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Introduction au droit
De l’irrégularité d’un acte authentique
Mots-clefs : Acte authentique, Signature (absence), Vice de forme, Force probante, Acte sous seing privé
L’acte de cession de parts qui ne comprend pas la signature du notaire est nul en tant qu’acte authentique mais vaut acte sous seing privé entre les seules parties signataires.
Un couple, marié sous le régime de la communauté universelle, eut deux enfants. Le père constitua une société civile immobilière, d’abord, avec son fils. Par acte authentifié par un notaire, le couple céda, ensuite, quelques parts sociales à sa fille. Enfin, par acte de donation-partage, les époux transférèrent la nue-propriété de leurs parts à leurs enfants pour moitié chacun. Quelques années après le décès du couple, leur fils saisi le tribunal de grande instance d’une action en inscription de faux et d’une action en nullité contre l’acte de cession de parts en faveur de sa sœur. Il s’avérait, en effet, que cet acte ne revêtait ni la signature du notaire instrumentaire (uniquement un paraphe), ni celle de la mère (pourtant cocédante), ni celle du clerc de notaire le représentant en qualité d’associé (dont l’accord était statutairement obligatoire pour la cession).
Quelle force probante pouvait-il être alors encore attribuée à un acte authentique frappé d’irrégularités ?
Du point de vue de la force probante, l’acte authentique fait foi de la convention des parties jusqu’à inscription en faux (art. 1319 C. civ.) et il appartient à celui qui s’inscrit en faux d’établir les inexactitudes qu’il comporterait (Civ. 1re, 19 déc. 2006). L’acte authentique est « celui qui est reçu par un officier public ayant le droit d’instrumenter tant en considération du lieu que de la nature de l’acte, et suivants les formalités requises » (v. Terré, n°621 ; art. 1317 al. 1er C. civ.). Outre le fait que l’écrit doit donc être dressé par un officier public compétent, la rédaction de l’acte est assujettie à des formalités obligatoires, gages de régularité et de véracité de leur contenu : rédaction en français, absence de blanc ou interligne dans la rédaction, paraphes obligatoires dès ratures ou modifications, et signatures du notaire, des parties et témoins (si requis). Cette dernière condition est issue d’une règle générale posée à l’article 1316-4 alinéa 1er du Code civil. Sans ces formalités, l’acte devient nul de nullité absolue en tant qu’acte authentique (v. pour un défaut de signature des parties : Civ. 1re, 28 nov. 1972 ; Civ. 1re, 12 juill. 2007) mais, valable en tant qu’acte sous seing privé en vertu de l’article 1318 du Code civil si il est signé par les parties : la signature des parties traduisant le consentement de ces dernières aux obligations qui découlent de l’acte (Civ. 1re, 11 juill. 1955 ; Civ. 1re, 8 août 1967).
Dans l’arrêt commenté, il s’agissait d’une cession de part. Cet acte requiert en principe l’accord de tous les associés sauf s’il est consenti à un descendant (art. 1861 C. civ.). Toutefois, les statuts peuvent y déroger. La cession nécessite un écrit dont aucune forme n’est imposée (sauf cas de cession entre époux) et, si les parts cédées étaient en communauté, l’époux non associé doit intervenir à l’acte.
En l’espèce, il était reproché que l’épouse n’avait pas signé l’acte alors qu’il s’agissait de parts communes en bien. Sauf qu’au moment des faits, c’était l’article 1421 alinéa 2 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 décembre 1985 qui autorisait le mari à disposer seul des biens communs pourvu que se soit sans fraude. La fraude ici a pu être écartée puisque l’épouse a consenti par la suite à la donation partage.
Concernant le défaut de signature du clerc représentant le requérant en qualité d’associé, l’action, pour être valable, aurait du être intentée dans les trois ans à compter du jour où la nullité était encourue (art. 1844-14 C. civ.). En outre, l’accord de cession était exigé des associés par les statuts. De ce fait, le requérant avait signé un pouvoir en vue d’agréer sa sœur comme nouvelle associée (la qualité de cette dernière a de plus été consacrée dans l’acte de donation partage), ce qui traduisait bien la réalité de son consentement.
