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Droit des sûretés et de la publicité foncière
De la nature du cautionnement hypothécaire
L'action en annulation d'une sûreté réelle immobilière garantissant la dette d'un tiers est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de droit commun.
Com. 15 mars 2023, n° 21-19.669
Réelle ou personnelle, la nature exacte du cautionnement hypothécaire pose question. En témoigne la décision rapportée, relative à la prescription de l’action en nullité de cette sûreté dont la nature réelle ou personnelle se trouvait discutée en ce qu’elle se révélait déterminante du délai de prescription applicable. En cause, une affectation hypothécaire, qualifiée par les parties de « cautionnement hypothécaire », par lequel un tiers avait consenti, en garantie de la dette d’autrui, une hypothèque conventionnelle sur des biens lui appartenant. Parfois improprement qualifiée de « cautionnement réel », cette sûreté réelle pour autrui est soustraite au régime du cautionnement, précisément parce qu’il n’en est pas un, le garant ne s’engageant pas à se substituer au débiteur en cas de défaillance de ce dernier. Il s'agit donc d'une sûreté réelle immobilière. Or, nul n’ignore que les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans (C. civ., art. 2227). C’est ce délai que la cour d’appel avait en l’espèce retenu pour déclarer non prescrite l’action en annulation du cautionnement engagée par le garant. Devant la Cour de cassation, la banque soutient au contraire que la nature réelle de cette sûreté était sans incidence sur la qualification de son action en annulation, qui restait personnelle et soumise, en conséquence, à la prescription quinquennale de droit commun (C. civ., art. 2224).
La Haute juridiction devait alors répondre à la question de savoir si un « cautionnement » réel hypothécaire demeure soumis, comme tout engagement personnel, à la prescription quinquennale ou s’il relève, comme toute sûreté réelle, de la prescription trentenaire. En vérité, la chambre commerciale avait déjà répondu à cette question avec une clarté qui laissait peu de chances de succès à la demanderesse au pourvoi. En effet, elle avait tranché en faveur de la nature réelle de cette sûreté en des termes sans équivoque : « la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, elle n’est pas un cautionnement. Limitée au bien affecté en garantie, elle est soumise à la prescription trentenaire, prévue par le dernier texte pour les actions réelles immobilières, et non à la prescription quinquennale de droit commun » (Com. 2 juin 2021, n° 20-12.908). Pourtant, la même chambre juge ici le contraire, confirmant la thèse du pourvoi selon laquelle l’action en annulation d’une sûreté réelle immobilière garantissant la dette d’un tiers est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de droit commun.
Bien qu’elle porte sur une sûreté réelle, l’action en annulation du cautionnement hypothécaire n’est donc pas soumise à la prescription trentenaire mais à la prescription quinquennale applicable aux actions personnelles, dont elle relève en ce qu’elle vise à faire annuler un acte juridique. Le revirement opéré par la Cour peut sans doute également s’expliquer par l’évolution du droit des sûretés, dont la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 a conduit à uniformiser le régime applicable au cautionnement, personnel ou réel, par des règles communes, notamment quant à l’information de la caution (C. civ., art. 2325).
Dont acte. Une action en nullité est bien une action personnelle, indépendamment du type d’acte dont l’annulation est demandée, ce qui permettait de résoudre le problème soulevé en l’espèce par l'hybridité de la sûreté consentie.
Références :
■ Com. 2 juin 2021, n° 20-12.908 P : DAE, 14 juin. 2021, note Fabienne Terryn ; D. 2021. 1526, note M. Nicolle ; ibid. 1879, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; RTD civ. 2021. 691, obs. C. Gijsbers.
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