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[ 2 mai 2018 ] Imprimer

Procédure pénale

Délai de comparution devant la cour d’assises et maintien en détention provisoire

Le délai d’un an dans lequel la personne mise en accusation détenue doit comparaître devant la cour d’assises ne peut être interrompu que si l’audience sur le fond a débuté, ce qui suppose la formation préalable du jury de jugement.

Un accusé fut mis en accusation pour des faits de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner par une ordonnance du juge d’instruction en date du 8 novembre 2016. Son affaire fut appelée le 3 octobre 2017 devant la cour d’assises de la Moselle, mais elle fit l’objet d’un renvoi car une grève du barreau de Metz ce jour-là avait interdit l’accès au palais et, de fait, empêché la constitution du jury de jugement. Le 22 novembre suivant, l’accusé forma une demande de mise en liberté, que la chambre de l’instruction rejeta au motif que le délai d’un an de l’article 181 du Code de procédure pénale, qui avait couru depuis l’ordonnance de mise en accusation, avait été interrompu par la comparution de l’accusé le 3 octobre 2017, « peu important que l’affaire [eut] été renvoyée compte tenu du mouvement de grève des avocats, situation de force majeure qui a[avait] mis la cour dans l’impossibilité de constituer le jury de jugement ».

Saisie du pourvoi formé par l’accusé, la chambre criminelle casse et annule cet arrêt au visa des alinéas 8 et 9 de l’article 181 précité. Précisant en attendu que « le délai d’un an […] dans lequel la personne détenue en raison des faits pour lesquels elle est renvoyée devant la cour d’assises doit comparaître devant cette juridiction ne peut être interrompu que si l’audience a débuté au fond, ce qui suppose la formation préalable du jury de jugement » et qu’« à défaut, la chambre de l’instruction peut, à titre exceptionnel et avant l’expiration de ce délai […] ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois », la Haute Cour estime en l’espèce que « l’accusé n’avait pas régulièrement comparu devant la cour d’assises le 3 octobre 2017 » et que « la circonstance insurmontable qui avait empêché la constitution du jury de jugement n’interdisait pas qu’il fût statué, avant le 19 novembre suivant, jour de l’expiration du délai d’un an, sur la prolongation de la détention provisoire de l’accusé, conformément à l’alinéa 9 de l’article 181 précité dont les dispositions trouvaient ici à s’appliquer ». La cassation est prononcée sans renvoi dès lors que l’accusé est détenu sans titre depuis le 19 novembre 2017 (pour la mise en liberté ordonnée d’office d’un accusé, V. déjà Crim. 22 nov. 2005, no 05-86.295). 

La détention provisoire étant une atteinte grave aux libertés, sa durée, notamment, est strictement encadrée. En la matière, il existe deux grands principes : tout d’abord, la détention ne doit pas excéder une durée raisonnable (C. pr. pén., art. 144-1); ensuite, la détention doit cesser dès que ses conditions légales ne sont plus remplies. En outre, des limites concrètes de durée sont posées. Ainsi, en matière criminelle par exemple, selon l’alinéa 1er de l’article 145, « la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d’un an », le juge des libertés et de la détention pouvant cependant, à l’expiration de ce délai, par une ordonnance motivée rendue après débat contradictoire, prolonger la détention pour une durée de six mois, cette décision pouvant être renouvelée dans les limites prévues aux alinéas suivants. Ces dispositions s’appliquent jusqu’à l’ordonnance de règlement (art. 145 in fine).  

L’article 181, alinéa 7, précise qu’une fois que l’ordonnance de mise en accusation a été rendue, « si l’accusé est placé en détention provisoire, le mandat de dépôt décerné contre lui garde sa force exécutoire et l’intéressé reste détenu jusqu’à son jugement par la cour d’assises, sous réserve des deux alinéas suivants et de l’article 148-1 », l’alinéa 8 fixant un délai butoir d’un an pour la comparution (au terme duquel l’accusé « est immédiatement remis en liberté ») et l’alinéa 9 permettant à la chambre de l’instruction de prolonger exceptionnellement la détention au-delà, pour une durée de six mois renouvelable une fois, « par une décision rendue conformément à l’article 144 » (c’est-à-dire après débat contradictoire) « et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire » (sur les délais d’audiencement devant la cour d’assises, V. Rép. pén. Dalloz, vos Détention provisoire, par C. Guéry, no 205).

La cour d’assises étant formée de la cour (composée du président et de ses deux assesseurs) et du jury de jugement (composé de six jurés-citoyens au premier degré ; sur la formation et l’installation du jury de jugement, V. not. Rép. pén. Dalloz, vo Cour d’assises, par M. Redon, nos 194 s.), l’accusé n’avait pas comparu régulièrement devant la juridiction criminelle. En outre, l’alinéa 9 de l’article 181 vise précisément l’hypothèse où « l’audience sur le fond » n’a pas pu débuter avant l’expiration du délai d’un an. Ainsi, faute de comparution régulière dans le délai d’un an, la chambre de l’instruction aurait dû, avant l’expiration de ce délai, prolonger la détention en invoquant la grève du barreau au titre des « raisons de fait ou de droit [ayant] fai[t] obstacle au jugement de l’affaire » exigées par la loi (sur cette exigence de motivation, qui ne peut se limiter à indiquer que la charge de la cour d’assises n’a pas permis d’audiencer l’affaire, V. Crim. 2 sept. 2009, n° 09-83.950, ).  

Crim 27 mars 2018, n° 18-80.123 P

Références

■ Fiches orientation Dalloz: Cour d’assisesDétention provisoire (conditions) ; Détention provisoire (contentieux)

■ Crim. 22 nov. 2005, no 05-86.295 P: D. 2006. 251, obs. C. Girault ; AJ pénal 2006. 86, obs. C. Saas ; RSC 2006. 348, obs. D. N. Commaret.

 

■ Crim. 2 sept. 2009, n° 09-83.950 P: Dalloz actualité, 29 sept. 2009, obs. M. Léna ; D. 2010. 2254, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2009. 501, obs. J. Lasserre-Capdeville.

 

 

Auteur :Sabrina Lavric

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