Enfin, concernant le défaut de la signature du notaire : le paraphe de ce dernier ne saurait suppléer l’absence de signature pour rendre l’acte authentique (art. 1316-4 al. 1er C. civ. ; v. cependant concernant le paraphe d’une partie : « La cour d'appel relève souverainement qu'un paraphe apposé à l'endroit des signatures vaut signature », Civ. 3e, 7 mars 2001). Toutefois, l’acte demeure valable en tant qu’acte sous seing privé (1318 C. civ.) à condition qu’il s’agisse d’un acte pour lequel la forme authentique n’est pas exigée ad validitatem. En principe, on l’a vu, l’acte de cession n’exige pas ce critère (art. 1861 C. civ.) et ni, en l’espèce, les statuts de la société en cause.
C’est pourquoi la Haute cour confirma le raisonnement des juges du fond qui avaient précisé que si l’acte était nul en tant qu’acte authentique par défaut de forme, il valait néanmoins acte sous seing privé entre les seules parties signataires, à savoir le père et sa fille.
Civ. 1re, 28 sept. 2011, n°10-13.733, FS-P+B+I
Références
■ F. Terré, Introduction générale au droit, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n°621 s.
[Droit civil/Procédure civile]
« Écrit établi par un officier public (notaire par ex.), sur support papier ou électronique, et dont les affirmations font foi jusqu’à inscription de faux et dont les grosses, revêtues de la formule exécutoire, sont susceptibles d’exécution forcée.
Lorsqu’il est établi par un notaire, l’acte authentique est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi, sauf disposition contraire expresse.
Un acte reçu en la forme authentique par un notaire est nécessaire pour l’accomplissement des formalités de publicité foncière. »
[Droit civil]
« Acte écrit, généralement instrumentaire, plus rarement nécessaire à l’existence de la situation juridique, rédigé par un particulier et comportant la signature des parties.
L’acte sous seing privé n’a de force probante qu’autant qu’il n’y a pas dénégation ou méconnaissance de l’écriture ou de la signature par celui auquel on l’oppose, à moins que la partie qui s’en prévaut n’en démontre la sincérité. »
[Droit général]
« Littéralement, pour la validité. Synonyme de Ad solemnitatem. »
■ Officier public
[Droit civil/Procédure civile]
« Titulaire d’un office ayant qualité pour dresser des actes authentiques (ex. : le maire en tant qu’officier de l’état civil, le notaire, le greffier du tribunal de commerce, l’huissier de justice). »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code civil
« La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.
Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
« L'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises.
Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
« L'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des parties. »
« L'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause.
Néanmoins, en cas de plaintes en faux principal, l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue par la mise en accusation ; et, en cas d'inscription de faux faite incidemment, les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement l'exécution de l'acte. »
Article 1421 dans sa rédaction avant la loi de 1985
« Le mari administre seul la communauté sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion.
Il peut disposer des biens communs, pourvu que ce soit sans fraude et sous les exceptions qui suivent. »
« Les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue. »
Les parts sociales ne peuvent être cédées qu'avec l'agrément de tous les associés.
Les statuts peuvent toutefois convenir que cet agrément sera obtenu à une majorité qu'ils déterminent, ou qu'il peut être accordé par les gérants. Ils peuvent aussi dispenser d'agrément les cessions consenties à des associés ou au conjoint de l'un d'eux. Sauf dispositions contraires des statuts, ne sont pas soumises à agrément les cessions consenties à des ascendants ou descendants du cédant.
Le projet de cession est notifié, avec demande d'agrément, à la société et à chacun des associés. Il n'est notifié qu'à la société quand les statuts prévoient que l'agrément peut être accordé par les gérants.
Lorsque deux époux sont simultanément membres d'une société, les cessions faites par l'un d'eux à l'autre doivent, pour être valables, résulter d'un acte notarié ou d'un acte sous seing privé ayant acquis date certaine autrement que par le décès du cédant.
Toutefois, sur le plan civil, le mariage incestueux est nul et la filiation incestueuse est strictement régie par la loi. Sur le plan pénal, l’inceste est une circonstance aggravante du viol, des agressions sexuelles, ainsi que de la mise en péril des mineurs de 15 ans par atteinte sexuelle. »
■ Civ. 1re, 19 déc. 2006, D. 2007. 513.
■ Civ. 1re, 28 nov. 1972, JCP 1973. II. 17461.
■ Civ. 1re, 12 juill. 2007, Bull. civ. I, n°267.
■ Civ. 1re, 11 juill. 1955, Bull. civ. I, n°294.
■ Civ. 1re, 8 août 1967, RTD civ. 1968. 147.
■ Civ. 3e, 7 mars 2001, Bull. civ. III, n°31.
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