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Droit des obligations
Défaillance de la condition suspensive : la clause pénale y survit
Mots-clefs : Obligations, Contrat de promesse, Condition suspensive, Défaillance, Effets, Clause pénale, Survie (oui), Réduction, Disproportion manifeste, Appréciation
La clause pénale, parce qu’elle prévoit la sanction à suivre en cas de défaillance du contrat, survit à la disparition rétroactive de ce dernier.
Un couple avait vendu un immeuble à une société civile immobilière (SCI), sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt. Il était stipulé dans le contrat de promesse de vente que si l’une des parties refusait de régulariser la vente alors que les conditions suspensives se seraient réalisées, elle serait tenue au paiement d’une clause pénale d'un montant de 128 000 euros. La SCI n'ayant pas sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans l'acte et la vente n'ayant donc pu être régularisée, les vendeurs avaient assigné la SCI en paiement de la clause pénale. La cour d’appel retint que la vente n'ayant pas été réitérée du fait de l'acquéreur, alors que les conditions suspensives stipulées dans son intérêt étaient réputées réalisées, la clause pénale devait trouver application ; cependant, elle jugea le montant de cette dernière manifestement excessive eu égard aux circonstances de la cause, et notamment au fait que le bien litigieux avait pu être rapidement remis en vente et vendu pour une somme de 900 000 euros, en sorte qu’il convenait de la réduire à la somme de 30 000 euros. Les acheteurs formèrent un pourvoi en cassation, reprochant cette réduction aux juges du fond. La Cour confirme leur analyse et rejette le pourvoi.
A titre liminaire, précisons que le contrat de promesse ayant été conclu avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2016, c’est le droit antérieur à celle-ci qui trouve en l’espèce application. Aux termes de l’ancien article 1168 du Code civil (V. désormais, C. civ., art. 1304), la condition suspensive est une modalité de l’obligation qui, lorsqu’elle repose sur un événement futur et incertain, subordonne l’existence de l’obligation à sa réalisation (elle peut désormais également dépendre d'un événement actuellement arrivé mais inconnu des parties au moment où elles concluent, auquel cas l'obligation prend effet au jour où elle a été contractée).
En principe, un contrat dans lequel est stipulée une condition suspensive qui ne se réalise pas disparaît rétroactivement, un événement nécessaire à sa formation faisant défaut ; les parties sont alors remises dans l’état où elles se trouvaient avant de contracter, en sorte que la clause pénale devrait disparaître elle aussi rétroactivement, en même temps que le contrat qui la contenait.
Cependant, cette clause, qui prévoit précisément une sanction en cas de défaillance du contrat, survit à la disparition rétroactive de ce dernier (Com. 22 mars 2011, n° 09-16.660). Quoiqu’il en soit, l’ancien article 1178 du Code civil (V. désormais, C. civ., art. 1304-3) sur lequel se fonde la décision rapportée disposait que « (l)a condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement ». Autrement dit, si la défaillance de la condition suspensive est imputable au comportement du débiteur, la condition, au lieu de défaillir et de conduire à l’anéantissement rétroactif du contrat conclu en fonction de sa réalisation, est réputée accomplie. L’existence du contrat, en l’espèce le contrat de promesse, n’est donc pas remise en cause si bien que la question de la survie de la clause pénale ne se pose plus.
Encore faut-il, pour mettre en application cette ancienne disposition, constater la faute du débiteur. L’imputabilité au débiteur de la défaillance d’une condition suspensive suppose de constater que cette défaillance est due au seul fait non équivoque du débiteur (Civ. 3e, 19 mai 2015, n° 14-14.264), une condition suspensive défaillie ne pouvant être réputée accomplie par la faute du débiteur lorsque son absence de réalisation a dépendu d’un autre que lui (Civ. 1re, 23 nov. 1983, n° 82-14.827; Com. 21 juin 1994, n° 92-15.876). Or selon une jurisprudence constante, une demande de prêt non conforme aux éléments contenus dans la promesse doit être imputée au débiteur, en l’espèce la société bénéficiaire de la promesse. Il en résulte, en l’espèce, que la société acheteuse était tenue de réitérer son consentement dans un contrat définitif et que faute d’avoir régularisé la vente, les vendeurs étaient en droit de lui réclamer la mise en œuvre de la clause pénale. Le montant de celle-ci a en revanche été réduit par les juges qui détiennent, concernant les clauses pénales, un pouvoir modérateur qui trouve à s’appliquer en cas de disproportion manifeste, celle-ci s’appréciant en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi (Com. 11 févr. 1997, n° 95-10.851).
Civ. 3e, 29 sept. 2016, n° 14-24.964
Références
■ Com. 22 mars 2011, n° 09-16.660 P, D. 2011. 2179, obs. X. Delpech, note A. Hontebeyrie ; Rev. sociétés 2011. 626, note J. Moury ; RTD civ. 2011. 345, obs. B. Fages.
■ Civ. 3e, 19 mai 2015, n° 14-14.264.
■ Civ. 1re, 23 nov. 1983, n° 82-14.827 P.
■ Com. 21 juin 1994, n° 92-15.876 P.
■ Com. 11 févr. 1997, n° 95-10.851 P, D. 1997. 71 ; RTD civ. 1997. 654, obs. J. Mestre.
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