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Droit européen et de l'Union européenne
De l’usage des documents transmis à la Commission européenne
Mots-clefs : Ententes ; Preuve ; Règlement n° 1/2003 ; Coopération entre autorités nationales et Commission européenne ; Communication des griefs ; Droit de la défense, Principe du contradictoire
En matière de concurrence, la Cour de justice reconnaît à la Commission européenne le droit de s’appuyer sur des documents qui lui ont été transmis par une autorité nationale alors même que ces documents avaient été recueillis pour un autre objet, étranger à une procédure de concurrence. De même, elle juge que les documents communiqués n’ont pas à être divulgués lors de la procédure d’instruction avant la communication des griefs, les droits de la défense étant respectés tant que l’entreprise est mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue.
Le respect des droits de la défense est souvent soulevé afin de contester les sanctions prises par la Commission européenne en matière de concurrence. Il est vrai que ce moyen relève de la protection des droits fondamentaux, puisque l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE y fait référence. Toutefois le respect de ces droits n’est en aucun cas absolu et doit être concilié avec d’autres obligations, dont l’efficacité de la lutte contre certaines infractions dont les pratiques anticoncurrentielles. Dans ce contentieux, la Cour de justice est venue préciser cet équilibre alors que plusieurs moyens visaient à contester le respect de ces droits quant aux conditions de la coopération entre les autorités nationales et la Commission européenne et aux exigences liées à la divulgation des preuves aux entreprises concernées.
L’affaire en cause trouve son origine dans une décision de la Commission européenne sanctionnant une entente dans le secteur de la banane en 2004 et 2005. Pour étayer sa démonstration, la Commission européenne s’est appuyée sur une preuve qui lui avait été transmise par les autorités nationales italiennes. Or ces autorités s’étaient procuré cette preuve dans le cadre d’une enquête fiscale, n’ayant aucun lien avec le droit de la concurrence. Les entreprises poursuivies ont contesté l’utilisation de ce document au motif que l’article 12 du règlement n° 1/2003 impose de ne pas se servir de documents qui ont été recueillis pour un autre objet qu’une enquête en matière de concurrence. Au-delà les entreprises estimaient que le respect du principe du contradictoire n’avait pas été respecté, ayant eu connaissance tardivement de ce document.
La Cour de justice écarte les différents moyens soulevés liés au respect des droits de la défense. Sur le premier moyen lié à la violation de l’article 12 du règlement n° 1/2003 limitant l’usage de certaines preuves selon le cadre dans lesquelles elles ont été saisies, la Cour juge que la Commission pouvait s’appuyer sur cette preuve livrée par une autorité nationale. La Cour précise que la validité de la communication d’un document issue d’une procédure pénale nationale relève d’une question purement nationale et que le juge de l’Union ne peut contrôler la légalité de cette transmission qui relève d’un acte national. Un acte national ne peut en effet faire l’objet d’un recours en annulation devant les juridictions de l’Union. Au-delà, la Cour admet la recevabilité du document au regard du droit de l’Union estimant que le règlement n° 1/2003 n’impose pas une règle générale interdisant l’utilisation de preuve saisie dans une autre procédure, sachant qu’au contraire le règlement vise à encourager l’échange d’informations entre autorités.
Sur le deuxième moyen, les entreprises estiment avoir eu connaissance trop tardivement du document. Or la Cour opère une distinction importante au sein de la procédure administrative visant à sanctionner une entente. Elle rappelle qu’il y a deux phases, l’une avant la communication des griefs, qui correspond à une phase d’instruction, et l’autre permettant à l’entreprise de se défendre. Tant que la communication des griefs n’a pas été faite, la Commission n’a aucune obligation de transmettre les éléments de preuve, à la condition toutefois que la phase d’instruction n’aboutisse pas à compromettre les droits de la défense. Ainsi le débat contradictoire intervient par principe à partir de la communication des griefs où les droits de la défense doivent être pleinement respectés. Il est nécessaire notamment que les entreprises puissent faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et les circonstances alléguées.
Ainsi la Cour de justice ouvre une possibilité à la Commission de faire usage des documents, indépendamment du cadre de la procédure dans laquelle ils ont été saisis à la condition que la procédure administrative garantisse aux entreprises le respect du principe du contradictoire.
Référence
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
Article 47
« Droit à un recours effectif et à accorder à un tribunal impartial. Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. »
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