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Droit de la concurrence
Covoiturage et concurrence déloyale
Mots-clefs : Transport, Covoiturage, Concurrence déloyale, Parasitisme commercial
Exercé à titre non lucratif, le covoiturage n’est pas constitutif de concurrence déloyale.
Souvent loué pour son aspect pratique et écologique, le covoiturage peut également être observé sous l’angle juridique. Si cette pratique n’est pas encore réglementée, elle est néanmoins susceptible d’entrer dans le champ juridique. C’est ce que révèle l’arrêt rapporté, en mettant la pratique du covoiturage en perspective avec l’interdiction de la concurrence déloyale.
En l’espèce, une société de transport avait conclu avec une société de nettoyage une convention-cadre régissant les modalités de transport des salariés de cette dernière société. Alors que pour se rendre de leurs lieux de résidence à leur travail, ces salariés empruntaient les moyens de transport mis à disposition par la première société, la seconde les avait ensuite encouragés à pratiquer le covoiturage. L’entreprise de transport imputait ainsi la baisse soudaine de son activité à la société cocontractante. Le transporteur intenta alors une action en concurrence déloyale à la fois contre la société de nettoyage et contre les salariés de celle-ci, à l’effet d’obtenir tant la cessation forcée de la pratique du covoiturage que le versement de dommages-intérêts. En appel, la cour avait rejeté ses demandes estimant, d’une part, que les salariés ne faisaient pas concurrence au transporteur puisqu’ils avaient seulement organisé entre eux un système de covoiturage gratuit et bénévole, et d’autre part, que la société employant ces salariés ne pouvait davantage se voir reprocher un acte de concurrence illicite dès lors que les passagers qu’elle transportait n’auraient de toute façon pu bénéficier de la convention-cadre et que la société appelante n’avait pu établir le préjudice que cette activité prétendument illégale lui aurait causé. Dans ces conditions, la société de transport forma un pourvoi en cassation. Il fut rejeté par la Cour de cassation dont la motivation, inédite en cette matière, appelle plusieurs observations.
Pour confirmer la décision des juges du fond, la Cour de cassation relève que ces derniers ont constaté que les salariés transportés indemnisaient leur conducteur attitré pour les frais d’essence, ou encore qu’ils effectuaient un relais par l’utilisation, alternative, de leurs véhicules respectifs, sans supporter le coût des trajets, réalisés gratuitement. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle pu en déduire, à la suite des juges du fond, que les salariés en cause étaient transportés à titre bénévole. A contrario, une telle affirmation laisse entendre que si les conducteurs qui transportent leurs collègues avaient été rétribués au-delà des dépenses normales auxquelles expose un trajet en voiture, ils se seraient comportés comme des transporteurs publics et non plus en qualité de transporteurs « pour compte propre », comme l’ont expressément souligné les juges du fond. En définitive, le covoiturage ne serait contraire à l’exigence de loyauté concurrentielle qu’à condition d’être exercé à titre lucratif. Dans ce cas, le covoiturage serait, en effet, illicite dès lors que les conducteurs effectueraient une activité de transports détournant indûment la clientèle des transporteurs de personnes agréés et ce, sans être soumis aux contraintes qui pèsent normalement sur eux (obtention d’une licence, souscription d’une assurance, etc.). Pratiqué dans ces conditions, le covoiturage pourrait alors relever du parasitisme commercial, dont il constituerait une forme nouvelle, l’illicéité du « paracommercialisme » étant, pour l’heure, généralement sanctionnée dans les réseaux de distribution lorsque le revendeur commercialise, en parallèle, des produits « sans être soumis aux contraintes habituelles des distributeurs agréés » (Com. 27 oct. 1992).
Condamnant le détournement déloyal de la clientèle d’une entreprise par le développement d’une activité commerciale parallèle, libre des contraintes en principe imposées, la concurrence parasitaire pourrait ainsi trouver un nouveau terrain d’élection avec la pratique du covoiturage même si, en l’espèce, l’illicéité de la pratique n’a pu être constatée.
Com. 12 mars 2013, n°11-21.908
Référence
■ Com. 27 oct. 1992, n°90-15.831.
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