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Droit des obligations
Crédit à la consommation : nouvelles précisions sur les conditions d’appréciation de la clause de déchéance du terme
Pour les crédits à la consommation conclus après le 1er mai 2011, la clause de déchéance du terme stipulée pour un motif autre que le défaut de paiement de l’emprunteur n'est pas illicite et n’emporte donc pas déchéance du droit aux intérêts. Licite, cette clause peut en revanche être déclarée abusive, notamment si la faculté laissée au professionnel de la mettre en œuvre ne dépend pas de l’inexécution par le consommateur d’une obligation contractuelle essentielle.
Civ. 1re, 8 oct. 2025, avis n° 25-70.016
La Cour de cassation a été interrogée, dans le cadre d'une demande d'avis (COJ, art. L. 441-1 s.), sur le point de savoir si la clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation conclu à partir du 1er mai 2011, prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, est considérée comme abusive et /ou illicite. Le cas échéant, doit-elle être sanctionnée par le réputé non écrit, la déchéance du droit aux intérêts ou par le biais de ces deux sanctions, alternativement ou cumulativement ?
Après avoir rappelé qu’une clause n’est illicite que dans le cas où la loi la prohibe formellement, notamment en matière de crédit à la consommation (C. consom., art. L. 341-4), la Cour répond que depuis que ce contrat de prêt a été réformé par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, aucune disposition textuelle spéciale n’interdit d’y insérer une clause de déchéance du terme stipulée pour un motif autre que le défaut de remboursement (comp., ant. à la réforme, C. consom., anc. art. L. 311-13, concernant l’élaboration de contrats-types, et la sanction de la déchéance du droit aux intérêts encourue en cas de modification, jugée illicite, des mentions prescrites par la loi : Civ. 1re, 1er déc. 1993, n° 91-20.894 ; 25 nov. 2010, n° 09-71.02 ; 30 avr. 2014, n° 13-13.641 ; pts nos 3 et 4). S’il est vrai qu’en pratique, la clause de déchéance du terme est généralement stipulée en cas de défaut de règlement des échéances, permettant ainsi au prêteur d’exiger le remboursement immédiat de l’intégralité des sommes dues au titre du prêt avant le terme prévu, la Cour précise que pour les contrats conclus à compter du 1er mai 2011, faute de prohibition légale formelle, une clause prévoyant la déchéance du terme pour une autre cause que le non-respect des échéances de l’emprunt n'est pas en soi illicite et n’emporte donc pas déchéance du droit aux intérêts (pt n° 7).
Licite, la clause peut néanmoins être déclarée abusive par le juge si elle répond aux critères de l’abus, généralement définis en droit de la consommation comme la clause créant, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat (C. consom., art. L. 212-1). Deux critères de l’abus sont ainsi retenus par la loi : le premier réside dans l’ampleur du déséquilibre généré par la clause (le « déséquilibre significatif »), le second tient aux effets d’un tel déséquilibre sur la situation du consommateur (« au détriment du consommateur »). Dans le cas où l’abus est caractérisé, la clause de déchéance du terme sera réputée non écrite (C. consom., art. L. 241-1), ce qui signifie que le contrat de prêt, seulement amputé de cette clause abusive, restera applicable dans toutes ses autres dispositions (i. e. non abusives), sauf indivisibilité (pt n° 10).
La caractérisation de l’abus est toutefois laissée à l'appréciation du juge, à l’appui de la méthode du faisceau d’indices, qui repose en l’occurrence sur les éléments suivants : nature et caractère de l’obligation inexécutée ; gravité de l’inexécution au regard de la durée et du montant du prêt ; existence de moyens adéquats et efficaces à la disposition du consommateur pour remédier aux effets d’une exigibilité anticipée. Dans cette perspective, il incombe principalement au juge d’apprécier si la faculté conférée au professionnel par la clause de déchéance du terme de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation essentielle du contrat en cause (CJUE 26 janv. 2017, Banco Primus, n° C-421/14). La Cour de cassation a ainsi juger valable, en l’absence d’abus, une clause de déchéance du terme stipulée non pas seulement dans le cas d’un défaut de règlement des échéances, mais aussi en cas de déclaration inexacte des emprunteurs sur des éléments essentiels du contrat ayant déterminé l’accord de la banque ou pouvant compromettre le remboursement du prêt (Civ. 1re, 28 nov.2018, n° 17-21.625), ou encore dans l’hypothèse d’un emploi des fonds à un usage autre que celui contractuellement prévu (Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 22-12.222), pour autant que la clause considérée ne prive pas l’emprunteur de son recours au juge pour en contester l’application. En revanche, la Cour de cassation a jugé abusive la clause prévoyant la déchéance du terme pour une cause extérieure au contrat litigieux et relative à l’exécution d’une convention distincte (Civ. 1re, 1er févr. 2005, n° 01-16.733 : déchéance du terme à raison du défaut de remboursement par le consommateur des échéances d’un autre emprunt, l’abus s’inférant de l’extériorité d’une telle circonstance au contrat dans lequel la clause examinée est stipulée ; adde, Civ. 1re, 5 juin 2019, n° 16-12.519 : déchéance du terme en cas de démission du salarié-emprunteur ; v. pt n° 12).
À retenir :
■ La clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation conclu à compter du 1er mai 2011, date d'entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, n'est pas illicite et n'emporte donc pas déchéance du droit aux intérêts ;
■ Une clause de déchéance du terme est abusive et réputée non écrite notamment si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt ne dépend pas de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, ce qu'il appartient au juge d'apprécier par recours à la méthode du faisceau d’indices.
Références :
■ Civ. 1re, 1er déc.1993, n° 91-20.894 P
■ Civ. 1re, 25 nov. 2010, n° 09-71.022
■ Civ. 1re, 30 avr. 2014, n° 13-13.641
■ CJUE 26 janv. 2017, Banco Primus, n° C-421/14 : D. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2017. 525, obs. M. Moreau, J. Moreau et O. Poindron.
■ Civ. 1re, 28 nov.2018, n° 17-21.625 : D. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2019. 548, obs. J. Moreau ; RDI 2019. 324, obs. J. Salvandy ; AJ contrat 2019. 84, obs. J. Lasserre Capdeville.
■ Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 22-12.222 : D. 2024. 1877, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2025. 662, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud.
■ Civ. 1re, 1er févr. 2005, n° 01-16.733 B : D. 2005. 640, obs. V. Avena-Robardet ; RTD civ. 2005. 393, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2005. 825, obs. B. Bouloc.
■ Civ. 1re, 5 juin 2019, n° 16-12.519 P : D. 2019. 1221 ; ibid. 1784, chron. S. Vitse, S. Canas, C. Dazzan-Barel, V. Le Gall, I. Kloda, C. Azar, S. Gargoullaud, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry ; ibid. 1848, chron. J.-M. Moulin et Y. Picod ; ibid. 2020. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RDI 2019. 558, obs. J. Salvandy ; AJ contrat 2019. 343, obs. V. Legrand ; Rev. prat. rec. 2020. 23, chron. R. Bouniol ; RTD com. 2019. 963, obs. D. Legeais ; RTD eur. 2020. 768, obs. A. Jeauneau.
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