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Droit des biens
Découverte d’un trésor et droit de propriété
Celui qui trouve un trésor par hasard ne peut s’en prétendre possesseur de bonne foi, et il est dès lors possible au prétendu propriétaire dépossédé, d’exercer une action en revendication, laquelle est imprescriptible.
L’arrêt commenté suscite l’intérêt en ce qu’il rappelle, dans le contexte de la découverte d’un trésor, les règles d’acquisition de la propriété.
Suite à l’acquisition d’un bien immobilier en 2002, un couple découvre, en 2009 ainsi qu’en 2013, des lingots d’or enfouis dans le sol de leur jardin. Les héritiers de l’ancien propriétaire du bien immobilier exercent ensuite, par acte du 8 juillet 2014, une action en revendication des lingots d’or. En effet, s’ils n’ont pas la possession du trésor, ils entendent se fonder sur l’article 2227 du Code civil, selon lequel « le droit de propriété est imprescriptible ».
La cour d’appel entend cet argument, et condamne donc les possesseurs à restituer les lingots d’or, estimant que ceux-ci sont la propriété des héritiers.
Les possesseurs forment un pourvoi en cassation, autour de deux moyens qui seront l’un comme l’autre rejetés par la Haute juridiction.
D’une part, les époux invoquent l’article 2276, alinéa 1er du Code civil, qui prévoit que la possession immobilière vaut titre de propriété, et s’oppose ainsi à ce qu’un revendiquant soit admis à prouver son droit de propriété à l’encontre du possesseur de bonne foi. Cependant, la jurisprudence n’accorde la protection de cette règle que sous certaines conditions. Le possesseur doit ainsi avoir une possession véritable, ce qui exclut la détention précaire (Civ. 2e, 5 avr. 1960), et exempte de vices (Com. 11 mai 1993, n° 90-21.903). La jurisprudence exige également que le possesseur soit de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ait eu une croyance pleine et entière, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis (Civ. 1re, 23 mars 1965).
C’est précisément au regard de cette dernière condition, que la Cour de cassation rejette le pourvoi. Il est en effet relevé que celui qui découvre par hasard un bien enfoui, a nécessairement conscience de ne pas en être propriétaire. Dès lors, il ne peut être considéré comme possesseur de bonne foi, et n’est donc pas légitime à se prévaloir de la protection de l’article 2276, alinéa 1er.
D’autre part, les demandeurs au pourvoi faisaient valoir la prescription de l’action en revendication exercée par les héritiers, puisque l’article 2276, alinéa 2 du Code civil enferme celle-ci dans un délai de trois ans. La Cour de cassation rappelle que, conformément à l’article 2227 du Code civil, l’action en revendication d’un trésor au sens de l’article 716, alinéa 2 du Code civil, n’est pas susceptible de prescription, et écarte donc ce second moyen.
Cette position avait déjà été affirmée par la jurisprudence (Civ. 1re, 2 juin 1993, n° 90-21.982, 91-10.429, 91-10.971 et 91-12.013), mais il avait également été jugé que cette action en revendication ne pouvait triompher contre un défendeur justifiant d’une possession contraire régulière (Civ. 3e, 22 juin 1983).
En l’espèce, le possesseur est désormais écarté de tout droit à faire valoir sur les lingots, et il appartiendra donc aux héritiers, de rapporter la preuve de la propriété des biens trouvés.
Civ. 1re, 6 juin 2018, n° 17-16.091
Références
■ Com. 11 mai 1993, n° 90-21.903 P
■ Civ. 1re, 23 mars 1965, n° 63-11.238 P
■ Civ. 1re, 2 juin 1993, n° 90-21.982, 91-10.429, 91-10.971 et 91-12.013 P : D. 1993. 306, obs. A. Robert ; ibid. 1994. 582, note B. Fauvarque-Cosson.
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