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[ 9 mars 2010 ] Imprimer

Droit bancaire - droit du crédit

Crédit à la consommation : opposabilité du réaménagement de la dette

Mots-clefs : Crédit à la consommation, Solidarité (effets secondaires, représentation mutuelle, non), Dette, Réaménagement, Délai de forclusion

En cas de réaménagement ou de rééchelonnement des modalités de règlement des échéances impayées d'un crédit à la consommation consenti à plusieurs emprunteurs, le report du point de départ du délai biennal de forclusion, n'est pas opposable à l'emprunteur, fût-il tenu solidairement, qui n'a pas souscrit l'acte de réaménagement ou de rééchelonnement, à moins qu'il ait manifesté la volonté d'en bénéficier.

Par acte sous seing privé du 12 novembre 2002, une banque avait consenti un crédit à la consommation que deux personnes s'étaient solidairement engagées à rembourser. Un avenant de réaménagement des modalités de règlement des échéances impayées fut signé le 23 novembre 2004 avec l'un des coemprunteurs seulement. Le 10 juillet 2006, les deux coobligés furent assignés en remboursement par la banque. Celui qui n'avait pas signé l'avenant entendit alors se prévaloir de la fin de non recevoir tirée de l'expiration du délai biennal de forclusion.

Cette requête fut rejetée par les juges du fond qui estimèrent que le réaménagement des modalités de paiement de la dette avait vocation à profiter à l'emprunteur solidaire, nécessairement intéressé aux nouvelles stipulations convenues pour l'amortissement progressif du solde du prêt, de sorte qu'il ne pouvait prétendre que l'avenant, quand bien même il n'y avait pas apposé sa signature, n'aurait d'effet sur la recevabilité de l'action du créancier qu'à l'égard de son coobligé.

Cette solution est cassée par la première chambre civile dans un arrêt du 11 février 2010. La Haute Cour y estime, au visa des articles L. 311-37 du Code de la consommation, 1165 (effet relatif des contrats) et 1208 du Code civil (effets de la solidarité), qu'« en se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme P. avait manifesté la volonté de bénéficier du réaménagement des modalités de règlement des échéances impayées du crédit litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». Ce faisant, la Cour de cassation rejette l'application des effets secondaires de la solidarité et, en particulier, de la représentation mutuelle entre les coobligés solidaires, fiction critiquée en doctrine et qui semble devoir être écartée dès qu'elle nuit au prétendu représenté (v. Civ. 16 déc. 1891 ; Com. 17 mai 1994) ou que le codébiteur peut faire valoir une exception qui lui est personnelle (v. Com. 4 oct. 1983).

À notre connaissance, la Cour n'avait encore jamais tranché directement cette question (pour des hypothèses proches, v. Civ. 1re, 22 janv. 2009 ; 6 nov. 2001). Ici, elle pose très clairement que le réaménagement de la dette ne reporte le point de départ du délai de forclusion qu'à l'égard de celui qui a signé l'acte, à moins qu'il n'ait manifesté la volonté d'en bénéficier. Il appartiendra à la cour de renvoi de rechercher si la codébitrice avait, en l'espèce, manifesté une telle volonté en effectuant, par exemple, des versements suivant les mensualités réaménagées.

Civ. 1re, 11 févr. 2010, FS-P+B+I, n° 08-20.800

 

Références

Article L. 311-37 du Code de la consommation

« Le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision du juge de l'exécution sur les mesures mentionnées à l'article L. 331-7. »

■ Code civil

Article 1165

« Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121. »

Article 1121

« On peut pareillement stipuler au profit d'un tiers lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a déclaré vouloir en profiter. »

Article 1208

« Le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation, et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs.

Il ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles à quelques-uns des autres codébiteurs. »

Civ. 16 déc. 1891, DP 1892. 1. 177, note Cohendy ; S. 1893. 1. 81, obs. Tissier.

Com. 17 mai 1994, n° 92-13.103, Bull. civ. IV, n° 176.

Com. 4 oct. 1983, n° 82-12.415, Bull. civ. IV, n° 245.

Civ. 1re, 22 janv. 2009, n° 07-18.895.

Civ. 1re, 6 nov. 2001, n° 00-04.206, Bull. civ. I, n° 269 ; D. 2002. Somm. 2444, obs. Revel ; CCC 2002, n° 20, note Raymond.

 


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