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[ 2 janvier 2017 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Crèche de la nativité de la région Auvergne-Rhône-Alpes : absence de trouble à l’ordre public

Mots-clefs : Crèche de Noël, Collectivité locale, Établissement public, Bâtiment public, Urgence, référé, Laïcité, Tradition

Il n’existe pas de situation d’urgence justifiant le prononcé de la suspension immédiate de l’exécution de la décision du président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes d’installer une crèche de la nativité au sein de l’hôtel de région.

Le 9 novembre 2016, l’assemblée du Conseil d’État (n° 395122 et 395223) a précisé les conditions d’installation d’une crèche de Noël dans un établissement public. Pour mémoire : « Une crèche de Noël est une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations ». Elle est à la fois un symbole chrétien et un élément d'un décor civil et peut, à ce titre, présenter un « caractère culturel, artistique ou festif ». Il s’ensuit qu’il ne peut y avoir ni interdiction générale, ni autorisation systématique. Le Conseil d’État a ainsi proposé une grille d’analyse en distinguant « l'enceinte des bâtiments publics » des « autres emplacements publics ». Dans la première hypothèse, les crèches sont interdites, sauf si elles s'inscrivent dans un projet culturel précis ou découlent de circonstances particulières, par exemple une tradition ancienne et continue. Dans la seconde hypothèse, l'installation d'une crèche comme partie d'un décor de Noël est possible, sauf si celle-ci constitue « un acte de prosélytisme ou de revendication d'une opinion religieuse ». 

Interprétant ces principes, le président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes décida de « mettre en valeur le savoir-faire et le travail des artisans santonniers de la Drôme » installant une crèche de la nativité de 14 m2 dans le grand hall du siège du Conseil régional. 

La Ligue des droits de l’homme a alors saisi le tribunal administratif de Lyon d’une demande de suspension de l’exécution de la décision du président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes. Par une ordonnance du 17 décembre 2016, le juge des référés a conclu au rejet de cette demande.

La requérante soutenait qu’il existait une situation d’urgence en raison de l’atteinte portée aux principes de neutralité et de laïcité des services publics ; de l’impossibilité pour le tribunal de statuer au fond avant que la décision contestée ne cesse de produire ses effets et de la possibilité de troubles à l’ordre public en raison de manifestations possibles d’opposants. Par ailleurs, elle estimait notamment que la décision d’installation de la crèche était illégale en raison de la violation du principe de neutralité en l’absence d’usage local, de caractère culturel, artistique ou festif.

Le juge des référés considère que l’une des conditions cumulatives exigée par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative fait défaut en l’espèce. 

En effet, pour que la demande de référé-suspension soit acceptée, deux conditions doivent être remplies : il convient de justifier de l’urgence et de démontrer qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision. Or, dans cette affaire, la notion d’urgence n’est pas caractérisée : il n’est pas démontré qu’il existerait des circonstances particulières induisant un risque de trouble à l’ordre public provoqué par l’installation de la crèche. De plus, « la circonstance que le tribunal ne pourra pas se prononcer sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision contestée avant qu’elle ait produit tous ses effets ne saurait, à elle seule, caractériser une situation d’urgence » au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative. Enfin, « l’illégalité de la décision litigieuse, à la supposer établie, ne caractérise pas davantage, à elle seule, une situation d’urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ».

Outre le référé concernant la crèche de Noël de l’hôtel de la région Auvergne-Rhône-Alpes, la Ligue des droits de l’homme a également formé d’autres requêtes en urgence en décembre 2016 concernant les crèches des mairies de Beaucaire, de Béziers et enfin, de Paray le Monial.

Ainsi, le 21 décembre, une ordonnance du tribunal administratif de Nîmes (n° 1603877) a conclu au rejet de la demande de suspension de l’exécution de la décision par laquelle le maire de la commune de Beaucaire a installé une crèche de Noël à l’intérieur de l’hôtel de ville de la commune. En effet, « il ne résulte pas de l’instruction que cette crèche, qui est une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations, constituerait un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse ». Par ailleurs, le contexte particulier dans lequel s’insère la crèche litigieuse (existence traditionnelle et ancienne à Beaucaire, et plus largement, en Provence, de la crèche provençale appartenant à la culture régionale ; organisation depuis plus de 10 ans de l’exposition « les Santonales » ; environnement festif pendant la période de Noël, avec des décorations spécifiques dans les espaces publics de la commune dans lequel la crèche s’insère) permet de reconnaître que celle-ci a un caractère culturel et festif conforme aux exigences découlant du principe de neutralité des personnes publiques.

Concernant la crèche de l’hôtel de ville de Béziers, le juge des référés du tribunal administratif (TA Montpellier, réf., 14 déc. 2016), a rejeté la demande en considérant que la preuve de l’urgence n’était pas caractérisée. Rappelons que ce même tribunal avait statué au fond sur le même sujet, le 16 juillet 2015 (n° 1405625), en rejetant la demande d’annulation de la décision d’installer une crèche de la nativité entre le 1er décembre 2014 et le 6 janvier 2015 dans le hall d’accueil de l’hôtel de ville de Béziers. 

Enfin, le 23 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a ordonné le retrait d’une crèche de l’hôtel de ville de Paray-le-Monial. Il s’agissait en l’espèce d’une toute petite crèche, en feutrine, fabriquée par une association d’insertion pour handicapés regroupant chrétiens et musulmans de Bethléem (ville jumelée avec Paray-le-Monial) ; ironie du sort, c’est la plus petite des quatre crèches litigieuses qui doit être retirée…

Affaires à suivre… d’autres requêtes sont déjà déposées…

 

TA Lyon, réf., 17 décembre 2016, n° 1609064

Références

■ CE, ass., 9 nov. 2016, Cne de Melun, n° 395122, Dalloz Actu Étudiant, 14 nov. 2016 ; Lebon ; AJDA 2016. 2135 ; D. 2016. 2341, obs. M.-C. de Montecler ; ibid. 2456, entretien D. Maus.

■ CE, ass., 9 nov. 2016, Féd. de la libre pensée de Vendée, n° 395223, Dalloz Actu Étudiant, 14 nov. 2016 ; Lebon ; AJDA 2016. 2135 ; ibid. 2375, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 2456, entretien D. Maus.

■ TA Nîmes, réf., 21 déc. 2016, n° 1603877.

■ TA Montpellier, réf, 14 déc. 2016.

 

■ TA Montpellier, 16 juill. 2015Ligue des droits de l’homme, n° 1405625, AJDA 2015. 1446 ; AJCT 2015. 651, obs. M. Yazi-Roman.

 

Auteur :C. G.

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