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Droit du travail - relations individuelles
De la délégation de pouvoir de licencier et de la qualité du mandataire
Mots-clefs : Employeur, Délégation de pouvoir Entretien préalable, Licenciement, Notification, Qualité du mandataire, Cabinet comptable, Personne étrangère à l'entreprise (oui)
Un cabinet comptable est une personne étrangère à l'entreprise cliente, l'employeur ne peut lui donner mandat pour conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme.
Un salarié a fait l’objet d’un licenciement pour motif personnel. La lettre de convocation à l’entretien préalable (art. L. 1232-2 C. trav.) et la notification du licenciement (art. L. 1232-6 C. trav.) ayant été signées par le cabinet comptable de l’employeur, le salarié estima la procédure irrégulière et saisit la juridiction prud’homale afin de voir déclarer dépourvue de cause réelle et sérieuse la rupture de son contrat de travail.
Le cabinet comptable de l’employeur, prestataire extérieur, pouvait-il être délégataire du pouvoir de conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme ?
En principe, c’est l’employeur qui convoque et procède à l’entretien préalable au licenciement (art. L. 1232-2, L. 1232-3 et L. 1232-4 C. trav.) puis qui le notifie (art. L. 1232-6 C. trav.). Si aucune délégation de pouvoir n’est expressément prévue par la loi, la jurisprudence l’admet en restreignant toutefois la qualité du mandataire.
En effet, si dans un premier temps, la chambre sociale a pu décider que « la faculté de représenter l’employeur à l’entretien préalable n’est pas réservée au seul délégataire du pouvoir de prononcer le licenciement » (Soc. 14 mai 1987 ; Soc. 14 juin 1994), elle a pu préciser dans un second temps que « la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement » (Soc. 26 mars 2002). Il a ainsi été admis que le directeur des ressources humaines d’une société mère n'était pas une personne étrangère aux filiales et pouvait donc recevoir mandat pour procéder à l'entretien préalable et au licenciement d'un salarié employé par les filiales « sans qu'il soit nécessaire que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit » (Soc. 23 sept. 2009), cette dernière pouvant résulter des fonctions du salarié (Ch. mixte 19 nov. 2010, à propos de la possibilité pour les représentants légaux d’une SAS de déléguer le pouvoir d’engager ou de licencier). De même, il a été jugé que le travailleur temporaire — pourtant non lié directement par un contrat de travail à l’employeur — n’était pas une personne étrangère à l’entreprise au sein de laquelle il a pour mission « l'assistance et le conseil du directeur des ressources humaines ainsi que son remplacement éventuel » (Soc. 2 mars 2011). C’est donc le lien avec l’entreprise (et non avec le contrat de travail) que la Haute cour examine pour distinguer si une personne est ou non étrangère à l’entreprise.
En l’espèce, la chambre sociale, au visa de l’article L. 1232-6 du Code du travail, réitère son attendu de principe de 2002 (Soc. 26 mars 2002, préc.) et déclare que le cabinet comptable est une personne étrangère à l’entreprise qui ne peut conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme.
L’employeur ne peut donc déléguer son pouvoir de licencier à un prestataire extérieur. Cette solution interpelle si l’on confronte le critère « du lien avec l’entreprise » aux qualités relationnelles et de confiance que peut nouer une société avec certains de ses prestataires. De part cette décision, il semblerait que le lien soit plus direct avec un travailleur temporaire, pourtant de passage dans une entreprise, qu’avec un cabinet comptable, qui au demeurant peut avoir une connaissance approfondie et dans la durée de la situation de son client.
Soc. 7 déc. 2011, n°10-30.222, FS-P+B
Références
■ J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, 26e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2012, n°419 s.
■ Soc. 14 mai 1987, Bull. civ. V, n°332.
■ Soc. 14 juin 1994, n°92-45.072.
■ Soc. 26 mars 2002, n°99-43.155.
■ Soc. 23 sept. 2009, n° 07-44.200.
■ Ch. mixte 19 nov. 2010, n°10-10.095 et n°10-30.215, D. 2011. 344.
■ Soc. 2 mars 2011, n°09-67.237, RDT 2011. 307.
■ Code du travail
« L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. »
« Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. »
« Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.
La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. »
« Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article. »
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