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Droit des obligations
Covid-19 : le Gouvernement « en guerre » contre les effets économiques délétères de la force majeure en matière contractuelle
Parmi les diverses ordonnances prises par le Gouvernement pour faire face à l’épidémie du covid-19, celle relative au droit des contrats apporte des dérogations notables au régime de la force majeure pour en limiter les méfaits économiques.
Par l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, le Gouvernement a été habilité à réglementer, par ordonnance, « l’activité économique » des personnes morales et morales afin d’en prévenir et d’en limiter la cessation résultant de la crise sanitaire et, dans cette perspective, à « modifier les obligations contractuelles » dont sont tenues les personnes morales et les associations à l’égard de leurs clients et fournisseurs, sous la seule réserve de respecter les droits réciproques de chaque contractant. Autrement dit, pour limiter l’impact économique de la crise sanitaire, le Gouvernement s’est arrogé un droit exceptionnel et dérogatoire d’immixtion dans le contenu du contrat. C’est dans ce contexte et dans cet objectif que l’ordonnance du 25 mars 2020 (Ord. n° 2020-315 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure), prise à l’effet principal de venir en aide aux opérateurs du secteur du tourisme, prévoit diverses mesures relatives aux conditions financières de résolution d’un certain nombre de contrats de voyages et de séjours touristiques en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure.
Période déterminée : Contrats résolus entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020 inclus.
Contrats concernés :
1. Contrats de ventes de voyages et de séjours vendus par un organisateur ou un détaillant ;
2. Contrats de fourniture d’un des services de voyages vendus par des personnes physiques ou morales produisant elles-mêmes ces services ; ainsi :
a. l'hébergement qui ne fait pas partie intégrante du transport de passagers et qui n'a pas un objectif résidentiel
b. tout autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d'un service de voyage au sens du transport de passagers, de la location de voitures particulières et du service susmentionné.
3. Contrats de fourniture d’un des services de voyages vendus par des associations produisant elles-mêmes ces services :
a. l’hébergement qui ne fait pas partie intégrante du transport de passagers et qui n'a pas un objectif résidentiel ;
b. la location de voitures particulières;
c. tout autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d'un service de voyage au sens du transport de passagers et des deux autres services susmentionnés ;
Dispositions visées :
1. Une disposition de droit spécial : art. L. 211-14 du Code du tourisme
Ce texte dispose que « le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination ». Dans un tel cas de force majeure, il obtiendra le « remboursement intégral des paiements effectués », mais sans dédommagement supplémentaire.
Dans le même sens, si l’organisateur cette fois, ou le détaillant, est « empêché d'exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables », il peut notifier la résolution du contrat au voyageur avant le début du voyage ou du séjour, à charge de rembourser « intégralement le voyageur des paiements effectués », sans avoir à l’indemniser.
= ce texte fait une application spéciale et radicale de la notion de force majeure qui n’est pas définie, comme elle l’est en droit commun, comme un événement imprévisible et irrésistible échappant pour cette raison au contrôle du débiteur, mais une « circonstance exceptionnelle et inévitable », autrement dit une situation inédite et insurmontable dont les conséquences, indépendamment de l’imprévisibilité de l’événement auquel le texte ne fait d’ailleurs pas référence, n'auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises » (Dir. 25 nov. 2015, art. 3, dont le texte est issu).
2. Trois dispositions de droit commun : 1229, al. 3, 1218, al. 2 et 1351 du Code civil
Le premier texte réglemente les restitutions résultant de la résolution d’un contrat à laquelle un cas de force majeure doit, en vertu de la combinaison des textes suivants, conduire si l’empêchement rend impossible au débiteur, et de manière définitive, l’exécution de sa prestation.
= En droit commun, si l’impossibilité d’exécuter le contrat pour cause de force majeure est définitive, le contrat est résolu de plein droit en sorte que les parties doivent procéder à des restitutions réciproques, c’est-à-dire restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Cette conséquence inhérente à la résolution contractuelle, a pour but de remettre les parties dans la situation qui aurait été la leur avant la conclusion du contrat.
Dérogations apportées :
Principe : droit de substituer un avoir à l’obligation de remboursement intégral des paiements effectués.
Par dérogation aux textes de droit spécial et de droit commun pré exposés, les personnes physiques ou morales, et notamment l'organisateur ou le détaillant, ont la possibilité d’imposer à leur client, à la place du remboursement de l'intégralité des paiements effectués, un avoir qui viendra en déduction du prix d’un futur contrat.
L’objectif est de dispenser les opérateurs financièrement fragilisés de leur obligation de remboursement subséquente à la résolution des contrats que l’ensemble des voyageurs aurait été en droit, et très certainement avec succès, d’obtenir : la fermeture des frontières et la restriction des déplacements causées par une pandémie qui, par sa nature comme par son ampleur, revêt un caractère exceptionnel et inévitable, la conjonction de ces circonstances ne pouvait que conférer à celles-ci le qualificatif d’un cas de force majeure.
Régime :
- Montant de l’avoir proposé : égal à celui de l'intégralité des paiements effectués au titre du contrat résolu.
- Conditions de forme : information du client sur un support durable au plus tard trente jours après la résolution du contrat, ou, si le contrat a été résolu avant la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance, au plus tard, trente jours après cette date d'entrée en vigueur. L’information doit préciser le montant de l'avoir, ainsi que le délai de son utilisation et la durée de sa validité.
- Conditions de fond : obligation de proposer une prestation de remplacement, sur la base d’un nouveau contrat dont dépend la validité de l’avoir, dans un délai maximal de trois mois à compter de la notification de la résolution et valable pendant une durée de dix-huit mois. Trois conditions à la validité de la prestation offerte :
* être identique ou équivalente à la prestation prévue par le contrat résolu ;
* stipuler un prix n’excédant pas celui de la prestation prévue par ce contrat résolu ; un prix supérieur à celui du contrat résolu n’est possible qu’à la demande du client et ne peut être acquitté qu’en déduction de l’avoir ;
* ne donner lieu à aucune majoration tarifaire autre que celle que le contrat résolu, le cas échéant, prévoyait.
A défaut de la conclusion d’un nouveau contrat à l’expiration du délai fixé, le client aura droit au remboursement intégral des sommes versées au titre du contrat résolu, déduction faite du montant égal au solde de l'avoir qu’il n’aura pas utilisé.
Ainsi, pour permettre aux agences et autres organisateurs de voyages de conserver les fonds déjà versés par leurs clients, l’ordonnance déroge au nom de la force majeure à l’obligation de remboursement consécutive aux restitutions inhérentes à la résolution, en conférant aux professionnels du tourisme le droit d’imposer un avoir en lieu et place du remboursement des sommes versées et, face au refus éventuel du client de conclure un nouveau contrat, de différer le remboursement dans un délai maximal de 21 mois à compter de la résolution.
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