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Droit de la consommation
Crédit à la consommation : précisions sur le contenu de l’obligation d’information du prêteur
Le montant de l’échéance qui figure dans l’encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n’inclut pas le coût mensuel de l’assurance souscrite par l’emprunteur accessoirement à ce contrat.
Civ. 1re, 8 avr. 2021, n° 19-25.236
L’exhaustivité des listes dressant les informations essentielles qu’il incombe au professionnel de transmettre au consommateur n’épuise pas toutes les questions susceptibles de se poser en ce domaine, comme en témoigne cet arrêt rendu en matière de crédit à la consommation, contrat pour lequel le législateur avait pourtant souhaité enrichir et préciser celles déjà prévues par l’article L. 111-1 du Code de la consommation, qui fonde la notion de caractéristique essentielle du bien ou du service à la consommation (« (…) le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné »), ainsi que par l’article L. 121-2, 2°, b) qui, au sujet des pratiques commerciales déloyales, en définit le contenu (l’information sur le bien ou le service porte sur « ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service »).
D’une importance capitale en droit de la consommation, plusieurs dispositions légales (C. consom., art. L.312-28, qui renvoie à l’article L. 312-12) et réglementaires (C. consom., art. R. 312-10, procédant aussi par renvoi à l’article L. 341-4) imposent ainsi au professionnel d’insérer au début du contrat un encadré informatif des caractéristiques essentielles du crédit devant, notamment, mentionner sous peine de déchéance du droit aux intérêts « le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement, (…), (l)es sûretés et les assurances exigées, le cas échéant ; » (C. consom., art. R. 312-10, g) et h) ; R. 311-5 anc.). Malgré l’extrême précision de ce dispositif, une incertitude avait pu être observée en jurisprudence sur la mention relative au calcul du montant des échéances visées par le texte réglementaire de l’article R. 312-10.
Pour certaines juridictions d’appel, cette mention devait concerner la somme totale devant être effectivement réglée et ainsi comprendre la prime d’assurance facultative lorsque l’emprunteur en avait souscrite une (v. par ex., Amiens, 19 sept. 2019, n° 18/00672 ; Rouen, 17 oct. 2019, n° 18/04358 ; Toulouse, 5 févr. 2020, n° 18/03258). La déchéance du droit aux intérêts était alors prononcée au motif d’un manquement à l’obligation d’information de l’emprunteur sur les caractéristiques du contrat. À l’inverse, d’autres juridictions estimaient qu’en raison de son caractère facultatif, cette prime n’avait pas à être comptabilisée (v. par ex., Douai, 16 janv. 2020, n° 17/05631 ; Paris, Pôle 4, 9ème ch., 14 janv. 2021, n° 18/04664 ; Paris, 18 juin 2020, n° 17/12565, Paris, 25 juin 2020, n° 17/12530 ; Chambéry, 14 janv. 2021, n° 19/01592).
Une clarification par la Haute juridiction était donc attendue. Elle y procède dans l’arrêt rapporté, dont la solution mérite pour cette raison d’être relevée.
En l’espèce, une banque avait émis une offre de crédit à un couple de consommateurs, qui l’avait acceptée. À la suite de la défaillance de ces derniers, la banque avait prononcé la déchéance du terme du contrat et les avait assignés en paiement.
La cour d’appel ayant prononcé la déchéance de son droit aux intérêts et rejeté sa demande en paiement, la banque forma un pourvoi en cassation, au moyen que, dans sa rédaction applicable au litige, l’article R. 311-5 du Code de la consommation (devenu R. 312-10) n’exigeait pas que le coût des assurances facultatives figurât dans l’encadré prévu. Dès lors, en décidant le contraire au motif que le montant de l’échéance qui doit figurer dans l’encadré s’entend de la somme totale que l’emprunteur doit effectivement régler et comprend donc la prime d’assurance facultative lorsqu’il l’a souscrite, la cour d’appel aurait violé les textes susvisés.
Adhérant à la thèse du pourvoi, la Cour de cassation, au visa des anciens articles L. 311-18, L. 311-48, alinéa 1er, et R. 311-5 du Code de la consommation, censure la décision des juges du fond.
Elle rappelle d’une part que selon les deux premiers textes susvisés, un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, sous peine de déchéance du prêteur du droit aux intérêts.
Elle souligne d’autre part les termes du dernier qui fixe de manière exhaustive la liste des informations précitées devant impérativement figurer dans cet encadré :
Elle considère ainsi qu’il s’en déduit que « le montant de l’échéance qui figure dans l’encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n’inclut pas le coût mensuel de l’assurance souscrite par l’emprunteur accessoirement à ce contrat ».
Cet arrêt vient ainsi dissiper l’incertitude relevée précédemment. La solution repose sur une application orthodoxe des textes applicables, qui limitent l’obligation d’information du prêteur au contenu essentiel et obligatoire du contrat principal : accessoire au contrat de crédit, le contrat d’assurance, dont le coût ne relève donc pas des caractéristiques essentielles du contrat principal, échappe au spectre des impératifs informatifs prévus par les deux premiers textes visés. Elle est également justifiée au regard du dernier texte invoqué, l’article R.312-10 du Code de la consommation n’exigeant pas, en effet, que le coût mensuel de l’assurance facultative souscrite par l’emprunteur soit mentionné dans l’encadré dès lors que, comme le rappelle la Cour, seuls sont visées les sûretés et les assurances « exigées, le cas échéant », c’est-à-dire les assurances obligatoires. Elle s’explique enfin plus généralement par la règle prétorienne d’interprétation stricte de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, qui ne peut donc être étendue à des causes de déchéance que la loi ne prévoit pas expressément (Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 17-20.565 ; Civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-25.160).
Il est enfin intéressant de relever que cette décision rendue en droit de la consommation ne se prononce pas, étonnamment, en faveur de la partie la plus faible au contrat, c’est-à-dire de l’emprunteur lequel devra, pour contracter en pleine connaissance de cause, garder à l’esprit que les frais liés aux éventuelles assurances non obligatoires qu’il aura souscrites devront être calculés et par lui-même additionnés au montant global des échéances figurant dans l’offre de crédit qui lui sera proposée pour connaître exactement l’effort financier qu’il devra fournir pour rembourser son prêt.
Références :
■ Amiens, 19 sept. 2019, n° 18/00672
■ Rouen, 17 oct. 2019, n° 18/04358
■ Toulouse, 5 févr. 2020, n° 18/03258
■ Douai, 16 janv. 2020, n° 17/05631
■ Paris, Pôle 4, 9ème ch., 14 janv. 2021, n° 18/04664
■ Paris, 18 juin 2020, n° 17/12565
■ Paris, 25 juin 2020, n° 17/12530
■ Chambéry, 14 janv. 2021, n° 19/01592
■ Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 17-20.565 P: DAE 12 févr. 2019, note Merryl Hervieu; D. 2019. 68 ; AJDI 2019. 632, obs. J. Moreau, M. Phankongsy et O. Poindron ; RDI 2019. 440, obs. J. Salvandy ; AJ contrat 2019. 184, obs. J. Lasserre Capdeville
■ Civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-25.160 P: D. 2020. 484 ; Rev. prat. rec. 2020. 9, chron. M. Draillard, Rudy Laher, A. Provansal, O. Salati et E. Jullien
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