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Droit des sûretés et de la publicité foncière
De nouvelles précisions sur la disproportion de la caution
Mots-clefs : Cautionnement, Créancier professionnel, Personnes physiques, Proportionnalité de l’engagement, Etendue du patrimoine, Parts sociales, Créance en compte courant, Prise en compte (oui)
Les parts sociales et la créance en compte courant d’associé dont est titulaire la caution au sein de la société débitrice font partie de son patrimoine devant être pris en considération pour apprécier la proportionnalité de son engagement à la date de sa souscription.
Les associés d’une société s’étaient rendus caution solidaire du remboursement de deux prêts consentis par un établissement de crédit à la société pour l'acquisition de son fonds de commerce. Après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de la société, l’établissement avait assigné les cautions en exécution de leurs engagements et celles-ci, pour y échapper, lui avaient opposé leur disproportion. La cour d’appel débouta l’établissement de ses demandes au motif que les parts sociales détenues par une caution de l'entreprise garantie, nullement valorisables en cas de cessation des paiements, ainsi que son compte courant d'associé ne peuvent entrer dans l'appréciation des biens visés par l'article L. 341-4 du Code de la consommation, puisque l’engagement de caution a précisément pour fonction, dans l’hypothèse d’une défaillance de l’entreprise, de permettre au créancier de se retourner contre un débiteur solvable.
Cet arrêt est cassé. La chambre commerciale de la Cour de cassation juge que les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement.
Selon l’article 2288 du Code civil, « Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ». L’engagement de la caution est ainsi accessoire à celui du débiteur principal. En conséquence, l’existence et l’étendue de l’obligation de la caution dépendent directement de celles du débiteur principal, comme de sa situation financière. C’est cet effet miroir qui a sans doute conduit la cour d’appel à exclure des biens constitutifs du patrimoine de la caution à prendre en compte les actifs qui risquent d’être perdus en cas d’insolvabilité de la société débitrice : parts sociales, créance en compte courant.
Cependant, cette analyse est discutable en ce qu’elle suppose, pour exclure les actifs non valorisables, que la garantie d’une personne en état d’insolvabilité ne rentrerait pas dans le champ d’une opération de cautionnement. L’idée défendue par les juges d’appel repose sur le fait que l’on accepte de se porter caution parce que l’on pense que l’on n’aura pas à payer la dette du débiteur principal. Or la configuration normale du cautionnement n’est pas nécessairement celle d’un débiteur solvable et d’ailleurs, la Cour de cassation admet que l’on cautionne un débiteur insolvable (Com., 10 oct.1995).
Au demeurant, une exégèse de la définition du cautionnement à l’article 2288 du Code civil laisse penser que l’impossibilité pour le débiteur de payer se situe dans le futur. L’article semble ainsi considérer que le non-paiement du débiteur est une éventualité et non un fait avéré, au stade de la conclusion du cautionnement, ce qui peut en partie soutenir l’analyse des juges du fond.
La Cour de cassation la rejette toutefois, incluant lesdits actifs dans les biens et revenus à considérer pour apprécier la proportionnalité de l’engagement des cautions, même en leur qualité d’associés, ne distinguant pas là où la loi ne distingue pas ; en effet, l’article L.341-4 vise simplement « toute personne physique » (« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation »).
Com., 26 janv.2016, n°13-28.378
Références
■ Com., 10 oct.1995, n°93-11.374, D. 1996. 265, obs. L. Aynès ; RTD com. 1996. 100, obs. M. Cabrillac
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