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Procédure civile
Déclaration d’appel : l’énumération des demandes rejetées par le tribunal suffit à emporter l’effet dévolutif
Clarifiant l’interprétation des articles 562 et 901 du Code de procédure civile concernant l’exigence de précision des actes d'appel, la Cour de cassation définit les règles applicables au formalisme de la déclaration d’appel, qui défère à la cour les chefs de jugement critiqués. Dans le prolongement de sa jurisprudence récente, elle considère comme suffisamment précis les chefs du jugement attaqué qui peuvent être déduits de l'énumération des demandes rejetées par le tribunal. Dans ce cas, la déclaration d'appel emporte l'effet dévolutif.
Civ. 2e, 2 oct. 2025, n° 22-23.161
On sait que le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a entendu limiter l’appel aux chefs du jugement expressément critiqués par l’appelant, remettant ainsi en cause l’indication d’un appel « général » ou « total ». Il est en conséquence jugé de manière constante, depuis un arrêt du 30 janvier 2020 rendu en application des articles 562 et 901, 4°, du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret précité (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528), qu’en matière de procédure avec représentation obligatoire, lorsque la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, et sauf lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, l'effet dévolutif n'opère pas et la cour d’appel n’est pas saisie. Du respect de ce formalisme légal, exigeant la mention expresse des chefs de jugement critiqués, dépend donc l’effet dévolutif de l’appel.
Au cas d’espèce, les appelants s’étaient contentés d’énumérer dans leur déclaration d’appel les demandes rejetées en première instance par le tribunal, sans énoncer de façon expresse les chefs de jugement critiqués. Constatant l’imprécision de cette déclaration, la Cour d’appel conclut à l’absence d’effet dévolutif de l’appel interjeté et se déclara non saisie. Les appelants se sont pourvus en cassation, faisant grief à l'arrêt d'appel d'avoir à tort considéré que l'effet dévolutif de la décision n'avait pas opéré, motif pris que la déclaration d'appel ne satisfaisait pas à l'exigence de citer expressément les chefs du jugement attaqué. Les demandeurs arguaient du fait que l’objet de leur déclaration d'appel se limitait aux chefs du jugement expressément critiqués, énumérés dans l’acte, ayant rejeté leurs prétentions.
Il s'agissait alors pour la Cour de cassation d’apprécier si la déclaration d'appel est suffisamment précise lorsque l’appelant y énumère l’ensemble des demandes rejetées par le tribunal, sans faire expressément référence aux chefs du jugement attaqué.
En réponse, la Cour de cassation censure intégralement l'arrêt d'appel pour violation des articles 562 et 901, 4° du Code de procédure civile dans leur version de 2017. Elle rappelle que selon ces textes, « l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible » et que « la déclaration d'appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ». Les juges du droit en déduisent qu’en l’espèce, la déclaration d'appel limitait son objet aux chefs de jugement que l’appelant avait expressément énumérés et qui avaient rejeté un certain nombre de prétentions formées par lui en première instance. Partant, l’appel emportait l’effet dévolutif. Ainsi la Cour de cassation considère-t-elle que l’énumération dans la déclaration d’appel des demandes rejetées par le tribunal correspond aux chefs du jugement qui sont critiqués devant la cour d’appel. L'effet dévolutif de l'appel s'opère en l’espèce dès lors que les chefs du jugement critiqués peuvent être déduits de l’énumération dans l’acte des demandes rejetées par le tribunal, satisfaisant ainsi l’exigence légale de précision de la déclaration d’appel.
La Haute Juridiction précise de cette façon sa jurisprudence sur la validité d'un acte d'appel eu égard à la précision requise de ses mentions : c'est ainsi qu'a contrario, elle a pu juger que la déclaration d'appel qui indique uniquement « appel sur toutes les dispositions du jugement » n'opère pas l'effet dévolutif en ce qu'elle ne mentionne pas les chefs du jugement expressément critiqués (Civ. 2e, 26 oct. 2023, n° 21-23.012). Dans une exigence de clarté, l'acte d'appel doit en effet être suffisamment explicite afin que puissent se dégager, sans équivocité, les chefs du jugement critiqués. Cependant, les juges font preuve de souplesse en la matière. Ainsi la Cour a-t-elle récemment admis l’existence de l’effet dévolutif de la déclaration d’appel dont les chefs de jugement, même non expressément cités, peuvent être déduits de ses mentions, en l'espèce de l'énumération des chefs dont il était demandé confirmation (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-21.602). Aussi a-t-elle reconnu le même effet dévolutif dans l’hypothèse particulière dans laquelle le jugement critiqué ne comporte qu’un seul chef de dispositif (Civ. 2e, 10 juill. 2025, n° 22-23.553 et n° 23-11.348). Dans le prolongement de sa jurisprudence récente, la deuxième chambre civile témoigne ici d’une égale souplesse pour admettre que l’énumération des demandes rejetées par le tribunal dans la déclaration d’appel répond à son exigence de précision. En conséquence, le raisonnement des juges du fond est invalidé, l’absence d’effet dévolutif ne pouvant être retenue dans ce cas de figure : paralyser cet effet conduirait en effet à sanctionner le non-respect d’une formalité, qui, en elle-même, ne porte aucune atteinte aux droits de l’intimé, la connaissance qu’il doit avoir de l’étendue de la dévolution étant assurée par la correspondance établie par la Cour des demandes rejetées aux chefs de jugement critiqués. Une solution contraire relèverait d’un formalisme excessif et serait contraire à l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
À noter que cette décision, confirmant que l’effet dévolutif de l’appel est limité à ce qui est expressément critiqué dans la déclaration d’appel, ne remet pas en cause le principe selon lequel l’effet dévolutif n’opère pas lorsque la déclaration d’appel mentionne que l’appel est total ou qu’il est général.
Références :
■ Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528 : D. 2020. 288 ; ibid. 576, obs. N. Fricero ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry ; ibid. 458, obs. N. Cayrol
■ Civ. 2e, 26 oct. 2023, n° 21-23.012 : D. 2023. 1952 ; ibid. 2024. 613, obs. N. Fricero
■ Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-21.602 : AJ fam. 2025. 251, obs. F. Eudier
■ Civ. 2e, 10 juill. 2025, n° 22-23.553 et n° 23-11.348 : D. 2025. 1302
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