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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Crèche Baby-Loup : absence de restriction à la liberté religieuse
Mots-clefs : Foulard islamique, Voile, Licenciement, Laïcité, Liberté religieuse, Organisme de droit privé, Discrimination, Règlement intérieur, Obligation de neutralité, Arrêt de renvoi
L’arrêt de renvoi de la cour d’appel de Paris du 27 novembre 2013 décide de la légalité du licenciement d’une salariée de la crèche Baby-Loup contrairement à la Cour de cassation qui avait annulé ce licenciement. En ce sens, la cour d’appel de Paris confirme le jugement du conseil des prud’hommes de Mantes-la-Jolie.
À l’origine de l’affaire, une éducatrice de jeunes enfants de la crèche privée associative Baby-Loup, était revenue voilée à la suite d’un congé parental. Elle a alors été licenciée pour faute grave pour avoir refusé de retirer son foulard islamique pendant les heures de travail et avoir eu un comportement inapproprié après sa mise à pied. S’estimant victime d’une discrimination au regard de ses convictions religieuses, elle a saisi le conseil des prud’hommes (CPH) de Mantes-la-Jolie afin de demander la nullité du licenciement. Le CPH, comme par la suite la cour d’appel de Versailles, ont rejeté sa demande.
Toutefois, la chambre sociale de la Cour de cassation (Soc. 19 mars 2013) avait conclu à la nullité du licenciement et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris. En effet, elle estimait que la clause du règlement intérieur de l’association Baby Loup, instaurait une restriction trop générale et imprécise selon laquelle « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche ». Cette clause ne répondait pas, selon la Cour, aux exigences de l’article L. 1321-3 du Code du travail.
Le 27 novembre 2013, la cour d’appel de Paris confirme le jugement du CPH de Mantes-la-Jolie. Elle estime qu’« une personne morale de droit privé, qui assure une mission d’intérêt général, peut, dans certaines circonstances, constituer une entreprise de conviction au sens de la Cour européenne des droits de l’homme et se doter de statuts et d’un règlement intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches … une telle obligation emporte notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion. »
Par ailleurs, eu égard à ses missions d’intérêt général (« développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé … sans distinction d’opinion politique et confessionnelle »), l’association Baby-Loup exerce des missions souvent confiées à des services publics. Cette association est également subventionnée par les collectivités territoriales.
Enfin, l’obligation de neutralité inscrite dans le règlement intérieur est suffisamment précise pour être comprise comme étant d’application limitée aux activités d’éveil et d’accompagnement des enfants à l’intérieur et à l’extérieur de la crèche. La clause litigieuse du règlement intérieur n’a donc pas, selon la cour d’appel de renvoi, la portée d’une interdiction générale car elle ne fait pas référence aux activités du personnel sans contact avec les enfants. Les restrictions prévues par le règlement sont justifiées eu égard à la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché par la crèche. Ainsi, la Cour conclut que la clause du règlement intérieur sur l’obligation de neutralité ne constitue pas une restriction à la liberté religieuse.
Le licenciement pour faute grave de l’éducatrice de jeunes enfants en raison du port du voile est donc justifié.
Paris, 27 nov. 2013, n° 13/02981
Références
■ Soc. 19 mars 2013, n° 11-28.845, Dalloz Actu Étudiant 29 mars 2013.
■ Article L. 1321-3 du Code du travail
« Le règlement intérieur ne peut contenir :
1° Des dispositions contraires aux lois et règlements ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;
2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;
3° Des dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale, en raison de leur origine, de leur sexe, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur situation de famille ou de leur grossesse, de leurs caractéristiques génétiques, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales ou mutualistes, de leurs convictions religieuses, de leur apparence physique, de leur nom de famille ou en raison de leur état de santé ou de leur handicap. »
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