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Droit de la consommation
Crédit immobilier à la consommation : l’action du prêteur se prescrit et s’interrompt
Mots-clefs : Protection des consommateurs, Crédit immobilier, Art. L.137-2 C. consom., Action en paiement du prêteur, Délai de forclusion (non), Délai de prescription (oui), Point de départ, Premier incident de paiement non régularisé
Lorsqu’un crédit immobilier est consenti par un professionnel à un consommateur, l’action en paiement du prêteur est soumise à un délai de prescription, et non de forclusion, en sorte que ce délai est susceptible d’interruption. Le point de départ de ce délai est fixé au jour du premier incident de paiement non régularisé.
Une banque avait consenti à un particulier un prêt immobilier dont certaines échéances étaient restées impayées. Celle-ci avait alors engagé une procédure de saisie immobilière à l’encontre du débiteur, qui avait saisi le juge de diverses contestations. La cour d’appel les écarta et fixa la créance de la banque.
Le débiteur forma un pourvoi en cassation pour voir requalifier le délai de l’action engagée par la banque, prévu par l’article L. 137-2 du Code de la consommation, en délai de forclusion (et non de prescription) et contester qu’il fût jugé interrompu (ce que la qualification précédente rend impossible et ne peut, en toute hypothèse, n’être déduit que de la reconnaissance par le débiteur du droit de son créancier, ce à quoi n’équivaut pas la simple demande de rééchelonnement des paiements qu’il avait adressé à sa banque).
La première chambre civile rejette le pourvoi au motif que l’article L. 137-2 du Code de la consommation institue bien un délai de prescription de deux ans, dont le point de départ est la date de la première échéance impayée et non régularisée, ce délai étant donc susceptible d’interruption. En l’espèce, elle fut causée par la correspondance émanant du débiteur et contenant une reconnaissance de sa dette envers la banque.
Selon l’article L. 137-2 du Code de la consommation : « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Ce texte, qui instaure un délai de prescription, et non de forclusion, s’applique naturellement dans l’hypothèse où un crédit immobilier est consenti par un établissement de crédit à un consommateur (Civ. 1re, 28 nov. 2012).
Rappelons brièvement leur différence.
Délai de procédure, le délai de forclusion est un délai pour agir en justice, dont le but est d’inciter à agir au plus vite. Par exemple, encourt une forclusion celui qui n’a pas interjeté appel d’un jugement dans le délai légal d’un mois.
La prescription, quant à elle, tend davantage à consolider une situation de fait. Elle se définit généralement comme un mode d’acquisition ou d’extinction d’un droit, par l’écoulement d’un certain délai. En ce sens, elle constitue en principe une présomption irréfragable de paiement (C. civ, art. 1350, 2°, et art. 1352, al. 2), voire un mode d'extinction de l'obligation qui n'a pas été payée (C. civ., art. 1234).
La qualification de ce délai biennal, de prescription et non de forclusion, posa en l’espèce moins de difficultés que la fixation de son point de départ. Plusieurs dates pouvaient être envisagées : celle du premier incident de paiement non régularisé, celle de la déchéance du terme du prêt, celle de l'exigibilité de l'obligation.
La Cour de cassation a récemment tranché : « le point de départ du délai de prescription biennale (…) se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé » (Civ.1re, 10 juill. 2014).
Ainsi, par la décision rapportée, la Cour confirme-t-elle à la fois sa faveur pour l'application en ce domaine de l'article 2224 du Code civil (disposant que c'est à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action que le délai débute) et sa décision de situer cette prise de connaissance à la date du premier incident non régularisé, ce que le texte précité n’impose pas de manière évidente.
En outre, cette solution revient à appliquer au délai de prescription de l'article L. 137-2 du Code de la consommation une solution propre au délai de forclusion de l'article L. 311-52 du même code relatif au crédit à la consommation. Or, l’assimilation des régimes de ces deux types de délais peut être contestée en raison des différences attachées à leurs qualifications respectives : ainsi, comme l’invoquait le demandeur au pourvoi, le délai de forclusion, contrairement au délai de prescription, ne peut ni être interrompu (sauf pour un acte d’exécution forcée C. civ. art 2244) ni être suspendu.
Plus concrètement, la solution peut enfin être regrettée pour ses conséquences défavorables à l’emprunteur. Elle encourage le prêteur à exercer son action dès le premier incident de paiement et le dissuade ainsi d’accorder un délai supplémentaire à l'emprunteur ne rencontrant que des difficultés financières passagères.
Elle peut, néanmoins, s’expliquer par la difficulté qu’auraient causé les autres dates susceptibles de fixer le point de départ : celle de l’exigibilité de l’obligation, c’est-à-dire celle du prêt immobilier, se révèle en effet malaisée à mettre en œuvre, un prêt étant généralement remboursable par fractions, le plus souvent par échéances mensuelles, en sorte que chaque mensualité constitue une créance distincte, ayant sa propre date d'exigibilité, et donc chacune un point de départ propre, sauf à ce que le créancier provoque la déchéance du terme. La dette devenant alors exigible intégralement, le point de départ se situerait, plus aisément, le lendemain du jour de la notification de la déchéance du terme. Mais le non-automatisme de cette sanction (C.consom., art. L. 312-22) privait non pas de commodité mais de sécurité le choix de cette date comme point de départ du délai.
Civ. 1re, 4 févr. 2015, n°13-28.823
Références
■ Civ. 1re, 28 nov. 2012, n°11-26.508 ; RDT com. 2013. 126, note Legais.
■ Civ. 1re, 10 juill. 2014, n°13-15.511 ; RDT com. 2014. 675, note Legais.
■ Article L. 137-2 du Code de la consommation
« L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
« Le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
- ou le premier incident de paiement non régularisé ;
- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;
- ou le dépassement, au sens du 11° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 311-47.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 331-7 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 331-7-1. »
« En cas de défaillance de l'emprunteur et lorsque le prêteur n'exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut majorer, dans des limites fixées par décret, le taux d'intérêt que l'emprunteur aura à payer jusqu'à ce qu'il ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret. »
■ Code civil
« Les obligations s'éteignent :
Par le paiement,
Par la novation,
Par la remise volontaire,
Par la compensation,
Par la confusion,
Par la perte de la chose,
Par la nullité ou la rescision,
Par l'effet de la condition résolutoire, qui a été expliquée au chapitre précédent,
Et par la prescription, qui fera l'objet d'un titre particulier. »
« La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits ; tels sont :
1° Les actes que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions, d'après leur seule qualité ;
2° Les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résulter de certaines circonstances déterminées ;
3° L'autorité que la loi attribue à la chose jugée ;
4° La force que la loi attache à l'aveu de la partie ou à son serment. »
« La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe.
Nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi, lorsque, sur le fondement de cette présomption, elle annule certains actes ou dénie l'action en justice, à moins qu'elle n'ait réservé la preuve contraire et sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires. »
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
« Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée. »
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