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Droit de la consommation
Crédit à la consommation : limites à la sanction du formalisme informatif
En matière de crédit immobilier, la méconnaissance du formalisme informatif prévu en cas de regroupement de crédits ne peut, faute de disposition spécifique, être sanctionnée par la déchéance du droit de l’emprunteur aux intérêts conventionnels.
Par acte notarié, une banque avait consenti à un particulier un prêt d’un montant de 2 200 000 euros destiné au refinancement de plusieurs crédits destinés à financer l’acquisition et la rénovation d’un ensemble immobilier. Après avoir reçu de sa banque un commandement de payer certains intérêts et valant saisie immobilière, l’emprunteur forma une demande en déchéance du droit à ces intérêts conventionnels pour manquement de la banque à son obligation d'information en matière de regroupement de crédits. La cour d’appel refusa d’y accéder au motif que la banque avait valablement exécuté son obligation d’information et qu’en tout état de cause, la méconnaissance du formalisme informatif prévu par le code de la consommation en cas de regroupement de crédits n’étant assortie d’aucune sanction spécifique, celle de la déchéance du droit aux intérêts ne pouvait être encourue. L’emprunteur forma un pourvoi en cassation au moyen que le manquement contractuel de la banque, constitué par le retard dans l’envoi du document d'information requis et son oubli d’annexer la fiche standardisée concernant son contrat d’assurance qu’une loi, quoique postérieure à la date de conclusion du prêt, a rendu impérative, devait être sanctionné par la déchéance du droit de la banque à percevoir ses intérêts conventionnels. La première chambre civile rejette le pourvoi, au motif que selon l'article L. 312-33 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la conclusion du contrat, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, en cas de non-respect des différentes obligations visées par cet article, parmi lesquelles ne figurent pas les modalités d'information de l'emprunteur concernant le regroupement de crédits.
En matière de crédit à la consommation, les obligations d’information mises à la charge du prêteur sont immenses. Outre une fiche d’information précontractuelle remise au candidat emprunteur contenant les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres et lui permettant, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement (C. consom., art. L. 312-12 et R. 312-2), des explications doivent ensuite lui être données pour lui permettent de vérifier que le contrat de crédit proposé est effectivement adapté à ses besoins et à sa situation financière (C. consom., art. L. 312-14) ; le prêteur doit encore vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations (C. consom., art. L. 312-16), attirer son attention sur les conséquences que le crédit envisagé peut avoir sur sa situation financière, notamment en cas de défaut de paiement (C. consom., art. L. 312-14) et, de façon générale, rappeler dans tous les documents, y compris publicitaires, la mention suivante : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager » (V. L. Arcelin-Lecuyer, « La redondance informative ou le bon sens oublié », CCC 2011, étude 9 ; P. Puig, Contrats spéciaux, Dalloz, Hypercours, n°115, p.121). Plus particulièrement, en matière de crédit immobilier consenti pour financer l’acquisition et la rénovation d’immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation (C. consom., art. L. 132-2, 1°, a), c), le prêteur est tenu de fournir à l’emprunteur des informations dont la diversité et la multiplicité justifient que leur liste, que le législateur a dressée à l’article L. 312-8 du Code de la consommation, auquel renvoie l’article L. 312-33 du même code, soit ici exposée : l’offre de prêt doit 1° Mentionner l'identité des parties, et éventuellement des cautions déclarées ; 2° Préciser la nature, l'objet, les modalités du prêt, notamment celles qui sont relatives aux dates et conditions de mise à disposition des fonds ; 2° bis Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est fixe, comprendre un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts ; 2° ter Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, être accompagnée d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit (…) ; 3° Indiquer, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux (…) ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation ; 4° Enoncer, en donnant une évaluation de leur coût, les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées, qui conditionnent la conclusion du prêt ; 4° bis Mentionner que l'emprunteur peut souscrire auprès de l'assureur de son choix une assurance dans les conditions fixées à l'article L. 312-9 ; 5° Faire état des conditions requises pour un transfert éventuel du prêt à une tierce personne ; 6° Rappeler les dispositions de l'article L. 312-10. (…). Surtout, en cas de manquement à l’une de ces obligations, le prêteur pourra, outre les peines d’amendes et les interdictions d’exercice qu’il encourt, être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Exhaustive, la liste de ces obligations n’en est pas moins, en raison des sanctions prévues dans l’hypothèse de leur omission, limitative. Tel est l’enseignement de la décision rapportée. Outre le fait qu’elle revêt un caractère complémentaire aux sanctions principales encourues, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne peut être obtenue par l’emprunteur que dans les cas, déjà fort nombreux, légalement prévus, parmi lesquels ne figure pas la méconnaissance du formalisme informatif applicable au regroupement de crédits.
« La connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est que de l’information » (A. Einstein)
Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 17-20.565
Référence
■ Fiches d'orientation Dalloz: Crédit à la consommation
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