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Droit des obligations
De la qualification d’une clause pénale
Mots-clefs : Contrat, Clause pénale, Obligation, Débiteur, Inexécution, Contrainte, Indemnité forfaitaire, Montant manifestement excessif, Réduction, Pouvoir du juge
Constitue une clause pénale la clause d'un contrat stipulant une indemnité en cas d'inexécution, à la fois pour contraindre à l'exécution de celui-ci et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice causé par son inexécution.
À la suite de la rupture anticipée d’un mandat de vente d’un ensemble immobilier confié à un agent immobilier selon un acte sous seing privé, les mandants furent condamnés solidairement à verser une indemnité au mandataire. Le mandat prévoyait « qu’en cas de manquement à ses obligations, le mandant ser[ait] redevable au mandataire d’un indemnité forfaitaire égale au montant des honoraires que le mandataire aurait été fondé à percevoir ». Les juges du fond considérèrent que l’indemnité contractuelle de résiliation prévue par les parties ne présentait pas le caractère d’une clause pénale et devait s’analyser en une indemnité forfaitaire entre professionnels qui ne pouvait, en conséquence, donner lieu à réduction.
La clause pénale est « celle par laquelle les contractants évaluent par avance les dommages-intérêts dus par le débiteur, en cas de retard ou d’inexécution » (v. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette ; art. 1152, 1226 et 1229 C. civ.). La fixation forfaitaire et anticipée d’une peine (ni excessive, ni dérisoire) par les parties a pour effet d’accroître la force obligatoire d’un contrat : elle contraint le débiteur à exécuter son obligation. Une telle clause se caractérise par le fait qu’elle nécessite :
– la stipulation d’une indemnité tenant lieu de dommages-intérêts en cas de retard ou d’inexécution ;
– la fixation forfaitaire à l’avance et définitive de cette indemnité : il ne pourra être alloué au créancier une somme ni plus faible, ni plus forte sauf s’il est constaté que son montant est manifestement dérisoire ou excessif (art. 1152 al. 2 C. civ.) ;
– la mise en demeure du débiteur d’exécuter son obligation ;
– l’inexécution par le débiteur de son obligation ;
– l’imputabilité de cette inexécution sur le débiteur (la clause ne sera pas exécutée en cas de force majeure).
La clause pénale s’applique du seul fait de l’inexécution et le créancier n’a pas à prouver son préjudice (Civ. 3e, 12 janv. 1994 ; Civ. 3e, 20 déc. 2006).
En l’espèce, il était de l’intérêt des mandants que l’indemnité contractuelle soit qualifiée de clause pénale puisqu’en vertu de l’article 1152 alinéa 2 du Code civil, le juge peut en réduire le montant lorsqu’il apparaît manifestement excessif à la date où il tranche (Civ. 1re, 19 mars 1980 ; Civ. 1re, 10 mars 1998 ; Com. 27 mars 1990), à charge pour le magistrat de préciser pourquoi il est caractérisé comme tel (Ch. mixte, 20 janv. 1978).
Ainsi, après avoir relevé les termes du mandat et la référence faite aux articles 1142 et 1152 du Code civil, la Haute cour conclut, au visa de l’article 1152 du Code civil, que la clause « avait pour objectif de contraindre le débiteur à exécuter ses engagements, évaluait forfaitairement l’indemnisation en cas d’inéquation et constituait donc une clause pénale ».
Civ. 1re, 1er déc. 2011, n°10-22.767, inédit
Références
■ F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n°621 s.
[Droit civil]
« 1° Dans un contrat, clause par laquelle le débiteur, s’il manque à son engagement ou l’exécute avec retard, devra verser au créancier une somme d’argent dont le montant, fixé à l’avance, est indépendant du préjudice causé.
2° Dans un testament, clause par laquelle le testateur exclut de sa succession ou du bénéfice d’un legs, l’héritier ou le légataire qui n’accomplirait pas une condition qu’il lui impose. »
[Droit civil]
« Acte par lequel une personne est chargée d’en représenter une autre pour l’accomplissement d’un ou de plusieurs actes juridiques.
Le mandat est conventionnel lorsqu’il résulte d’un contrat conclu entre le représenté (ou mandant) et le représentant (ou mandataire). Il peut aussi résulter de la loi ou d’un jugement. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code civil
« Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur. »
« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »
« La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution. »
« La clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale.
Il ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulée pour le simple retard. »
■ Civ. 3e, 12 janv. 1994, Bull. civ. III, n°5, RTD civ. 1994. 605, obs. Mestre.
■ Civ. 3e, 20 déc. 2006, Bull. civ. III, n°256, D. 2007. 371.
■ Civ. 1re, 10 mars 1998, Bull. civ. I, n°98, RTD civ. 1999. 97, note Mestre.
■ Civ. 1re, 19 mars 1980, Bull. civ. I, n°95.
■ Com. 27 mars 1990, Bull. civ. IV, n°90, RTD civ. 1990. 655, obs. J. Mestre.
■ Ch. mixte, 20 janv. 1978, RTD civ. 1978. 377 et 672, obs. G. Cornu.
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