Actualité > À la une
À la une
Droit du travail - relations individuelles
Critères à retenir pour caractériser la modification du contrat de travail en cas de changement d’horaire du salarié
Mots-clefs : Contrat de travail, Horaire, Changement, Pouvoir de direction, Modification du contrat, Vie privée du salarié
Dans deux arrêts en date du 3 novembre 2011 relatifs au changement d’horaire de travail du salarié, la chambre sociale encadre le pouvoir de direction de l’employeur tout en précisant quels sont les éléments à prendre en compte pour caractériser une modification du contrat de travail.
Dans la première affaire (n°10-14.702), une salariée s’est vu notifier par son employeur une nouvelle répartition de ses horaires passant d’un lieu de travail à deux, et d’horaires majoritairement du matin (avec une coupure le midi et un horaire limité à 2 heures en milieu de journée), à des horaires exclusivement d’après-midi jusqu’à 21 h, sans interruption et en augmentant le temps de travail à effectuer le samedi. Considérant que ce nouvel emploi du temps représentait un bouleversement de ses conditions de travail, elle saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat.
Dans la seconde affaire (n°10-30.033), une salariée contestait son licenciement pour faute grave intervenu à la suite de son refus de passer d’un horaire continu à un horaire discontinu.
La question soulevée, et commune à ces deux affaires, est de savoir si un employeur peut modifier librement les horaires d’un salarié sans son consentement ?
En principe, la fixation et le changement d’horaires de travail relèvent du pouvoir de direction de l’employeur (faculté de modifier unilatéralement les obligations du salarié qui découlent du contrat de travail) et s’imposent au salarié (v. pour un simple changement d’horaire journalier : Soc. 8 juill. 1998 ; pour un changement de jour de repos par un autre jour ouvrable : Soc. 17 oct. 2000).
Toutefois, la simple modification de la répartition des horaires de travail ne doit pas se confondre avec une réorganisation complète de cette répartition. En effet, la Cour de cassation considère que chaque fois que ce changement entraîne une réorganisation de la répartition des horaires de travail, il y a bouleversement de l’économie du contrat : la modification du contrat de travail est alors caractérisée et nécessite l’acceptation du salarié (art. 1134 C. civ.). L’accord du salarié sera nécessaire dans l’hypothèse, par exemple, d’un de passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit, même partiel (Soc. 19 févr. 1997 ; Soc. 27 févr. 2001 ; Soc. 7 avr. 2004 ; Soc. 30 oct. 2007), ou encore, comme dans l’hypothèse de la seconde affaire commentée, du passage d’un horaire continu à un horaire discontinu (v. déjà. Soc. 18 déc. 2000).
En revanche, et c’est l’hypothèse de la première affaire, la chambre sociale — au visa des articles L. 1121-1 du Code du travail (droits et libertés dans l’entreprise) et 1134 du Code civil — va opérer un contrôle subjectif. Elle reproche, en effet, aux juges du fond de ne pas avoir précisé en quoi « le changement d’horaire portait une atteinte excessive au droit de la salariée au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos ».
Ainsi, pour caractériser la modification du contrat de travail, la Haute cour guide les juges du fonds en apportant une précision. Les limites du pouvoir de direction semblent posées à partir du moment où ce dernier impose au salarié un changement d’horaire qui porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos. Dès lors qu’une nouvelle répartition des horaires vient perturber les conditions de vie privée du salarié (par ex. conséquence sur la garde des enfants), le contrat de travail est jugé modifié et l’accord du salarié requis. C’est dorénavant une obligation pour les juges du fond de procéder préalablement à ce constat pour caractériser la modification du contrat de travail.
Soc. 3 nov. 2011, n°10-14.702, FS-P+B
Soc. 3 nov. 2011, n°10-30.033, FS-P+B
Références
■ J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, 26e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2012, n°590.
■ Soc. 8 juill. 1998, n°96-42.015.
■ Soc. 17 oct. 2000, n°98-42.264, D. 2001. 737.
■ Soc. 19 févr. 1997, n°95-41.199.
■ Soc. 27 févr. 2001, n°98-43.783.
■ Soc. 7 avr. 2004, n°02-41.486.
■ Soc. 30 oct. 2007, n°06-43.455.
■ Soc. 18 déc. 2000, n°98-42.885.
■ Article L. 1121-1 du Code du travail
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une