure pénale
Cour d'assises : obligation de statuer sur l'irrégularité alléguée de la déposition d'un témoin
Mots-clefs : Cour d'assises, Audience, Témoin, Déposition (régularité, non)
La cour d'assises, saisie de conclusions de la défense dénonçant l'irrégularité d'un témoignage, ne peut se borner à donner acte d'un incident sans se prononcer sur la réalité des faits allégués.
Par un arrêt du 30 juin 2010, la chambre criminelle censure l'arrêt de la cour d'assises de Paris, spécialement composée, qui avait condamné l'assassin présumé du préfet Érignac à la réclusion criminelle à perpétuité. Elle accueille favorablement le moyen présenté par la défense, qui invoquait, sur le fondement des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 315, 331 et 332 du Code de procédure pénale, l'irrégularité de la déposition d'un expert à l'audience ; il était reproché à la cour d'assises d'avoir, par deux fois, refusé de donner acte à la défense de ce que le témoin avait été interrompu avant d'avoir pu déposer.
La Cour statue au visa des articles 315 et 593 du Code de procédure pénale, rappelant que, selon le premier de ces textes, « L'accusé, la partie civile et leurs avocats peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la cour est tenue de statuer », et que, selon le second, « Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ». Elle relève qu'au lendemain de l'audition du témoin, l'accusé a demandé, par conclusions séparées, qu'il lui soit donné acte de la violation des dispositions de l'article 332 du Code de procédure pénale, en soutenant que l'intéressé avait été interrogé par l'accusation sur ses titres et références avant d'avoir spontanément déposé.
Constatant que la cour d'assises s'était, par arrêt incident du même jour, déclarée incompétente pour statuer sur cette demande aux motifs qu'elle tendait à faire constater la violation d'une obligation légale, elle estime au contraire que celle-ci aurait dû « répondre aux conclusions déposées par l'accusé qui contenaient l'allégation de faits sur la réalité desquels il y avait lieu de se prononcer, et non de la seule violation d'obligations légales ». En conséquence, l'arrêt de condamnation (et celui qui a prononcé sur les intérêts civils) est cassé et annulé dans toutes ses dispositions, la cause et les parties renvoyées devant la cour d'assises de Paris, spécialement composée, pour un nouveau procès.
Si de simples « protestations », qui ne précisent pas quelle décision il est demandé aux juges de prendre, dispensent bien la cour d'assises de son obligation de statuer prévue par l'article 315 du Code de procédure pénale (Crim. 1er juin 1987), encourt, en revanche, la censure, l'arrêt de condamnation rendu par une cour d'assises ayant décidé de passer outre l'absence d'un témoin cité et dénoncé, sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions de la défense (Crim. 6 mars 1991) ; la cour ne peut alors se borner à donner acte d'un incident sans se prononcer sur la réalité des faits allégués (Crim. 24 juin 1998).
Crim. 30 juin 2010, n° 09-82.582, FS-D
Références
■ Cour d’assises
« Juridiction répressive compétente, en premier ressort ou en appel, pour juger les crimes. À raison d’une cour d’assises par département, elle est composée de deux catégories de membres délibérant ensemble : d’une part, trois magistrats professionnels qui forment la cour, d’autre part, des jurés de jugement non professionnels qui forment le jury, au nombre de neuf lorsque la cour d’assises statue en premier ressort et de douze lorsqu’elle statue en appel, tous étant désignés par tirages au sort à partir des listes électorales.
Il existe une formation spéciale de la cour d’assises dans le ressort de chaque cour d’appel, chargée de juger les crimes militaires, les crimes de droit commun commis dans l’exécution de leur service par les militaires lorsqu’il y a un risque de divulgation d’un secret de la défense nationale, certains crimes contre les intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, et, depuis la réforme du Code pénal, les crimes en matière de trafics de stupéfiants. Elle est composée d’un président, et de six ou huit assesseurs, selon qu’elle statue en premier ressort ou en appel, tous magistrats professionnels, ce qui en fait une cour d’assises sans jurés. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010
■ Code de procédure pénale
Article 315
« L'accusé, la partie civile et leurs avocats peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la cour est tenue de statuer. »
Article 331
« Les témoins déposent séparément l'un de l'autre, dans l'ordre établi par le président.
Les témoins doivent, sur la demande du président, faire connaître leurs nom, prénoms, âge, profession, leur domicile ou résidence, s'ils connaissaient l'accusé avant le fait mentionné dans l'arrêt de renvoi, s'ils sont parents ou alliés, soit de l'accusé, soit de la partie civile, et à quel degré. Le président leur demande encore s'ils ne sont pas attachés au service de l'un ou de l'autre.
Avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent le serment «de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité. Cela fait, les témoins déposent oralement. Le président peut autoriser les témoins à s'aider de documents au cours de leur audition.
Sous réserve des dispositions de l'article 309, les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition.
Les témoins déposent uniquement, soit sur les faits reprochés à l'accusé, soit sur sa personnalité et sur sa moralité. »
Article 332
« Après chaque déposition, le président peut poser des questions aux témoins.
Le ministère public, ainsi que les conseils de l'accusé et de la partie civile, l'accusé et la partie civile ont la même faculté, dans les conditions déterminées à l'article 312. »
Article 593
« Les arrêts de la chambre de l'instruction ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.
Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. »
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme – Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »
■ Crim. 1er juin 1987, Bull. crim. n° 153.
■ Crim. 6 mars 1991, Bull. crim. n° 115 ; D. 1992. Somm. 96, obs. Pradel.
■ Crim. 24 juin 1998, Bull. crim. n° 205 ; Dr. pénal 1999. Comm. 11 et 13, obs. Maron ; JCP 1999. I. 112, chron. Maron.
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