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Droit des obligations
De la responsabilité du transporteur ferroviaire en cas d’erreur de destination du voyageur
Mots-clefs : Contrat de transport, Voyageur, Accident, Préjudice, Responsabilité contractuelle (non), Responsabilité délictuelle, Art. 1147 C. civ. Art. 1384 C. civ.
Le préjudice né d’un accident subi par un voyageur tombé sur le quai alors qu’il descendait en marche d’un train emprunté par erreur ne relève pas de la responsabilité contractuelle du transporteur ferroviaire.
S’étant aperçu in extremis qu’il s’était trompé de direction, un homme a été victime d’un accident corporel en essayant de descendre d’un train qui avait reçu le signal du départ. Il sollicita alors de la SNCF l’indemnisation de son préjudice. Les juges du fond ayant retenu l’entière responsabilité contractuelle de la société ferroviaire, cette dernière se pourvu en cassation.
Les questions ici soulevées étaient de savoir si la responsabilité de la SNCF devait être engagée sur le plan contractuel et si la faute de la victime (l’erreur de direction) pouvait ou non constituer une cause exonératoire de responsabilité du transporteur ?
En principe, pèse sur le transporteur de voyageurs une obligation contractuelle de sécurité de résultat (art. 1147 C. civ.) qui n’existe que pendant l’exécution du contrat de transport, c’est-à-dire à partir du moment où le voyageur commence à monter dans le train et jusqu’à ce qu’il en descende (v. Civ. 21 juill. 1970). Il ne pourra s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute de la victime que si cette faute, quelle qu’en soit la gravité, présente les caractères de la force majeure (évènement d’origine externe, imprévisible, irrésistible, empêchant l’exécution de l’obligation) et a été la cause exclusive du dommage. Interprétant strictement la notion de force majeure, la jurisprudence a souvent privé la SNCF du bénéfice de l’exonération totale, alors même que le comportement de la victime était particulièrement dangereux (v. Civ. 2e, 13 juill. 2006, concernant un usager qui a sauté d’un train en marche après déverrouillage de la fermeture automatique des portes ; Ch. mixte 28 nov. 2008, concernant des acrobaties sur le marchepied extérieur d’un train lancé à grande vitesse) conduisant à ne retenir comme unique cause exonératoire que le cas de la faute intentionnelle de la victime qui a recherché la réalisation du dommage (cas du suicide : v. Ass. plén. 14 avr. 2006). En outre, la faute de la victime ne peut jamais emporter qu’exonération totale (Civ.1re, 13 mars 2008).
En dehors de la période de transport, c’est la responsabilité délictuelle du transporteur qui sera alors retenue (v. Civ. 1re, 7 mars 1989). De même, lorsque le voyageur est dépourvu d’un titre de transport, du fait de la non-conclusion d’un contrat, aucune obligation contractuelle de sécurité ne pèse sur le transporteur qui ne verra alors sa responsabilité engagée que sur le plan extracontractuel (Civ. 1re, 12 déc. 1978).
En l’espèce, selon les juges du fond, le voyageur était titulaire d’un abonnement régulier. Il avait donc bien souscrit un contrat de transport avec la SNCF qui était, de ce fait, tenue, de par son obligation de sécurité de résultat, de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour qu’il ne tombe pas du wagon. Le fait qu’il se soit trompé de train ou ait commis une faute en ayant voulu en descendre à un moment inopportun « n’était ni imprévisible ni irrésistible dès lors que les erreurs de destination sont communes et que les moyens techniques et adaptés existent quant à mettre en œuvre les précautions nécessaires pour prévenir les conséquences d’essais de sortie intempestive d’un train tentées par les voyageurs ou ceux qui les accompagnent ». Selon eux, toute exonération était ainsi écartée.
Les avocats de la SNCF soulignèrent, notamment, que le voyageur n’était pas titulaire d’un titre de transport valable pour le trajet qu’il avait par erreur décidé d’emprunter (v. par ex. Civ. 1re, 12 déc. 1978). La Haute cour suit ce raisonnement et casse l’arrêt d’appel au visa des articles 1147 et 1384 alinéa 1er du Code civil. Elle énonce effectivement que l’accident n’était pas survenu dans l’exécution du contrat convenu entre les parties. De ce fait, la responsabilité du transporteur ne peut donc être engagée que sur le terrain de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil.
Civ. 1re, 1er déc. 2011, n°10-19.090, FS-P+B+I
Références
■ F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n°558 s. et 590 s.
■ Code civil
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les pères et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »
■ Civ. 21 juill. 1970, n° 69-11.758, Bull. civ. I, n° 246 ; D. 1970. 767, note Abadir.
■ Civ. 2e, 13 juill. 2006, n° 05-10.250.
■ Ch. mixte, 28 nov. 2008, n° 06-12.307, D. 2009. 461, note G.Viney.
■ Ass. plén. 14 avr. 2006, n°04-18.902, Bull. Ass. plén. 2006, n°6, D. 2006. 1577, note P. Jourdain ; RTD civ. 2006. 775, obs. P. Jourdain.
■ Civ.1re, 13 mars 2008, Bull. civ. I, D. 2008. 1582, note G. Viney.
■ Civ. 1er , 7 mars 1989, n° 87-11.493, Bull. civ. I, n°118 ; D. 1991. 1, note P. Malaurie ; ibid. 80, note C. Mascala.
■ Civ. 1re, 12 déc. 1978, Bull. civ. I, n°386 ; D. 1979. 174.
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