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[ 1 juin 2011 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Critique de l’action d’un homme politique sur un sujet d’intérêt général : admission de la bonne foi

Mots-clefs : Bonne foi (bénéfice de), Ingérence, Diffamation, Débat d’intérêt général

Par un arrêt du 27 avril 2011, la Cour de cassation retient l’exception de bonne foi en matière de diffamation lorsque le sujet est d’intérêt général et ne dépasse pas les limites admissibles de la liberté d’expression dans la critique d’un homme politique.

mEn l’espèce, l’auteur d’un livre sur la période post « Khmers rouges » au Cambodge et l’occupation vietnamienne mettait en cause un ancien dirigeant Khmer devenu ministre d’État et assumant de hautes responsabilités politiques. Ce dernier avait poursuivi l’auteur et les éditions Calmann-Lévy en diffamation publique envers un particulier.

La cour d’appel de Paris avait retenu le caractère diffamatoire des propos concernés, et rejeté l’exception de bonne foi en raison de l’absence de mesure et de prudence dans la formulation adoptée par l’auteur. Rappelons que l’exception de bonne foi, qui ne consiste pas à prouver la réalité des faits diffamatoires, se caractérise habituellement par :

■ la prudence dans l’expression de la pensée ;

■ le respect du devoir d’enquête préalable ;

■ l’absence d’animosité personnelle envers le diffamé ;

■ l’intention de poursuivre un but légitime (Civ. 2e, 14 mars 2002).

Singulièrement, la chambre criminelle rend sa décision au seul visa de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Selon la Haute cour, « la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 » dudit article. Or, « le passage incriminé, portant sur un sujet d’intérêt général relatif à l’histoire récente du Cambodge, et au comportement d’un personnage important lors des événements tragiques qu’a connus ce pays de 1975 à 1979, ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d’expression dans la critique de l’action d’un homme politique ».

La Cour de cassation semble dès lors reprendre à son compte la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 1er juill. 1997, Oberschlick c. Autriche, § 59) qui avait pu juger que « les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique agissant en sa qualité de personnage public que d’un simple particulier ».

Dans un arrêt récent (Crim. 29 mars 2011), la chambre criminelle, concernant des propos qui s’inscrivaient dans la suite d’un débat sur un sujet d’intérêt général, a jugé que les propos concernés ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression dans la critique d’un représentant de l’État (un préfet en l’espèce, v. Dalloz Actualités, 31/05/2011, obs. S. Lavric).

Crim. 27 avril 2011, n° 10-83.771, F-P+B

Références

Article 29 de la Loi du 29 juill. 1881 sur la liberté de la presse

« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure. »

Article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme — Liberté d’expression

« Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ».

Civ. 2e, 14 mars 2002, Bull. civ. II, n° 40.

CEDH Gde Chambre, 1er juill. 1997, Oberschlick c. Autriche.

Crim. 29 mars 2011, n° 10-85.887, F-P+B.

 

Auteur :B. H.


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