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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Déchéance de nationalité et acte de terrorisme
Mots-clefs : Déchéance de nationalité, Perte de la nationalité, Nationalité française, Acte de terrorisme, Décret
La décision du 11 mai 2015 du Conseil d’État valide le décret relatif à la déchéance de nationalité d’un ressortissant marocain condamné pour acte de terrorisme.
La déchéance de nationalité est définie par le Professeur Paul Lagarde comme «la sanction qui consiste à retirer à un individu qui l’avait acquise la nationalité française, en raison de son indignité ou de son manque de loyalisme ». Elle est prévue par les articles 25 et 25-1 du Code civil. Le retrait de la nationalité française est possible si la personne possède une autre nationalité (sans cela, la déchéance rendrait la personne apatride) et s’il existe des motifs d’une particulière gravité (notamment pour acte de terrorisme).
En l’espèce, un ressortissant marocain avait acquis la nationalité française par déclaration, en 2002, tout en conservant sa nationalité d’origine. Il a ensuite été arrêté en 2010, puis condamné en 2013 sur le fondement de l’article 421-2-1 du Code pénal à une peine de sept ans d’emprisonnement pour des faits, commis entre 2007 et 2010, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme.
En raison de cette condamnation, cet homme a été déchu de sa nationalité française par décret du Premier ministre et du ministre de l’intérieur en date du 28 mai 2014 pris sur le fondement des articles 25 et 25-1 du Code civil. Il avait dans un premier temps contesté cette décision devant le Conseil d’État, et posé à cette occasion une QPC portant notamment sur les deux articles du Code civil précités.
Dans sa décision du 31 octobre 2014, le Conseil d’État avait accepté de transmettre au Conseil constitutionnel la QPC portant sur les articles 25 et 25-1 du Code civil qui les a jugés conformes à la Constitution dans sa décision du 23 janvier 2015.
Le 11 mai 2015, le Conseil d’État fait application de la décision du Conseil constitutionnel en rejetant la critique de constitutionnalité opérée par le requérant.
Par ailleurs, les juges du Palais Royal rappellent que « l'article 25 du Code civil permet de déchoir de la nationalité française les personnes qui ont acquis cette nationalité et qui ont également une autre nationalité, pour des motifs limitativement énumérés et dans un délai limité, fixé à l'article 25-1 du même code ; que le 1° de l'article 25 vise notamment les personnes qui ont été condamnées pour crime ou délit constituant un acte de terrorisme ; que l'article 25-1 ne permet la déchéance de la nationalité dans ce cas qu'à la condition que les faits aient été commis moins de quinze ans auparavant et qu'ils aient été commis soit avant l'acquisition de la nationalité française, soit dans un délai de quinze ans à compter de cette acquisition. » Ainsi, « eu égard à la gravité toute particulière des actes de terrorisme et aux conditions fixées par les articles 25 et 25-1 du Code civil, les dispositions de ces articles ne sont pas incompatibles avec les exigences résultant du droit de l'Union» et notamment les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (V. CJUE 2 mars 2010, Rottman).
Enfin, le Conseil d’État précise que le droit pour un étranger d'acquérir la nationalité d'un État signataire de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la conserver n'est pas au nombre des droits et libertés reconnus par celle-ci.
Il s’ensuit que cet homme est définitivement déchu de sa nationalité française à moins qu’il ne saisisse la Cour européenne des droits de l’homme.
CE 11 mai 2015, n° 383664.
Références
■ Code civil
« L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
2° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
3° S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;
4° S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France. »
« La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et visés à l'article 25 se sont produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition.
Elle ne peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration desdits faits.
Si les faits reprochés à l'intéressé sont visés au 1° de l'article 25, les délais mentionnés aux deux alinéas précédents sont portés à quinze ans. »
■ Code pénal
« Constitue également un acte de terrorisme le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme mentionnés aux articles précédents. »
■ Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
« Égalité en droit. Toutes les personnes sont égales en droit. »
« Non-discrimination. 1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d'application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite. »
■ P. Lagarde, La nationalité française, Dalloz, Hors collection, 4e éd., 2011, n° 42.101.
■ CE 31 oct. 2014, n° 383664.
■ Cons. const. 23 janv. 2015, n° 2014-439 QPC, JO 25 janv., p. 1150; AJDA 2015. 134 ; D. 2015. 208; AJ pénal 2015. 201, obs. Chassang.
■ CJUE 2 mars 2010, Rottman, n° C-135/08, Rev. crit. DIP 2010. 540, note P. Lagarde.
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