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Droit de l'entreprise en difficulté
Défaut de conformité de la chose vendue : déclaration de la créance de l'acquéreur à la procédure collective du vendeur
Mots-clefs : Procédure collective, Déclaration des créances, Vente, Délivrance conforme, Défaut de conformité
La créance de l'acquéreur née du défaut de conformité de la chose vendue, ayant son origine au jour de la conclusion de la vente, intervenue avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du vendeur, doit être déclarée au passif de cette procédure.
Quelle est la date de naissance de la créance de réparation résultant du défaut de conformité de la chose vendue ? S'agit-il de la conclusion du contrat de vente ou bien de l'apparition du défaut de conformité ?
Cette question revêt une importance décisive lorsque, comme dans l'arrêt rapporté, une procédure collective a été ouverte à l'encontre du vendeur dans l'intervalle entre la vente et l'apparition du défaut de conformité.
En l'espèce, un contrat portant sur la fabrication et la vente de machines industrielles avait été conclu. Le lendemain du jour de livraison, la société venderesse est placée en procédure de sauvegarde. Et ce n'est qu'une dizaine de jours plus tard, lors de l'installation des machines, et après avoir payé l'intégralité du prix convenu, que l'acquéreur s'est aperçu d'un défaut de conformité. Diligent, ce dernier s'est empressé de déclarer sa créance indemnitaire éventuelle auprès du mandataire judiciaire ; mais, parallèlement, il a également saisi le tribunal pour voir la venderesse condamnée à lui payer la même somme.
Ce faisant, le demandeur prétendait bénéficier des dispositions de l'article L. 622-17 du Code de commerce, qui met en place un traitement de faveur au profit des « créanciers postérieurs privilégiés » (V. M.-L. Coquelet). Cette tentative reste vaine en première instance, le tribunal jugeant la demande irrecevable en raison du caractère antérieur à la procédure de la créance litigieuse. Cette position ayant été confirmée par la cour d'appel, le demandeur se pourvoit en cassation, arguant que ce n'est pas la date du contrat de vente, mais bien celle de l'apparition du dommage qui devait être considérée pour décider de l'antériorité de sa créance par rapport au jugement d'ouverture de la procédure collective.
Le pourvoi est rejeté, sans grande surprise, au motif que la créance de l'acquéreur née du défaut de conformité de la chose vendue a son origine au jour de la conclusion de la vente, de sorte que, si celle-ci est intervenue avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du vendeur, l'acquéreur doit la déclarer au passif de la procédure collective, conformément à l’article L. 622-24 du Code de commerce. La chambre commerciale de la Cour de cassation avait déjà décidé à deux reprises que la créance née de la garantie des vices cachés a son origine au jour de la conclusion du contrat de vente et non pas au jour de la révélation du vice (Com. 7 juill. 1992 ; Com. 8 juin 1999). Rien n’aurait permis d’expliquer que la solution fût différente s’agissant de la créance née d’un défaut de conformité : ces deux créances trouvent leur origine dans l’inexécution par le vendeur de ses obligations résultant de la vente et prennent donc naissance dès la conclusion de ce contrat.
La solution n’en demeure pas moins sévère pour l’acquéreur dans la mesure où la découverte d’un vice ou d’un défaut de conformité peut ne se produire que bien longtemps après la conclusion du contrat, voire après l’expiration du délai de deux mois (C. com., art. R. 622-24) accordé aux créanciers antérieurs pour effectuer la déclaration au passif de la procédure collective qui aurait été ouverte entre-temps à l’encontre du vendeur. Dans une telle hypothèse, l’acquéreur malheureux bénéficiera tout de même de la possibilité de solliciter un relevé de forclusion dès lors que sa « défaillance n’est pas due à [son] fait » (C. com., art. L. 622-26, al. 1er), et ce dans un délai « porté à un an pour les créanciers placés dans l’impossibilité de connaître l’existence de leur créance avant l’expiration du délai de six mois » accordé en principe (C. com., art. L. 622-26, al. 3, in fine).
Com. 2 oct. 2012, no 10-25.633
Références
■ M.-L. Coquelet, Entreprises en difficulté. Instruments de paiement et de crédit, 4e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2011, nos 278 s.
■ Code de commerce
« I.-Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
II.-Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent code.
III.-Leur paiement se fait dans l'ordre suivant :
1° Les créances de salaires dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L. 143-11-1 à L. 143-11-3 du code du travail ;
2° Les prêts consentis ainsi que les créances résultant de l'exécution des contrats poursuivis conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé ; ces prêts et délais de paiement sont autorisés par le juge-commissaire dans la limite nécessaire à la poursuite de l'activité pendant la période d'observation et font l'objet d'une publicité. En cas de résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités sont exclues du bénéfice du présent article ;
3° Les autres créances, selon leur rang.
IV.-Les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n'ont pas été portées à la connaissance de l'administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d'un an à compter de la fin de la période d'observation. »
« À partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.
La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.
La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 351-21 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1.
Les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail sont soumises aux dispositions du présent article pour les sommes qu'elles ont avancées et qui leur sont remboursées dans les conditions prévues pour les créances nées antérieurement au jugement ouvrant la procédure.
Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17 sont soumises aux dispositions du présent article. Les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance. Toutefois, les créanciers dont les créances résultent d'un contrat à exécution successive déclarent l'intégralité des sommes qui leur sont dues dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.
Le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées d'une infraction pénale court dans les conditions prévues au premier alinéa ou à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, lorsque cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture.
Les créances alimentaires ne sont pas soumises aux dispositions du présent article. »
« Le délai de déclaration fixé en application de l'article L. 622-26 est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
Lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine, le délai est augmenté de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas sur ce territoire.
Lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège dans un département ou une collectivité d'outre-mer, le délai est augmenté de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas dans ce département ou cette collectivité. »
« À défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, le délai est porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois précité. »
■ Com. 7 juill. 1992, no 90-21.814.
■ Com. 8 juin 1999, no 96-18.840, Bull. civ. IV, no 121 ; D. 2000. Somm. 95, obs. Honorat ; LPA 30 juin 1999, p. 11, note P. M. ; ibid., 1er nov. 1999, p. 14, note Courtier ; CCC 1999, no 157, obs. Leveneur ; JCP E 2000, no 4, p. 131, obs. Cabrillac ; ibid., no 8, p. 312, obs. Mainguy.
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