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[ 20 avril 2012 ] Imprimer

Procédure pénale

Défaut d'enregistrement des interrogatoires en matière de criminalité organisée : inconstitutionnalité !

Mots-clefs : Enquête, Instruction, Criminalité organisée, Enregistrement audiovisuel

Les septièmes alinéas des articles 64-1 et 116-1 du Code de procédure pénale méconnaissent le principe d'égalité et sont contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 18 janvier 2012 par la chambre criminelle, de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux articles 116-1 alinéa 7 et 64-1 alinéa 7 du Code de procédure pénale. Ces deux textes, introduits par la loi no 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale (JO 6 mars), permettent d'exclure l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires du suspect quand les faits concernés par l'enquête ou l'instruction relèvent de la criminalité organisée (crimes mentionnés à l'art. 706-73 C. pr. pén.) ou des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation (prévues par les Ier et II du Livre IV C. pén.), à moins que le procureur de la République ou le juge d’instruction n’ordonne l’enregistrement. Selon le requérant, ces exceptions au principe de l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires portent atteinte au principe d’égalité et au respect des droits de la défense.

Les Sages de la rue Montpensier ont rendu une décision d’inconstitutionnalité considérant que « la différence de traitement instituée entre les personnes suspectées d’avoir commis l’un des crimes visés par les dispositions contestées et celles qui sont entendues ou interrogées alors qu’elles sont suspectées d’avoir commis d’autres crimes entraîne une discrimination injustifiée », méconnaissant ainsi le principe d’égalité.

Le Conseil constitutionnel estime que ces exceptions ne trouvent « une justification ni dans la difficulté d'appréhender les auteurs des infractions agissant de façon organisée ni dans l'objectif de préservation du secret de l'enquête ou de l'instruction ». Si le législateur peut toujours prévoir un système dérogatoire pour certaines catégories d’infractions, celui-ci doit trouver une justification objective.

Il précise par ailleurs que si « aucune exigence constitutionnelle n’impose l’enregistrement des auditions ou des interrogatoires des personnes suspectées d’avoir commis un crime, en permettant de tels enregistrements, le législateur a entendu rendre possible, par la consultation de ces derniers, la vérification des propos retranscrits dans les procès-verbaux d’audition ou d’interrogatoire des personnes suspectées d’avoir commis un crime ». Ce faisant, le Conseil rappelle au législateur que l’objectif de la loi a été motivé par le souci de mettre un terme aux contestations relatives à l’authenticité des procès-verbaux d’interrogatoires dressés en garde à vue ou dans le cabinet du juge d’instruction. L’exposé des motifs du projet de loi soulignait ainsi : « ces enregistrements sécuriseront les procédures, tout en constituant une garantie à la fois pour les justiciables et pour les enquêteurs, en prévenant les mises en causes injustifiées dont ces derniers font parfois l’objet ». Rien ne justifie donc qu’il soit exclut en cas de suspicion de commission des infractions les plus graves. Au contraire, plus l'accusation portée est grave plus les garanties doivent être étendues !

L’abrogation de ces dispositions prend effet à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Elle est applicable aux auditions de personnes gardées à vue et aux interrogatoires des personnes mises en examen qui sont réalisés à compter de cette même date.

Cons. const. 6 avr. 2012, n° 2012-228/229 QPC

 

Références

■ Crim., QPC, 18 janv. 2012, F-P+B, n° 11-90.115.

■ Crim., QPC, 18 janv. 2012, F-P+B, n° 11-90.116.

■ Code de procédure pénale

Article 64-1

« Les auditions des personnes placées en garde à vue pour crime, réalisées dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un enregistrement audiovisuel.

L'enregistrement ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'audition, sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties. Les huit derniers alinéas de l'article 114 ne sont pas applicables. Lorsqu'une partie demande la consultation de l'enregistrement, cette demande est formée et le juge d'instruction statue conformément aux deux premiers alinéas de l'article 82-1. 

Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement réalisé en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

À l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement est détruit dans le délai d'un mois. 

Lorsque le nombre de personnes gardées à vue devant être simultanément interrogées, au cours de la même procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l'enregistrement de toutes les auditions, l'officier de police judiciaire en réfère sans délai au procureur de la République qui désigne, par décision écrite versée au dossier, au regard des nécessités de l'enquête, la ou les personnes dont les auditions ne seront pas enregistrées. 

Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'audition qui précise la nature de cette impossibilité. Le procureur de la République en est immédiatement avisé. 

[Abrogé] Le présent article n'est pas applicable lorsque la personne est gardée à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le procureur de la République ordonne l'enregistrement. 

Un décret précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent article. »

Article 116-1

« En matière criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction, y compris l'interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l'objet d'un enregistrement audiovisuel.

L'enregistrement ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation sur la portée des déclarations recueillies, sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties. Les huit derniers alinéas de l'article 114 ne sont pas applicables. Lorsqu'une partie demande la consultation de l'enregistrement, cette demande est formée et le juge d'instruction statue conformément aux deux premiers alinéas de l'article 82-1. 

Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement réalisé en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

À l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement est détruit dans le délai d'un mois. 

Lorsque le nombre de personnes mises en examen devant être simultanément interrogées, au cours de la même procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l'enregistrement de tous les interrogatoires, le juge d'instruction décide, au regard des nécessités de l'investigation, quels interrogatoires ne seront pas enregistrés. 

Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire qui précise la nature de cette impossibilité. 

[Abrogé] Le présent article n'est pas applicable lorsque l'information concerne un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le juge d'instruction décide de procéder à l'enregistrement.

Un décret précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent article. »

Article 706-73

« La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre : 

1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l'article 221-4 du code pénal ; 

2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code pénal ; 

3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ; 

4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l'article 224-5-2 du code pénal ; 

5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ; 

6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ; 

7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ; 

8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ; 

8° bis Délit d'escroquerie en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l'article 313-2 du code pénal ; 

9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par l'article 322-8 du code pénal ; 

10° Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ; 

11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ; 

12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée, prévus par les articles L. 2339-2, L. 2339-3, L. 2339-5, L. 2339-8, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ; 

13° Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; 

14° Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 13° ; 

15° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 14° et 17° ; 

16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l'article 321-6-1 du code pénal, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 15° et 17° ; 

17° Crime de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée prévu par l'article 224-6-1 du code pénal ; 

18° Crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d'application de l'article 706-167. 

Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 11°, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII. »

 

Auteur :C. L.

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